Suite de la transcription de la vidéo.
Qui a donné l'ordre aux gendarmes de Nevers de ne rien enquêter sur cet homicide ?
Suite du témoignage de Hubert Marty Vrayance.
"Nous avons donc depuis un an, une équipe qui suit le premier ministre pas à pas, qui cherche à récupérer des documents qu'il a, et je pense que c'est ces documents qu'il devait remettre à un inconnu au bord du canal latéral de la Loire où il a été abattu, le 1er mai 1993.
"
Les gendarmes sont des militaires, corps créé par Charles VII, et ils sont notamment privés de tout droit syndical.
"Je voudrais revenir sur l'enquête.
Parce que mettons nous à la place des enquêteurs des gendarmes, qui doivent enquêter sur un homicide, dont toutes les autorités de l'Etat, dès le début, nous ont dit que c'était un suicide. Voit-on les gendarmes de la brigade de Nevers, section en charge de Bourges, aller contre une thèse officielle ? Le lundi ou le mardi suivant la mort de Pierre Bérégovoy, alors que tout le monde s'apprêtait à suivre les obsèques nationales qu'on va lui faire, remettre en cause cette thèse officielle ?
Moi j'ai discuté à cette époque avec un officier de gendarmerie de valeur, qui veut garder l'anonymat, qui a participé à l'enquête, qui m'a dit "On n'a rien pu faire. C'est une affaire d'état. On a fait une enquête de circonstance, pour dire qu'on avait fait une enquête. Mais on n'a rien. Le rapport d'autopsie, on l'a quasiment pas vu. La famille ne l'a jamais vu. Les tests de paraffine, on n'a rien pu faire. Vérification avec l'arme, on ne sait rien. On a un garde du corps qui est aux ordres. Aux ordres ! Aux ordres, et qui ne peut pas parler, qui ne peut rien dire, qui est visiblement terrorisé. Donc enquête ? Rideau ! C'est une affaire d'état, et on ne peut pas creuser."
Pierre Bérégovoy quitte Paris le 30 avril 1993 dans la matinée, il arrive pour un séjour de trois jours à Nevers.
Son chauffeur Jean-François Ragounoux et son garde du corps Sylvain Lespor le prennent sous leur protection à la sortie du train. Le lendemain 1er mai, il reçoit traditionnellement les syndicats au palais ducal. La journée s'annonce calme, et Pierre Bérégovoy particulièrement disponible.
Docteur Jean Nicot, adjoint de Pierre Bérégovoy :
"Oh moi je l'ai quitté à midi après le vin d'honneur qui était traditionnel après le petit discours, et qu'on ait salué les syndicalistes, je suis rentré à la maison, tranquillement. Rien n'était prévisible."
Claude Biancalana, inspecteur principal des R.G. de la Nièvre :
"J'étais donc en service dans le cadre de mes fonctions professionnelles aux Renseignements généraux de Nevers, et j'étais à l'extérieur au moment de la sortie de M. le premier ministre, puisqu'il avait toujours ce titre, et il est venu à ma rencontre, me présentant son officier de sécurité, et il m'a dit "Je vous le confie, afin que vous le formiez". Il était clair qu'il souhaitait que je le fasse profiter de mon expérience professionnelle quelqu'un qui allait s'installer à Nevers, et devenir localement l'officier de sécurité de l'ancien premier ministre. Cette démarche, je l'ai perçue comme la démarche de quelqu'un qui s'inscrivait dans le futur, dans l'avenir immédiat. C'était clairement ça, pas de problème. Je pense qu'il avait une attitude toute à fait normale, voire même détendue à ce moment là."
Après le déjeuner en famille chez sa soeur, toujours accompagné de son garde du corps et de son chauffeur, Pierre Bérégovoy se fait conduire vers 15 h 45 au parc Roger Salengro, où se déroule la traditionnelle course cycliste du 1er mai. L'ancien premier ministre se mettre dès lors, et pour les trois heures qui lui restent à vivre, en quête de son chef de cabiner, Didier Poulot. Bien que le futur maire de Nevers assure s'être trouvé à cette manifestation, les deux hommes ne s'y croiseront pas. Puis, peu après seize heures, Pierre Bérégovoy se fait déposer au pied de son appartement rue Saint-Martin A partir de ce moment, le récit officiel des événements ne tiendra plus qu'aux seules déclarations concertées de ce chauffeur et du garde du corps. Et leur version des faits cousue d'invraisemblances jettera le doute. Certaines de leurs déclarations apparaîtront même complètement fantaisistes. Un peu plus tard dans l'après midi, les deux hommes prétendront avoir attendu Pierre Bérégovoy à sa demande au pied du palais ducal, pour l'avoir soudain aperçu, tentant de se jeter par la fenêtre d'une de ces tours.
La caméra montre des fenêtres à vitraux, qui ne peuvent s'ouvrir...
Cet épisode grotesque sera repris par quelques média. Après la fable de la tour, ce sera le roman de la gare. Le maire de Nevers s'y serait fait conduire peu avant de se rendre à une compétition de canoë-kayak, et aurait cherché à se jeter sous un train qui n'est jamais passé. Cette deuxième tentative de suicide imaginaire n'a été confirmée par personne. Pierre Bérégovoy s'était en revanche bien rendu au palais ducal, pour se faire curieusement ouvrir le bureau d'apparat. un bureau où il ne conservait aucun dossier, comme le confirme le gardien de l'époque Pierre Carlin, qui témoigne avoir ensuite vu l'ancien premier ministre repartir seul.
Le point commun entre les différents lieux de Nevers visités par le maire cet après-midi fatal, c'est le téléphone.
Hubert Marty Vrayance reprend la parole :
"Il est revenu, une demi-heure trois quart d'heure dans ce restaurant (rue du 14 juillet) prendre un thé, et je crois que cette fois aussi, il dû passer un ou deux coups de téléphone depuis ce restaurant. Le dernier mois de sa vie, il n'était pas très sûr de ses liaisons téléphoniques, il était persuadé d'être sous écoute, d'être surveillé en permanence, donc il venait passer des coups de fil privés chez le restaurateur. Le restaurateur m'a expliqué qu'à plusieurs reprises Pierre Bérégovoy a eu des conversations très animées avec certaines autorités, certains ministres, certains membres du Parti Socialiste éminents, et que les conversations étaient souvent très tendues, et que visiblement il y avait un contentieux sur une affaire particulière entre lui et des responsables. Et donc souvent à la fin des conversations il m'expliquait que Pierre Bérégovoy avait l'air soucieux et très inquiet."
Puis ce sera le moment du dernier rendez-vous connu, la remise des coupes d'une compétition de canoë-kayak, qui se déroule au camping municipal, sur les bords de Loire. Pierre Bérégovoy arrive vers 17 h 30 en compagnie de ses deux protecteurs. La balle mortelle le frappera dans environ trois quarts d'heure.
Pierre Mignard, le président du club, a été la dernière personne à le voir, en dehors de son garde du corps, et de son chauffeur.
"
- Nous avons bu le pot de l'amitié. Et après, il a sauté serrer la main du nouveau gérant du camping, le jeune homme de là bas, et puis je l'ai rejoint près de sa voiture, et nous avons discuté.
- Et il est parti à quelle heure ?
- Vers les 18 h 10, 18 h 15.
"
Le procureur Dominique Lebras, qui a obéi et qui a enterré l'affaire :
"Ils sont sur le camping, la cérémonie a eu lieu, il a participé à la remise des coupes, et à ce moment là, il dit à son ch.. à son garde du corps de rester au terrain de camping, il demande à son chauffeur de le conduire sur les bords de la Loire, en disant "On reviendra tout à l'heure" et donc le garde du corps reste là, lui il part avec le chauffeur, Arrivé au lieu dit le peuplier Seul ou Solitaire, il demande à son chauffeur de le laisser seul dans le véhicule pour qu'il puisse téléphoner, question de confidentialité, et il passe donc deux appels téléphoniques dont l'heure et la durée exactes, j'ai noté ici que c'était à 17 h 48 un premier appel téléphonique et un second appel à 17 h 53. Et ces appels sont très courts, hein, voyez j'avais là le premier 32 secondes et le second 36 secondes. Bon, on le sait aujourd'hui, le dernier appel passé l'a été à une femme qui n'était pas l'épouse, mais ça a duré 36 secondes comme je l'ai dit. Bon, c'est quand même quelque chose d'un peu délicat, ça touche à l'intimité heu, d'un homme, d'un couple etc. Bon, est-ce à nous de, de fff, bon !
- Et l'autre appel, c'est une femme aussi ?
- Non, non, l'autre appel, c'est je crois vers la mairie. Non non, l'autre appel c'est vers la mairie.
"
Le procureur de la république nous révélant pour la première fois l'heure exacte des deux derniers appels téléphoniques passés par Pierre Bérégovoy, l'un chez son chef de cabinet Didier Boulaud, l'autre à Paris, contredit définitivement la version officielle. L'heure exacte nous apprend que ces appels n'ont pas pu être passés depuis le peuplier Seul, où l'ancien premier ministre ne s'est, de toute évidence, jamais rendu, mais bien depuis le camping. Arrivé vers 17 h 30 au Canoë-Kayak Club Nivernais, Pierre Bérégovoy ne pouvait en être reparti dix minutes plus tard. Ainsi, lorsqu'il passe les deux derniers appels téléphoniques de 17 h 48 et 17 h 53, il se trouve toujours bien au camping.
Delphine Byrka, grand reporter à Paris Match :
"Les témoins au club, les derniers qui l'ont vu vivant, se souviennent que les portes de la voiture étaient ouvertes, avec utilisation du téléphone, et qu'il fonctionnait parfaitement."
Qui a eu l'idée du détour par le Peuplier Seul ? Cette version que répéteront le chauffeur et le garde du corps, sert en fait à combler le trou d'un quart d'heure dans l'emploi du temps qui induit au "suicide". Mais cette construction est surtout indispensable pour expliquer que Pierre Bérégovoy à l'abri des regards, y aurait subtilisé le revolver 357 Magnum du garde du corps, prétendument oublié dans la boîte à gants. En sortant du camping, la Renault 25 de l'ex-premier ministre ne s'est pas dirigée vers le canal, mais vers le pont de Loire, comme l'avait confirmé le soir même le gardien du camping, mort depuis, "suicidé" de DEUX balles de fusil dans le ventre.
Delphine Byrka, grand reporter à Paris Match :
"Le premier mai, je reçois un coup de fil de la rédaction me demandant de partir avec un grand reporter Alain Bizot, immédiatement à Nevers, parce que on nous annonce que Pierre Bérégovoy s'est suicidé. Nous arrivons le soir même à Nevers, Je passe surtout beaucoup de temps avec les gens du canoë-kayak, j'essaie de retrouver
les dernières personnes qui lui ont parlé. Alors il y a le fameux gardien du camping qui m'explique à quelle heure exactement est sortie la voiture, et lui me donne une direction de sortie de la voiture, opposée à celle qui sera la version officielle, dans le descriptif du parcours de la voiture après le cérémonie de remise de médailles au club de canoë-kayak.
Alors ce qui est amusant, c'est que je vais le voir le lendemain matin très tôt, il refuse de me parler en m'expliquant que la police était passée, et qu'il ne pouvait plus rien me dire, et qu'il s'était forcément trompé sur ce qu'il avait dit, même s'il avait été très catégorique la veille. Et voilà, aujourd'hui, il ne voulait absolument plus parler.
"