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Auteur Sujet: Le Médiator et les méthodes de l'ombre du labo Servier :  (Lu 11609 fois)

JacquesL

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Le Médiator et les méthodes de l'ombre du labo Servier :
« le: 09 janvier 2011, 11:50:21 pm »
Le Médiator et les méthodes de l'ombre du labo Servier :
http://www.libeorleans.fr/libe/2010/12/servier-les-coups-bas-du-labo-du-mediator.html
http://www.liberation.fr/societe/01012309667-les-methodes-de-l-ombre-du-labo-servier
http://www.liberation.fr/societe/01012306941-mediator-une-histoire-francaise
http://www.liberation.fr/economie/01012309664-reperes
http://www.liberation.fr/societe/01012309665-ligne-rouge
http://www.liberation.fr/societe/01012309666-la-technique-de-l-intimidation
http://www.liberation.fr/economie/01012309668-l-avocat-sarkozy-conseiller-historique-de-servier
http://www.liberation.fr/societe/01012310194-un-rapport-de-1998-alertait-deja-sur-le-mediator
http://www.liberation.fr/economie/01012309656-jacques-servier-homme-a-flammes
http://www.liberation.fr/societe/01012309657-un-labo-dope-aux-politiques

L'Arcalion, cela aussi, c'était déjà Servier.
Fin années 70, notre curiosité nous fait ramasser dans la poubelle d'un médecin du quartier la luxueuse plaquette de Servier pour son Arcalion 200.

Nous avions été épouvantés par cette cascade de sophismes et d'abus de confiance, ainsi que par la formidable bêtise du récepteur médecin ainsi programmé. Par exemple on le bombarde de preuves que la molécule franchit bien la barrière hémato-encéphalique, pour faire scientifique, mais on néglige de lui prouver que l'effet psychotrope obtenu est celui prévu, et seulement cela.

Trois déménagements plus tard, cette pièce à conviction est perdue.

En revanche, Michel Pradal en avait parlé dans l'Impatient : "Je me relis sur Servier, et je trouve que j'ai été beaucoup trop gentil..." Pradal soulignait entre autres que jamais l'Arcalion n'aurait dû avoir d'autorisation de mise sur le marché.

Ce qui me frappe est que la prescription recommandée alors aux médecins, est fort différente de celle actuelle, selon les documents Servier. Actuellement, il est recommandé comme anti-asthénie. Vers 1977-1978, il était recommandé comme anti-dépresseur, en termes aussi ambigus que pressants, entièrement voués à l'hypnose du médecin généraliste assez crédule et vaguement anxieux pour prescrire ça, soi-disant pour "éviter la psychiatrisation" de son patient. Avec le dosage répété à chaque bas de page, pour médecins débiles...

J'ai retrouvé les mêmes procédés hypnotiques en plus subtils, d'escroc professionnel, sous la plume de Joël Sternheimer, quand en 1983, il a accroché une énorme casserole à la queue de pie d'André Lichnérowicz (décédé peu après) :
http://jacques.lavau.deonto-ethique.eu/Theorie_fondee_sur_l_hypnose.html
http://deonto-ethics.org/impostures/index.php/board,2.0.html

« Modifié: 09 janvier 2011, 11:56:53 pm par Jacques »

JacquesL

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La cour du roi Servier
« Réponse #1 le: 24 janvier 2011, 12:12:13 am »
La cour du roi Servier

http://www.lepoint.fr/economie/la-cour-du-roi-servier-20-01-2011-1286509_28.php
Citer
La cour du roi Servier
Le scandale sanitaire du Mediator lève un coin du voile sur les pratiques ahurissantes du laboratoire Servier. Enquête.

Par Émilie Lanez

"Servier, c'est la Corée du Nord de l'industrie pharmaceutique. Peu de laboratoires ont eu autant de problèmes de pharmacovigilance. Cela s'explique. Cette entreprise est un bunker où l'actionnaire, le propriétaire et le patron sont une seule et même personne, Jacques Servier. Des actionnaires auraient suspendu le médicament dès les premiers signes", analyse un expert de la santé, ancien chef de produit du laboratoire.

Si le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) consacré au Mediator et rendu public le 15 janvier ne s'aventure pas dans de telles analyses, il porte de lourdes accusations. Extraits : Servier "a anesthésié les acteurs de la chaîne du médicament, les a même roulés dans la farine". Mensonge sur l'action anorexigène et amphétaminique de la molécule, tentatives réitérées de modifier le nom de la molécule afin d'avancer masqué, "pressions sur les acteurs ayant participé à l'établissement de la toxicité" du médicament. Ereintés, deux dirigeants du laboratoire et Jacques Servier comparaîtront le mois prochain devant le tribunal de Nanterre pour "tromperie aggravée". Quant à Xavier Bertrand, soucieux d'être le premier ministre de la Santé à affronter l'effarante collusion entre autorités de contrôle et industrie pharmaceutique, il promet une réforme globale de la politique sanitaire. Que répond le laboratoire Servier à ces salves meurtrières ? Qu'il regrette, déplore les morts, ne recommencera plus jamais ? Il s'étonne "des responsabilités que semble [lui] faire porter le rapport". On a vu contrition plus repentante...

Molécule prometteuse

"On ne comprend rien au Mediator si on ne connaît pas Servier." Haut fonctionnaire dans l'administration de la santé, conseiller au coeur de divers cabinets ministériels, Charles (appelons-le ainsi, car il veut garder l'anonymat) aura travaillé dix ans au département recherche et développement du laboratoire Servier. Dix années agréables. Très bon job, salaire afférent, confrères de qualité. Charles s'éclate à développer une molécule prometteuse, avant de quitter la firme. Aujourd'hui, son témoignage effare. Il réalise, stupéfait, qu'on aurait pu, qu'on aurait dû éviter le pire. Car, affirme-t-il, on savait tout. En tout cas, on en savait suffisamment pour suspendre ce médicament suspect. En 1989, dans une publication de la maison, il pointe "les médicaments susceptibles d'être à l'origine d'une toxicité respiratoire" et liste les molécules dont le nom finit en orex, comme aminorex, cloforex... La même famille donc que le funeste benfluorex, cette molécule qui compose le principe actif du Mediator. Charles s'émeut de cette trouvaille auprès du toxicologue de la maison, employé à Gidy, le centre de production dans l'Orléanais. "L'Isoméride et le Mediator appartiennent à cette famille de molécules pouvant donner des cellules spumeuses, ces foam cells qui engluent les valves cardiaques. Que faire ?" Charles sera prié de retirer ce passage dans son exposé.

"Dans les années 80, on connaissait les risques potentiels. Cela aurait dû déclencher une alarme", affirme-t-il. Faux, répond son ancien employeur, "les molécules de l'Isoméride et du Mediator, bien qu'étant voisines, ne sont pas identiques, on ne sait que depuis 2009 que la norfenfluramine - le métabolite qu'elles ont en commun - peut être responsable d'anomalies des valves cardiaques" Un calendrier largement démenti par le rapport de l'Igas, reprenant les publications scientifiques internationales. Ironie grinçante, peu après cette mésaventure, Charles se découvre un diabète, une maladie contre laquelle justement le Mediator agit comme un traitement adjuvant, c'est-à-dire secondaire. "En 1986, mes collègues me glissaient de ne pas prendre du Mediator. On en riait."

De 500à 2.000 morts

En 2011, plus personne ne rit. On compte et recompte les morts. De 500à 2.000 selon les premières études de la CNAM. On cherche les coupables, on interroge les responsables et on découvre que la suspension fort tardive du Mediator, en novembre 2009, par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) clôt un effroyable enchaînement d'alertes tues, de mises en garde enfouies et d'alarmes étouffées. Alors que le médicament, peu efficace, était depuis 2003 retiré du marché dans le monde entier, il continuait en France d'être avalé pour maigrir par des milliers de personnes, allègrement encouragées par leur généraliste le détournant de son indication première, le traitement du diabète. Mais comment ces médecins auraient-ils pu savoir ce que Servier leur cachait, ce que l'Afssaps n'entendait pas, ce que les autorités de santé négligeaient ? C'est ainsi que 5 millions de Français ont, trente-trois ans durant, pris du Mediator : 0,5 personne sur 1.000 risque de développer une maladie grave, voire létale.

La maison Servier n'en est pas à sa première crise sanitaire, même si celle-ci se distingue par son exceptionnelle gravité. Le laboratoire a vendu des médicaments peu efficaces (Daflon, Locabiotal), d'autres dangereux (Isoméride, Pondéral), d'autres enfin détournés de leur indication thérapeutique première. Comme le Fludex, un diurétique inventé en 1974par Servier. En le développant, il apparaît qu'il dispose d'un effet secondaire imprévu : il agit comme anti-hypertenseur cardiaque. "Or un anti-hypertenseur se vend beaucoup plus cher qu'un diurétique", explique notre interlocuteur. Du coup, Servier communique massivement sur ses vertus annexes et lucratives. Les médecins généralistes vont donc prescrire ce médicament comme anti-hypertenseur à action vasculaire (dixit le Vidal de l'époque !) en lui adjoignant, sur l'ordonnance, un diurétique. Résultat : les patients avalent sans le savoir deux diurétiques, d'où des pertes de potassium avec risques cardiaques majeurs tels que des arythmies ventriculaires. "Je me souviens d'un grand professeur de médecine qui, après cette histoire, jetait dehors les visiteurs médicaux de Servier", précise notre témoin. Déjà...

Lobbying

Le laboratoire est au coeur d'un tsunami sanitaire, dans lequel il se noie chaque jour un peu plus. Son cynisme paraît lui interdire toute empathie à l'encontre des victimes du Mediator : "Ce n'est que trois morts", déclara lors de ses voeux à ses salariés Jacques Servier, le PDG, surnommé "le Docteur". Ce scandale de santé publique éclabousse les autorités de contrôle, dont on fait mine de découvrir que la neutralité des membres pourrait avoir été affectée. Il éclabousse les autorités tout court : Jacques Servier, membre du Premier Cercle de l'UMP, n'a-t-il pas reçu la grand-croix de la Légion d'honneur des mains mêmes du président de la République ? Il met aussi au jour les pratiques hallucinantes d'une grande entreprise pharmaceutique française qui s'est acheté les services d'un grand nombre de commis de l'Etat, d'ex-ministres, d'attachés parlementaires, de décideurs et de législateurs qui sauraient le moment venu se souvenir de l'entreprise dans laquelle ils furent si choyés. Ainsi, la directrice des affaires réglementaires fut l'attachée parlementaire de Jacques Godfrain, député et ancien ministre de la Coopération ; Madeleine Dubois, chargée du lobbying chez Servier, fut l'attachée parlementaire de Jacques Barrot (ministre des Affaires sociales de 1979à 1981) ; Henri Nallet, ex-ministre socialiste, sera consultant aux affaires internationales ; Nicolas About, sénateur, fut salarié de Servier ; Philippe Douste-Blazy, ministre de la Santé de 1993à 1995puis de 2004à 2005, se forma durant ses études de médecine dans une prépa Servier, la réputée conférence Hippocrate ; Michel Hannoun, responsable de la cellule UMP santé, officia comme directeur chez Servier. Il représente aujourd'hui l'Agence régionale de santé au conseil de surveillance de l'AP-HP. "Je me souviens de Jean-Bernard Raimond, ancien ministre des Affaires étrangères, dont le bureau était dans mon couloir, dit cet ancien salarié ,et de cet éminent professeur de médecine qui venait rédiger des communiqués tous les après-midi avant de retourner à l'hôpital. La politique de connivence était poussée à l'extrême, il fallait que cela explose un jour." Servier embauche utile. Il sait s'attacher d'indéfectibles reconnaissances.

Il décerne des prix scientifiques, attribue des bourses, finance des études, mélange allègrement les fonctions, les responsabilités et les consciences. Ainsi, le directeur de sa division scientifique est également le trésorier de la Société française de pharmacologie et de thérapeutique, société savante qui regroupe les plus éminents responsables français du médicament. Irène Frachon, la pneumologue de Brest qui, la première, alerta courageusement les autorités, raconte ainsi dans son livre Mediator 150mg, sous-titre censuré (Editions Dialogues) comment, en février 2010, l'Académie de médecine adresse ses courriers sur un papier à en-tête Servier. On peut y lire : "Réaffirmer l'indépendance de l'Académie de médecine sera notre troisième préoccupation." Ah bon ? Le laboratoire de Neuilly se défend de tout excès, indiquant que sa "politique de recrutement n'est pas une exception".

Gloire nationale

Cette dangereuse connivence en dit long sur l'industrie du médicament, et il y a fort à parier que, si Servier est passé maître dans la confusion des rôles, ses concurrents ne doivent guère faire mieux. Seulement, on laisse faire. Car, voilà, Servier est une grande entreprise française. Un laboratoire indépendant, non coté en Bourse, qui contribue pour un tiers à notre excédent commercial en pharmacie : 20.000 salariés - 5.000 en France -, une entreprise construite sur une légende qu'arrangea un peu son fondateur et omnipotent patron. 88ans, 49kilos - un poids plume qu'il soigne. "Le Docteur" racontait volontiers dans la presse des années 80, encore enamourée, qu'il avait racheté sur un coup de tête et sans un sou vaillant un modeste petit labo près d'Orléans. Labo dont il fit cet empire, présent dans 140 pays, gloire nationale dans un secteur où règnent les gros rivaux américains. Las, une amie proche de la famille narre différemment ces courageux débuts : "Jacques Servier, avec son frère, a hérité de son père cette officine, qui faisait des crèmes et quelques préparations." Interrogé sur ce point, le PDG maintient "avoir acheté le laboratoire". Soit.

"Dans cette boîte, ou vous restez deux ans ou vous y faites carrière, confie François (lui aussi veut rester anonyme), un biologiste qui partit après deux ans. C'est une cour, on est sous LouisXIV. Il y a les premiers courtisans, les seconds courtisans. Jacques Servier contrôle tout. Je me souviens que chaque équipe promotionnelle préparait ses articles, les présentait au boss qui, seul, décidait." Interdisant par exemple de communiquer sur les médicaments en présentant des photos de personnes, "le Docteur" ne veut que des chiffres et des courbes. Cela fait sérieux. "Ce qui m'avait surpris à l'époque, c'est que, parmi les 5000collaborateurs, seuls deux se consacraient à la pharmacovigilance. Un ratio extrêmement faible. On me répondait que nos médicaments n'avaient pas d'effets secondaires." François rejoindra un concurrent américain, où le taux de chercheurs dévolus à la pharmacovigilance sera six fois plus élevé. Le laboratoire Servier affirme " être parfaitement en ligne avec les obligations réglementaires".

Paranoïa

En 1995, poursuit François, "il y avait dans une pièce une armoire sur laquelle était écrit Mediator. On me disait qu'il n'y avait plus besoin d'études, que le médicament flambait". Certes, il se vend à merveille : 145 millions de boîtes entre 1976 et 2009. Mais, en 1995, neuf ans après le retrait de l'Isoméride, un coupe-faim cousin du Mediator suspendu in extremis après avoir provoqué des hypertensions pulmonaires et des troubles cardiaques, il eût été plus que temps de se pencher sur les effets secondaires du Mediator. Effets qui ne pouvaient être que similaires à ceux de l'Isoméride interdit. François entend évoquer ces alertes autour de l'Isoméride. "On nous disait que c'était un complot monté contre Servier, des ennemis qui voulaient la peau de la recherche française." Une communication paranoïaque, qu'est censée maintenant corriger Anne Méaux, grosse pointure de la com appelée à la rescousse. Acculé par l'affaire du Mediator, "le Docteur" ne cesse depuis des semaines de s'en prendre à "la mafia", de dénoncer "un complot qui voudrait ébranler le gouvernement". Et assure "approuver toute mesure visant à améliorer la sécurité sanitaire". Ah bon ?.

http://www.lepoint.fr/economie/la-cour-du-roi-servier-20-01-2011-1286509_28.php

JacquesL

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Re : Le Médiator et les méthodes de l'ombre du labo Servier :
« Réponse #2 le: 25 janvier 2011, 02:11:47 am »
http://www.liberation.fr/societe/01012309667-les-methodes-de-l-ombre-du-labo-servier

Citer
Les méthodes de l’ombre du labo Servier
Enquête

«Libération» raconte les coulisses du fabricant du Mediator. Dirigé de main de fer, le groupe s’illustre par son culte du secret, son marketing sans scrupules et son lobbying politique.

Par ERIC FAVEREAU, MOURAD GUICHARD Orléans, de notre correspondant, CÉDRIC MATHIOT, YANN PHILIPPIN



«Désolé, je n’ai pas envie d’avoir un accident de voiture, vous ne savez pas à qui vous avez affaire.» Un autre : «Je cherche du boulot, j’aimerais autant que mon nom ne sorte pas.» Ou encore : «Je ne crains pas pour ma vie, mais je n’ai pas envie de voir ma boîte couler.» Ainsi parlent les anciens de Servier contactés par Libération, entre peur et prudence, dignes d’un roman de John Le Carré. Les salariés, en interne, se drapent, eux, dans le mutisme. Cela ne tient pas seulement aux consignes imposées par Image 7, la puissante boîte de com choisie pour surmonter la crise du Mediator.

Servier, c’est l’histoire du docteur Jacques Servier, parti de presque rien dans les années 50, et qui a transformé en l’espace de soixante ans son petit labo en une multinationale de 20 000 salariés. Et qui lui a imprimé une culture unique. «C’est un peu la Corée du Nord de l’industrie pharmaceutique», diagnostique un ancien. Un labo qui a fait de la recherche et développement son credo et qui ne s’est pourtant jamais distingué par la qualité de ses molécules. Une entreprise qui a fait de la culture du marketing et du lobbying les vrais leviers de son développement.

Le culte du secret est dans son ADN. Tout est compartimenté, cloisonné. Et rien n’est transparent. Y compris les chiffres élémentaires d’une entreprise. Le bénéfice est par exemple un chiffre top secret que personne ou presque ne connaît. Il y a quelques années, alors que le ministère de l’Industrie préparait un plan d’aide au secteur, un membre du cabinet est chargé de demander les comptes des labos français. Tous les ont fournis. Sauf Servier. «Le directeur général a refusé de les donner… avant de confier qu’il ne les avait pas.» Une des raisons de l’opacité qui règne tient à la multitude de structures juridiques qui constitue la galaxie Servier. «Il y avait plus de 120 sociétés à l’époque où je travaillais, dit un cadre des années 80. A chaque fois que je changeais d’unité, je devais démissionner.» Combien d’unités existent aujourd’hui ? «Je ne sais pas», répond un haut responsable. Moyen d’éviter l’impôt honni et de compliquer la création de structures de représentants du personnel.

«L’odeur des fauves». Servier, 5 000 salariés en France, compte trois délégués syndicaux CFDT. Et a toujours mis un soin à ne pas multiplier ces agitateurs potentiels. Quand la CFDT a tenté de créer un comité économique européen, le syndicat a contacté des représentants d’une société du groupe en Hongrie, «qui ont fini par faire marche arrière après des pressions», dit une source interne. Le fondateur ne s’est jamais caché de l’opinion qu’il se faisait des syndicats : une «réponse des pauvres» à la trop grande distance qui existe dans les entreprises entre la direction et les salariés. Lui préfère des liens directs, comme ces CRH (conseillers ressources humaines), les yeux et les porte-voix de la direction.

L’adhésion totale à la culture maison n’est pas négociable. «Un traître, cela se voit. […] Il faut reconnaître à leur odeur les fauves», écrit Servier. D’où un système de recrutements singulier pour éviter les moutons noirs. Comme l’a révélé le Canard enchaîné, Servier a été épinglé en 1999 pour avoir constitué une équipe de barbouzes. Des anciens des services secrets chargés des enquêtes de personnalité très poussées. L’objectif : écarter les candidats «de gauche»,«syndiqués», ou «contestataires».

Le recrutement, désormais assoupli, est géré par Actam, une société du groupe gérée par son secrétaire général, Christian Bazantay. Aujourd’hui encore, chaque postulant doit fournir trois références personnelles et professionnelles. «Quand j’ai été embauché, ils sont allés voir mon oncle et ma tante et m’ont demandé à quel jeu je jouais quand j’avais 6 ans», se souvient un ex-salarié.

En contrepartie, les employés jouissent de salaires supérieurs à ceux de la concurrence et d’un plan d’intéressement très généreux. «Tout cela à un prix, celui de la loyauté. Je trouve normal de s’y plier, c’est donnant-donnant», explique un salarié. Un connaisseur de l’entreprise : «C’est totalement régressif sur le plan social, mais très protecteur.» Et de reconnaître : «Il y a actuellement une importante restructuration dans le groupe. Mot d’ordre : «pas de plan social», Servier ne le supporterait pas. Ailleurs, cela se terminerait par des charrettes.»

Servier a toujours choyé son indépendance. Pour se mettre à l’abri des prédateurs, le groupe s’est alors structuré en fondation, à laquelle Nicolas Sarkozy a mis la patte (lire ci-dessous). C’est aussi cette structure qui permet de consacrer, affirme l’entreprise, 25% des bénéfices à la recherche et au développement.

L’innovation, c’est le credo et la fierté de Servier. Alors même que le labo a fait sa fortune avec des produits de confort peu efficaces (comme le veinotonique Daflon), un coupe-faim dangereux (l’Isoméride, lire page 5) et des médicaments de qualité mais dérivés de molécules concurrentes. «Parce que son portefeuille de produits est médiocre, Servier avait besoin de savoir les vendre», explique un consultant. C’est tout le génie de cette entreprise. Le terme marketing est vulgaire. On y préfère la «communication médicale». Massive, ultra-rodée et parfois tendancieuse. Servier a identifié très tôt ses clients : les médecins généralistes prescripteurs. «Il y a une école Servier dans la visite médicale», explique un ancien. «Ce sont les plus agressifs commercialement», explique Bernard Becel, médecin qui a animé un réseau d’observateurs de la visite médicale pour la revue Prescrire. Servier avait trois réseaux différents : les «jolies femmes» pour séduire, les hommes qui flattaient, et «les agressifs qui vous traitaient d’incompétent si vous ne prescriviez pas leurs produits».

«Infiltrées». Servier est un orfèvre dans l’art de choyer les médecins. Avant que la loi n’encadre (un peu) les cadeaux en 1994, «l’argent coulait à flots», se souvient un chef de clinique parisien qui a touché des dizaines de milliers d’euros. Le labo complète les revenus des internes, finance déplacements aux congrès et essais cliniques. Ses concurrents aussi, mais «Servier, c’était le top», assure un hospitalier. «Ils ont su plus que les autres subventionner les spécialités savantes, comme la cardiologie, infiltrées à un degré extrême», indique Philippe Even, directeur de l’Institut Necker.

En août, le congrès de la très influente European Society of Cardiology (ESC) a permis de mesurer la force de frappe du labo. Une étude sur le Procoralan, un des derniers produits maison (dont la publicité «non objective» a été interdite), a été présentée en grande pompe. A la tribune, Michel Komajda, leader de l’étude clinique du produit, venait d’être intronisé nouveau président de l’ESC. Idéal pour donner un maximum de force au message. D’autant que Servier avait affrété un charter de cardiologues. «Les derniers présidents de l’institution ont tous mené des études cliniques pour le compte de Servier», remarque un cardiologue.

Servier a aussi su tisser sa toile dans l’administration. «Les gens avec qui je me suis bien entendu ont fait des belles carrières», rappelle Servier à un ancien haut cadre du ministère. Irène Frachon, pneumologue qui a révélé l’affaire du Mediator, raconte ainsi qu’un cadre de l’Afssaps (le gendarme du médicament) a confié avoir appris son embauche par Servier, via son époux (1). En octobre 2009, juste avant l’interdiction du Mediator, un autre membre de l’Afssaps confiait ses états d’âme dans un mail que Libération s’est procuré : «Servier va faire appel, va aller devant l’Europe, devant les députés. Ils vont jouer de toute leur influence, lobby, ficelles légales, appels, pour jouer la montre.»

Servier a également su, comme les autres labos français, jouer la corde l’emploi pour obtenir de bons prix pour ses médicaments. «A mon époque, on préparait des tableaux corrélant le prix et le nombre d’emplois créés», témoigne un ancien. Le Coversyl (traitement cardiovasculaire) a ainsi le prix le plus élevé parmi sa classe thérapeutique. Aux côtés des autres petits labos indépendants (Pierre Fabre, Ipsen), il a été à la pointe du combat pour freiner le déremboursement des médicaments inefficaces, initié par Aubry en 2001 et poursuivi depuis. «Les gouvernements les ont soignés pour protéger l’emploi ; on a maintenu une rente», reconnaît un parlementaire UMP.

Mais les temps changent. Malgré les multiples recours juridiques de Servier, la plupart de ses médicaments de confort ont fini par être déremboursés en 2008. D’autres, jugés trop dangereux ont été retirés du marché (Duxil, Survector, et bien sûr Mediator). La relève n’est pas assurée : le Valdoxan, un antidépresseur lancé fin 2009, a été jugé peu innovant et n’a pas obtenu un bon prix.

La Commission européenne a lancé en juillet 2009 une enquête contre le labo, accusé d’entente avec les génériqueurs pour qu’ils ne copient pas trop vite certains de ses produits. «L’affaire du Mediator est révélatrice de la fin d’un système», assure un expert. Mais tant que Jacques Servier sera aux commandes, il continuera à défendre farouchement l’œuvre de sa vie.

(1) «Mediator 150 mg», sous titre censuré, Editions Dialogues
« Modifié: 25 janvier 2011, 02:17:00 am par Jacques »

JacquesL

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Re : Le Médiator et les méthodes de l'ombre du labo Servier :
« Réponse #3 le: 25 janvier 2011, 06:37:00 pm »
http://www.liberation.fr/societe/01012309666-la-technique-de-l-intimidation

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La technique de l’intimidation


Selon un fax confidentiel, Servier a voulu «neutraliser» les experts médicaux trop critiques.


Par YANN PHILIPPIN, ERIC FAVEREAU



En-tête d'un fax que «Libe?ration» s’est procure?, date? du 22 mars 1996 et adresse? a? Wyeth, la compagnie commercialisant l’Isome?ride aux Etats-­Unis, Madeleine Dero?me­-Tremblay, pre?sidente de Servier Ame?rique (et actuelle e?pouse de Jacques Servier), demande de «pre?parer [...] plusieurs plans d’action qui pourraient neutraliser [les opposants a? l’Isome?ride] sans apparai?tre comme agressifs envers eux». (DR)

Comment Servier, les autorités et les politiques ont-ils laissé le Mediator faire, selon deux études scientifiques, entre 500 et 2 000 morts ? C’est la question à laquelle doit répondre l’Inspection générale des affaires sociales, dont le rapport est attendu mi-janvier. Commercialisé depuis 1976 et prescrit à près de 5 millions de Français, le Mediator a été vendu et présenté par Servier comme un antidiabétique, dont l’efficacité sera jugée «insuffisante» par les autorités de santé en 1999. Conseillé par certains médecins comme coupe-faim, le Mediator, dont Servier assure qu’il n’a pas dépassé les 0,7% de son chiffre d’affaires hexagonal, va pourtant échapper mystérieusement à l’interdiction générale des coupe-faim amphétaminiques. Avant d’être totalement interdit à la vente en novembre 2009.

Petits cercueils. L’affaire devient troublante lorsque l’on sait que le fameux Mediator a eu deux cousins, le Pondéral et l’Isoméride, commercialisés plus tard mais interdits il y a treize ans après un premier scandale riche en coups tordus. Ces coupe-faim boulottés par les femmes pour maigrir ont fait la fortune de Servier dans les années 80 (70 millions de patients en ont pris). «C’est l’Isoméride qui a fait exploser l’entreprise économiquement», se souvient un ancien de Servier. Mais le labo s’est toujours gardé de dire qu’il s’agit de dérivés d’amphétamine, aux effets secondaires déjà connus à l’époque. Car dans les années 60, un autre coupe-faim amphétaminique avait provoqué une épidémie d’hypertension artérielle pulmonaire, maladie des poumons souvent mortelle.

L’équipe de pneumologie de François Brenot et Gérald Simonneau, à l’hôpital Antoine-Béclère de Clamart, est spécialisée dans cette pathologie rare. En 1993, ils démontrent que 20% des nouveaux cas sont liés à l’Isoméride. Sur injonction de l’Agence du médicament (ancêtre de l’Afssaps, l’actuelle Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé), Servier finance une étude, qu’il confie fin 1992 à l’épidémiologue français Lucien Abenhaim. En 1995, les résultats définitifs sont présentés à l’Agence, qui interdit toute prescription aux médecins de ville. C’est la mort économique des molécules… sauf aux Etats-Unis, où l’Isoméride est autorisée en 1996, et commercialisée par Wyeth. Jusqu’à son retrait fin 1997, après qu’une étude américaine a démontré qu’ils provoquent des dommages aux valves du cœur.

Servier ne cessera de nier la dangerosité de l’Isoméride. Il multiplie les recours en justice. Et contre-attaque en coulisses. Le 22 mars 1996, Madeleine Derôme-Tremblay, présidente de Servier Amérique (et actuelle épouse du patron, Jacques Servier), envoie un fax «confidentiel» à Wyeth. Dans ce document que Libération s’est procuré (voir ci-contre), elle estime que Lucien Abenhaim et son collègue américain Stuart Rich «font en quelque sorte "chanter" Servier», sous prétexte que le labo a financé leur étude ! Et demande à Wyeth de «préparer et de nous soumettre plusieurs plans d’action qui pourraient neutraliser ces messieurs, sans apparaître comme agressifs envers eux». Coïncidence : le professeur Abenhaim a, selon nos informations, reçu a cette époque des petits cercueils à son domicile.

Plusieurs acteurs du dossier subissent des pressions, toujours anonymes, mais sans que le moindre lien avec Servier ne soit démontré. Un haut responsable de l’Agence du médicament français nous a ainsi confié qu’il a été menacé de mort par téléphone. Un journaliste français qui travaillait sur l’Isoméride a été intimidé par des détectives qui ont enquêté sur sa vie privée. Et une avocate belge qui travaillait pour les victimes américaines a reçu une photo de sa fille en train de se rendre à l’école (1).

Au final, Wyeth a dû provisionner 21 milliards de dollars (16 milliards d’euros) pour indemniser les victimes américaines de l’Isoméride. En France, il n’y aura que deux condamnations et quelques dizaines d’indemnisations, financées par l’assureur de Servier.

Cardiologue. Ces mêmes valvulopathies frapperont à la fin des années 90 certains patients traités au Mediator. Selon des documents révélés par le Figaro, l’Afssaps avait été prévenue dès 1998 que le Mediator était de la même famille et avait le même mode d’action que l’Isoméride, ce qu’ont confirmé en 1999 des experts italiens. Servier conteste farouchement. Pourtant, en 1999, un premier cas de valvulopathie est détecté par le cardiologue marseillais George Chiche. Il reçoit alors un appel du labo le critiquant pour ses«approximations», et d’un maire adjoint de Marseille lui disant que cela ne se fait pas d’attaquer Servier.

Malgré plusieurs autres alertes, il faudra attendre novembre 2009 pour que le Mediator soit retiré de la vente, grâce à l’obstination de la pneumologue brestoise Irène Frachon et sur la foi de quatre études scientifiques. Mais Servier continue de clamer qu’il n’a jamais eu d’alerte avant 2009 et conteste l’estimation de 500 morts de l’étude réalisée par l’épidémiologiste Catherine Hill (Institut Gustave-Roussy). Bref, pour Servier, le Mediator est inoffensif. Comme il l’a toujours dit pour l’Isoméride.

(1) Exemple cité par Alicia Mundy dans son livre «Dispensing with the Truth», St Martin’s Press.
« Modifié: 25 janvier 2011, 11:43:07 pm par Jacques »

JacquesL

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L’avocat Sarkozy, conseiller «historique» de Servier
« Réponse #4 le: 25 janvier 2011, 11:48:46 pm »
L’avocat Sarkozy, conseiller «historique» de Servier

L’actuel président a travaillé pour le laboratoire pendant plusieurs années et il a décoré de la Légion d’honneur son fondateur en 2009.

http://www.liberation.fr/economie/01012309668-l-avocat-sarkozy-conseiller-historique-de-servier

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Opération déminage. Hier, à l’occasion du Conseil des ministres, Nicolas Sarkozy a demandé à ses ministres «la transparence la plus totale» sur l’affaire du Mediator. «Avec le Premier ministre et le ministre de la Santé, le président de la République est extrêmement attentif à ce sujet», a assuré François Baroin, le porte-parole du gouvernement. Et pour cause : Jacques Servier, le fondateur et PDG du deuxième laboratoire français, est une très bonne connaissance de Nicolas Sarkozy. Mieux, un proche du chef de l’Etat reconnaît même que Servier a été «un client historique» quand l’actuel président était encore avocat d’affaires.

En 1983, Sarkozy entre au cabinet de Guy Danet, bâtonnier. Très vite, il travaille pour le compte de Servier, à l’époque un tout petit labo français. Quand il quitte son cabinet en 1987 avec Arnaud Claude et Michel Leibovici (aujourd’hui décédé), le jeune avocat d’affaires emmène dans ses bagages le laboratoire Servier. Le nouveau cabinet de Sarkozy devient le conseil du laboratoire en matière de droit des sociétés et de droit immobilier. Il a fort à faire. Le groupe Servier est alors composé d’un entrelacs d’une centaine de structures juridiques différentes, rien qu’en France. «Le but, c’était d’éviter de payer des impôts», assure un ancien cadre (lire ci-dessus).

Fin des années 90, début 2000, Jacques Servier vient consulter Sarkozy au sujet de son projet de fondation. L’idée est la suivante : au lieu de faire hériter ses enfants, son groupe deviendra la propriété d’une fondation de droit néerlandais et donc protégé de toute menace d’OPA. Pourquoi les Pays-Bas ? Le pays bénéficie d’un droit particulièrement favorable pour le statut des fondations, notamment en matière fiscale. Le groupe a d’ailleurs toujours refusé de communiquer ses bénéfices.

Raymond Soubie, alors patron du cabinet de conseil en ressources humaines Altedia, travaille lui aussi sur le dossier. «On a été consulté sur la possibilité, qui finalement ne verra pas le jour, de créer un fonds d’actionnariat salarié pour les employés français», confie à Libération celui qui deviendra le conseiller social de l’Elysée entre 2007 et novembre 2010.

Sarkozy a donc cru bon réveiller ces doux souvenirs en juillet 2009 lors de la remise à Servier des insignes de la grand-croix de la Légion d’honneur. «Vous avez fait de votre groupe une fondation ; Raymond [Soubie] et moi y avons joué un rôle», s’est-il extasié, dithyrambique. Un an plus tard éclatait le scandale Mediator.

Par GRÉGOIRE BISEAU

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Un labo dopé aux politiques
« Réponse #5 le: 27 janvier 2011, 02:59:23 pm »
Un labo dopé aux politiques

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Un labo dopé aux politiques

A coups d’embauches ciblées et de dîners huppés, Servier s’est construit un réseau sans égal.

Par CÃ?DRIC MATHIOT, YANN PHILIPPIN

Jacques Servier n’a jamais caché le peu d’estime dans lequel il tenait les hommes politiques. Il fait sienne cette note d’Anatole France : «Je pardonne à la République de mal gouverner parce qu’elle gouverne peu.» Mais rajoute : «Les temps ont changé : la voilà qui gouverne !» Cela n’a pas empêché le chef d’entreprise de cultiver au sein du monde politique honni l’un des meilleurs réseaux d’influence. L’intéressé n’en fait pas mystère : «Si j’habite Paris depuis longtemps, c’est pour la seule raison que dans notre pays, il faut constamment intriguer dans la capitale, multiplier les pas et les démarches», écrit-il en 2007 dans le Médicament et la vie.

Rares sont les politiques qu’il sauve. Comptons Nicolas Sarkozy (lire page 6), qualifié de «providentiel» dans une interview récente. Ou le centriste Jacques Barrot, un des rares à être cité de manière positive par Servier. L’éloge porte sur son action au ministère de la Santé en 1980. Servier s’en souvient sûrement quand il recrute au milieu des années 80 Madeleine Dubois, une proche collaboratrice de Barrot au ministère, pour s’occuper de la communication du groupe. Avant de repartir chez le même Barrot… pour devenir son chef de cabinet au ministère des Affaires sociales entre 1995 et 1997. Par la suite, Madeleine Dubois se partage entre les deux Jacques (Servier et Barrot). Sans quitter le giron de Barrot en Haute-Loire. Elle est alors conseillère générale du canton d’Yssingeaux. Et on lui prête la découverte d’un prometteur poulain local, un certain Laurent Wauquiez. Mais elle continue d’officier pour Servier, jusqu’à devenir responsable des affaires extérieures du groupe.

Invité au Brésil. C’est elle qui représente Servier dans les raouts internationaux, et qui accueille, en 2006, Philippe Douste-Blazy, alors ministre des Affaires étrangères, pour lui présenter la maquette du futur site du groupe à Moscou. En 1991, c’est Jean-Bernard Raimond, ex-ministre des Affaires étrangères (RPR), qui est recruté. Henri Nallet, ex-garde des Sceaux socialiste, est propulsé conseiller pour les affaires internationales de Servier. A l’inverse, certains anciens salariés de la maison ont bifurqué en politique. C’est le cas de Nicolas About, sénateur des Yvelines, président de l’Union centriste et membre de la commission des affaires sociales du Sénat, un ex-responsable des relations médicales du laboratoire entre 1981 et 1985. Interrogé par Libération sur les liens qu’il conserve avec Servier, il oublie de dire que, l’an passé, il a été invité par le groupe au Brésil, pour la présentation d’un site. Il s’y est rendu en compagnie de Janine Rozier, membre elle aussi de la commission des affaires sociales du Sénat et sénatrice UMP du Loiret, où se situent encore plusieurs sites du groupe…

Le tableau serait incomplet si l’on oubliait Michel Hannoun. Ex-député RPR, ex-président du Conseil général de l’Isère, mais toujours président de la fédération UMP des métiers de la santé, président du conseil d’administration de l’Association des cadres de l’industrie pharmaceutique, membre du conseil de surveillance de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris… et responsable «monde» des études chez Servier. Ainsi, quand le ministre de la Relance, Patrick Devedjian, reçoit les responsables de l’industrie pharmaceutique, c’est Hannoun qui représente Servier. On reste en famille.

Disserter. Le même Hannoun est aussi l’animateur du Cercle Hippocrate, un club de réflexion, financé par Servier, où l’on trouve un ex-directeur de la Haute autorité de santé, un responsable d’une mutuelle, ou des syndicalistes, médicaux ou non. Chaque mois, ils reçoivent un invité à dîner dans l’hôtel particulier de Servier à Neuilly, tout près du siège du labo. On y a vu disserter Jean-Pierre Fourcade, ex-ministre UMP, et responsable du comité de suivi de la loi «Hôpital, patients, santé et territoires», ou encore Elisabeth Hubert, ancienne ministre UMP de la Santé et présidente de la Fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile. Les invités sont surtout des professionnels. Mais aussi des députés, dont certains rapporteurs du budget de la Sécu. «Ils viennent pour présenter la loi, pas pour qu’on leur dise quoi y mettre, assure un membre du club. Le Cercle Hippocrate n’est pas un instrument d’influence, mais un outil de veille qui permet à Servier de savoir ce qui se passe et de sentir où va le système de santé.»

L’hôtel particulier de Neuilly, qui a abrité, après Orléans, le premier siège francilien du groupe en 1954, sert aussi à inviter le gratin de la politique, de la médecine ou des affaires. On y est fort bien traité. «J’ai été accueilli et débarrassé par du personnel en livrée», raconte un invité. Ce jour-là, Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances du Sénat, était aussi convié. «On a parlé de tout et de rien. Et de réglementation des médicaments.» Il ne faut pas gâcher.

http://www.liberation.fr/societe/01012309657-un-labo-dope-aux-politiques

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Mediator. Repères
« Réponse #6 le: 27 janvier 2011, 03:33:40 pm »
Mediator. Repères

http://www.liberation.fr/economie/01012309664-reperes

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Servier, le deuxième labo français
Présent dans 144 pays, Servier est le deuxième laboratoire pharmaceutique français derrière Sanofi-Aventis.
En 2009, il a réalisé 3,7 milliards d’euros de chiffre d’affaires, dont 500 millions en France. Détenue par une fondation de droit néerlandais, l’entreprise ne déclare pas ses bénéfices, dont une partie importante est réinvestie dans la recherche et développement.
Toujours présidé par Jacques Servier (bientôt 89 ans), le labo emploie 20 000 personnes à travers le monde, dont 5 000 en France.C’est la date de commercialisation du Mediator, destiné aux diabétiques et également prescrit comme coupe-faim.

Nicolas Sarkozy réclame «la transparence la plus totale» et assure que «nous avons vis-à-vis de nos concitoyens un impératif de protection».
François Baroin porte-parole du gouvernement, hier

2 000
C’est le nombre de morts que pourrait avoir entraîné le Mediator, selon les estimations de l’Inserm. L’Afssaps évalue leur nombre à 500.

«Il y a de fortes présomptions de défaillances graves dans le fonctionnement de notre système du médicament.»
Xavier Bertrand lundi

1976
C'est la date de commercialisation du Mediator, destiné aux diabétiques et également prescrit comme coupe-faim.

JacquesL

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Ligne rouge
« Réponse #7 le: 27 janvier 2011, 11:10:04 pm »
http://www.liberation.fr/societe/01012309665-ligne-rouge

Ligne rouge

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Ligne rouge

Par LAURENT JOFFRIN Directeur de «Libération»

Politiques coupables, fonctionnaires coupables ? Peut-être. Mais le laboratoire ? Dans l’affaire du Mediator, on a promptement mis en cause les gouvernements successifs et l’administration de la santé dont ils étaient responsables. On a peu parlé du laboratoire Servier, qui est tout de même celui qui a conçu et mis sur le marché le médicament incriminé et qui en défend toujours aujourd’hui l’innocuité, alors même que plusieurs études fiables ont démontré sa responsabilité dans les maux qui ont affecté de nombreux patients. Rien ne démontre, à ce stade de l’affaire, que le laboratoire a commis une faute grave. En revanche, dans le souci de transparence justement mis en avant par Nicolas Sarkozy, on peut s’interroger sur les méthodes employées par cette entreprise très particulière. Culte du secret, pressions diverses sur les salariés, sur les médecins et sur les pouvoirs publics, stratégie d’influence longuement éprouvée : Servier symbolise toutes l’ambiguïté des relations nouées entre les grands laboratoires et le système de santé français. Dans une affaire cousine, celle de l’Isoméride, le document que nous publions montre surtout que l’entreprise emploie, pour faire taire les voix discordantes, des méthodes à la fois insidieuses et musclées. Les laboratoires pharmaceutiques sont des sociétés privées : elles cherchent à vendre leurs produits par le truchement du marketing, de la publicité et du lobbying. Rien de bien surprenant, ni de vraiment scandaleux. A condition que la ligne rouge du conflit d’intérêts et de la pression financière ne soit pas franchie. C’est le point sur lequel l’enquête officielle en cours devra apporter des réponses claires.

JacquesL

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Mediator, une histoire française
« Réponse #8 le: 28 janvier 2011, 07:26:30 pm »
Mediator, une histoire française

http://www.liberation.fr/societe/01012306941-mediator-une-histoire-francaise

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Mediator, une histoire française

Par SOPHIE CHAUVEAU Maître de conférences en histoire contemporaine, Lyon-II

   
Peut-être aurait-il été préférable que le Mediator ne soit pas fabriqué par un laboratoire français indépendant. Le parallèle que dresse le docteur Irène Frachon avec l’affaire du sang contaminé est saisissant. De la même manière qu’il semblait impossible, il y a plus de vingt-cinq ans, de mettre en cause la transfusion sanguine française, alors considérée comme la meilleure au monde, il semble tout aussi difficile aujourd’hui de soupçonner l’un des derniers laboratoires «indépendants», une entreprise dont le capital est non seulement français, mais surtout aux mains de la famille Servier. A l’origine implantés à Gidy, non loin d’Orléans, les laboratoires Servier ont depuis installé leur siège social à Neuilly. Ils possèdent le premier fabricant français de médicaments génériques, Biogaran. Si l’entreprise revendique d’importants effectifs dans la recherche, 3 000 salariés sur 20 000, elle n’a pas à son actif de grande molécule ou blockbuster, elle s’est plutôt fait connaître par la commercialisation de médicaments de confort (Locabiotal, Arcalion…) et de me-too (1) dans le traitement des troubles cardio-vasculaires ou du métabolisme. Surtout, le docteur Jacques Servier est, depuis les années 70, un défenseur redoutable de l’industrie pharmaceutique française, accusant les pouvoirs publics de nuire au secteur par les mesures de déremboursement de spécialités et par l’alourdissement des procédures préalables à l’obtention de l’autorisation de mise sur le marché (AMM). De fait, les rapports entre Servier et l’administration ont été marqués par de vives tensions à l’occasion desquelles le caractère indépendant de l’entreprise est systématiquement rappelé.

Qu’il y ait ou non eu collusion entre les laboratoires et certains membres de l’Afssaps (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) dans le traitement du dossier Mediator, seules les investigations qui seront menées le diront.

Toutefois, l’affaire pose des questions auxquelles il faudra répondre, il en va du crédit des agences sanitaires, de l’administration de la santé et de l’image des laboratoires. D’abord, le Mediator a une formule chimique très proche de l’Isoméride. Lorsque l’Isoméride a été retiré du marché en 1997, le Mediator aurait dû l’être également. S’il a échappé à ce sort, c’est notamment parce qu’il était placé dans une autre classe thérapeutique. Par ailleurs, la pratique des prescripteurs qui consistait à donner ce médicament dans des indications autres que celles reconnues par son AMM, n’était pas forcément aisée à identifier, même si ces usages sont assez répandus. Ils sont difficiles à connaître car ils sont en quelque sorte déviants.

L’indépendance des experts est une autre difficulté à laquelle sont confrontées la plupart des agences sanitaires. Aux Etats-Unis, ces collusions entre experts et industriels de la pharmacie sont régulièrement dénoncées sans que pour autant elles aient cessé. La règle de la déclaration d’indépendance n’est pas toujours respectée. Mais surtout, le monde des experts est petit et il n’est pas toujours possible de satisfaire aux exigences d’indépendance. Ce qui est alors en jeu est l’intégrité de ces experts.

Le mode de financement de l’Afssaps est aussi mis en cause : la part des cotisations versées par les industriels est devenue prépondérante. La règle qui veut que les laboratoires paient l’instance qui évalue et autorise leurs médicaments est ancienne. Dès les années 40, les laboratoires français ont versé pour chaque demande d’AMM une taxe pour faire face aux coûts d’instruction de leur demande. La pratique est identique aux Etats-Unis. De même, l’Agence européenne du médicament tire une grande partie de ses ressources des contributions des industriels de la pharmacie. Cela n’est que justice au vu des bénéfices considérables des entreprises du secteur. Mais surtout, nul ne garantit qu’une activité d’expertise financée par les deniers de l’Etat soit meilleure que celle que paient les entreprises. Au contraire, il en va de la réputation de ces dernières que les procédures qu’elles financent soient irréprochables. L’affaire du Mediator reste malgré tout une histoire française. Comme d’autres affaires depuis une vingtaine d’années, elle met en scène des victimes isolées, puis réunies à la faveur d’actions en justice, un médecin qui s’efforce de donner l’alerte et des pouvoirs publics peu réactifs.


(1) Produit introduit sur le marché par une entreprise après le lancement par un concurrent d’un produit ou similaire.

JacquesL

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Un doute sur la «sécurité» du Mediator dès 1998
« Réponse #9 le: 28 janvier 2011, 08:35:56 pm »
http://www.liberation.fr/societe/01012310194-un-rapport-de-1998-alertait-deja-sur-le-mediator

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Un doute sur la «sécurité» du Mediator dès 1998

Le Figaro révèle ce matin que dans un rapport datant de 1998 des médecins de l’assurance maladie de la région Bourgogne avaient alerté l’Agence du médicament du coût très élevé du Mediator pour la collectivité. Pour la seule région Bourgogne, la facture pour la Sécurité sociale s’élevait à 4 millions de francs par an, selon ce document.

Ils mettaient également en doute l'«efficacité» et la «sécurité» de cette molécule des laboratoires Servier. «Bien que faisant partie d’une liste de substances anorexigènes… Le Mediator ne fait pas l’objet d’une prescription restreinte», déploraient-ils. «On ne peut que s’étonner de cet état de fait qui prend une dimension particulière lorsque l’on pose parallèlement la question de l’utilité réelle du Mediator sur un plan médical».

Ces professionnels de santé recommandaient «un reclassement dans le groupe des amphétamines avec la législation qui s’y rapporte (prescription restreinte)» comme «mesure de premier niveau».
Le remboursement en question

«Au delà, on peut s’interroger sur la légitimité à rembourser un médicament dont les indications thérapeutiques ne sont pas respectées et ne répondent donc pas à un souci de qualité, de sécurité et d’efficacité», écrivaient-ils.

Le Mediator, médicament destiné aux diabétiques en surpoids et largement détourné comme coupe-faim, a été commercialisé en France de 1976 à novembre 2009, date de son retrait du marché. Utilisé par cinq millions de personnes, il pourrait être responsable d’au moins 500 à 2.000 décès, selon les estimations.

Entre 1999 et 2009, il a coûté 423 millions d’euros à la Sécurité sociale et aux complémentaires santé, selon une note confidentielle de l’Unocam, qui réunit fédérations d’assurances et mutuelles complémentaires santé.

La Caisse nationale d’Assurance maladie (Cnam) «fera valoir ses droits» dans les procédures juridiques qui seraient intentées par des victimes du Mediator contre son fabricant, les laboratoires Servier, a souligné samedi le directeur de la Caisse, Frédéric Van Roekeghem.
Villepin, ancien Premier ministre

Dominique de Villepin a affirmé ce matin sur RTL que le problème du Mediator n’avait «jamais été évoqué à Matignon» à l’époque où il était Premier ministre, entre 2005 et 2007. «Il faut se garder de commentaires vagues et suspicieux (…) Il faut attendre de connaître la réalité des faits, mais c’est l’ensemble de la chaîne de responsabilités qui doit être démontée».

JacquesL

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Jacques Servier, homme à flammes
« Réponse #10 le: 30 janvier 2011, 01:16:24 am »
Jacques Servier, homme à flammes

http://www.liberation.fr/economie/01012309656-jacques-servier-homme-a-flammes

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Portrait

Le PDG des laboratoires, 88 ans, gère son entreprise comme une tribu, et multiplie les envolées lyriques réactionnaires.

Par CÉDRIC MATHIOT

Au siège de Servier à Suresnes (Hauts-de-Seine), comme dans les autres sites du groupe, il n’y a toujours pas, à l’extérieur des bâtiments, de logo ou d’enseigne permettant d’identifier le propriétaire des murs. Mais le visiteur, sitôt la porte d’entrée franchie, est accueilli par une photo (deux mètres sur trois, selon un visiteur occasionnel) du patriarche de la maison. Sur les murs courent les maximes et citations classiques dont il raffole.

Plus de cinquante ans après sa naissance, la maison Servier se confond encore avec son fondateur. Même fatigué par ses presque 89 ans, et deux accidents cérébraux ces dernières années. Même s’il délègue davantage, Jacques Servier garde la main et la signature d’un groupe qu’il a voulu à son image, et qu’il définit plus comme une tribu qu’une famille. Dans son deuxième livre, la Passion d’entreprendre, paru en 1991 (1), il fait ce distinguo entre les deux : «Dans une famille, il n’est pas question de s’aviser, du jour au lendemain, de changer de père ou de mère.»«Une entreprise est une sorte de tribu, de celles dont nous parle la Bible. Une tribu qui traverse un désert hostile parsemé de rares oasis.» Une tribu dont il est le guide. Une tribu soudée par un «idéal propre de progrès, de réussite et d’épanouissement des humains», et par l’adversité. Car l’industrie pharmaceutique est tout à la fois l’objet de l’«incompréhension» (au mieux) de ses concitoyens et de la «persécution» des autorités.

Pages délirantes. Parmi les marottes de Jacques Servier figure la dénonciation de l’Etat prédateur et du monstre administratif, ce moloch dressé entre lui et la liberté de chercher. Certaines pages sur le sujet sont parfois délirantes. «Voilà la vérité, écrit-il en 1991 : le super-Etat vole à l’entreprise sa chair, à l’entrepreneur son patrimoine, au peuple son sang.» Cette dénonciation ne l’a pas empêché (au contraire) de se faire un redoutable connaisseur de ses rouages et d’en profiter. De même, l’idéologie affichée ne l’a guère entravée dans la conduite de ses affaires : «Je peux vous assurer qu’il a traité la gauche et la droite avec les mêmes égards», dit un ancien de la maison.

En revanche, Jacques Servier a peu fait pour démentir les accusations d’une entreprise «trop blanche». Dans son plus récent ouvrage en 2007, un livre d’entretien avec l’historien Jacques Marseille (2), ce dernier le questionne sur les minorités visibles, amenant cette réponse déroutante : «Je ne sais pas si elles sont visibles, mais nous ne pratiquons évidemment pas de discrimination de cet ordre. Nous avons une très forte minorité portugaise, puis des Belges, des Espagnols et des Russes. Parmi les jeunes, on trouve chez nous des Américains, des Brésiliens et beaucoup d’autres.» Quelques pages avant, il livre sa vision de l’Afrique : «L’Egypte, le Maroc et l’Afrique du Sud s’en tirent très honorablement. Pour le reste, je crois qu’il convient de se référer à Max Weber pour qui la psychologie générale, les opinions religieuses et la superstition jouent un rôle très important. Reste que certains Africains sont tout à fait remarquables.»

«Vue courte».«Il y a chez lui des choses qui semblent d’un autre âge», dit un ancien. «Je ne sais pas de quel siècle je suis», disait-il lui-même en 2000. Ce qui n’empêche pas ce patron rétif à toute ostentation («J’ai horreur des dépenses choquantes qui n’auraient d’ailleurs comme seul effet que de me faire détester davantage par mes concurrents») de revendiquer une forme de modernité, à propos de la paye mensuelle qu’il imposa avant beaucoup d’autres entreprises, des horaires libres qu’il mit en place dans certains sites, ou encore de la place qu’il fit aux femmes avant que l’on parle de parité. Dans un discours lors d’une remise de prix, Valérie Pécresse nota en 2008 : «Il m’est agréable de souligner que Jacques Servier a été un des premiers entrepreneurs à se soucier de la place de femmes dans l’entreprise, employant 40% de femmes cadres.» Voilà ce que Servier en dit dans un de ses livres : «La femme comme collaboratrice de l’entreprise ou cadre est très efficace, mais parfois plus difficile à modérer qu’un homme parce qu’elle obéira quelquefois à des motivations émotionnelles et que parfois sa vue sera merveilleusement claire et merveilleusement courte. Mon expérience me fait penser que les femmes peuvent occuper pratiquement tous les postes. Cependant, dans la panoplie des emplois féminins, il est des fonctions qui m’inspirent quelques réserves : ce sont celles qui comportent l’image du père.»

Le docteur Servier, occupant cette fonction au sein de ses laboratoires, plaça à des postes périphériques des femmes, mais souvent de confiance. Odile Rigault, conseillère personnelle influente (y compris lors de la rédaction de ses ouvrages, dit-on), eut longtemps la charge de tester les futurs cadres de Servier. L’entreprise étant sa tribu, il n’hésita pas à y trouver compagne. Deux fois. Une première fois avec une DRH qui le laissa veuf. Une deuxième avec celle qui fut des décennies sa responsable en Amérique du Nord, Madeleine Tremblay (82 ans), épousée cette année.

S’il a trouvé femme, il n’a jamais identifié de successeur. Une des quatre filles du docteur Servier grimpa dans la hiérarchie, avant de dévisser. Une autre lui causa un drame, assassinant en 1999 son mari à la hache sous l’emprise de tranquillisants. Lors de l’audience, le père fut décrit comme «froid, voire manipulateur» par deux de ses filles (le Figaro du 30 mars 2005). «Il ne s’est pratiquement jamais occupé de leur éducation», affirma l’enquête. La tribu, plus que la famille.

Poids. Un ex-responsable, ayant côtoyé Servier plusieurs années, dit lui connaître une passion (l’Orient, la Chine en particulier dont il aurait une grande connaissance) et une aversion : le poids. Cet homme dont le nom restera associé à des coupe-faim (l’Isoméride et le Mediator) déteste l’embonpoint, et ne s’en cache pas : «J’ai exorcisé la table, ce meuble sacré auquel les Français consacrent une religion sans théologie. J’ai grandi entouré d’Auvergnats plutôt corpulents. J’ai trop vu d’hommes vite essoufflés, de femmes torturées dans leur fierté et leur vivacité par les dépôts adipeux.» Lui-même se félicitait en 1991 de n’avoir «jamais dépassé 59 kilos pour 1,76 m».

(1) Editions du Rocher (2) «le Médicament et la vie», Perrin.

JacquesL

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40 ans de mensonges de Servier
« Réponse #11 le: 09 septembre 2011, 01:35:27 pm »
http://www.liberation.fr/societe/01012358101-dans-libe-mardi-40-ans-de-mensonges-de-servier

Libération 'édition payante) révèle deux témoignages accablants pour le laboratoire, qui démontrent notamment que les études de mises sur le marché du Mediator ont été trafiquées dès 1973.
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Aujourd'hui dans Libération: 40 ans de mensonges de Servier

Libération révèle deux témoignages accablants pour le laboratoire, qui démontrent notamment que les études de mises sur le marché du Mediator ont été trafiquées dès 1973.
Par LIBERATION.FR

L’enquête judiciaire sur le Mediator s’accélère. Au cœur de l’été, les juges d’instruction parisiens Pascal Gand, Anne-Marie Bellot et Franck Zientara ont recueilli deux témoignages accablants pour Servier, révélés par Libération dans le numéro de mardi.

Le premier émane de Jean Charpentier, un ancien médecin et professeur. A ce titre, il est l’homme qui a rédigé pour Servier les études destinées à obtenir l’au­torisation de mise sur le marché (AMM) du Mediator en 1973. Devant les juges, Charpentier a révélé le mensonge originel de Servier. Il a expliqué sur procès-verbal que son travail avait été caviardé, voire falsifié, afin que le Mediator soit reconnu comme antidiabétique. Il a aussi confirmé que son rapport a été modifié pour supprimer toute référence à l’effet coupe-faim (anorexigène) du Mediator ainsi que sa parenté chimique avec l’amphétamine.

Ce témoignage crucial vient confirmer la «désinformation» de Servier évoquée en janvier par le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas). Il enrichit surtout de manière décisive l’enquête pour «tromperie» et «tromperie aggravée». De toutes les infractions présumées confiées aux trois juges, c’est la plus importante, car elle a des conséquences sur toutes les autres («homicides involontaires», «escroquerie» à la Sécu…).

Le second témoignage recueilli par les magistrats est celui de Jacques Duhault, un ancien chercheur du labo. Il estime que Servier aurait dû retirer le médicament de lui-même dès 1999. Duhault confirme aussi que le Mediator était bien un «anorexigène». Ce que Servier nie depuis près de quarante ans, pour vendre sa molécule comme antidiabétique.

Le Monde :

http://www.lemonde.fr/planete/article/2011/09/06/mediator-l-enquete-revele-des-temoignages-accablants_1568106_3244.html#ens_id=1562158

Mediator : vers une mise en examen des laboratoires Servier

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Quelques heures à peine après la révélation de nouveaux témoignages accablants pour Servier dans l'affaire du Mediator, Me Hervé Temime, l'avocat du laboratoire, a fait savoir  que "des convocations ont été envoyées en vue d'une mise en examen", sans toutefois précisé la date de ces convocations.

Le quotidien Libération consacre un large dossier dans son édition du mardi 6 septembre à l'enquête sur le Mediator, ce médicament antidiabétique largement prescrit aux personnes en surpoids pour ses effets anorexigènes. Selon le journal, deux témoignages ont été recueillis par deux juges parisiens, dont celui de Jean Charpentier, le médecin qui a "rédigé pour Servier les études destinées à obtenir l'autorisation de mise sur le marché du Mediator en 1973". Le spécialiste affirme que son travail a été falsifié pour que la molécule du Mediator soit reconnue comme un antidiabétique. "Il a aussi confirmé que son rapport a été modifié pour supprimer toute référence à l'effet coupe-faim du Mediator ainsi qu'à sa parenté avec l'amphétamine", indique Libération.

"IL N'Y A PAS EU TROMPERIE"

Me Hervé Temime, a toutefois réfuté, sur Europe 1, toute volonté de tromperie de son client. "Les laboratoires Servier n'ont pas trompé les autorités en masquant le fait que le Mediator était un coupe-faim, ce qu'il n'était pas", a-t-il déclaré.

"Servier n'est absolument pas dans le déni. Servier ne conteste pas les travaux qui ont été faits dans les années 1960 et la fin des années 1960 sur cette molécule. Servier considère simplement qu'il n'y a pas eu de tromperie, il n'y a pas eu d'escroquerie, il n'y a pas eu d'obtention indue d'autorisation de mise sur le marché. C'est tout."

Dénonçant dans un communiqué la violation du secret de l'instruction, le laboratoire Servier soulignent également que "les témoignages cités de deux personnes sur des faits qui remontent à plus de quarante ans et sur lesquels le professeur Charpentier admet lui-même que sa mémoire est défaillante, ne sont pas en accord avec l'ensemble des données scientifiques et réglementaires".

DÉSINFORMATION SUR LE MÉDICAMENT

Le témoignage du Dr Charpentier vient cependant renforcer la thèse selon laquelle le laboratoire Servier a exercé une "désinformation" sur son médicament auprès des autorités. Or, si cette désinformation était confirmée par la justice, l'assureur du laboratoire Servier, Axa, refuserait de participer à l'indemnisation des victimes.

Le fonds public d'indemnisation des victimes du Mediator, lancé jeudi, a déjà reçu plus de cinq cents appels et cent trente dossiers, a indiqué dimanche le ministre de la santé, Xavier Bertrand. Une étude de l'Agence française du médicament précise que le détournement du médicament comme coupe-faim représentait 77 % des prescriptions.

L'Association de défense des victimes de l'Isoméride et du Mediator (AVIM) déposera  "d'ici à fin septembre" trois cents plaintes pour tromperie aggravée contre Servier, a fait savoir son président, le Dr Dominique-Michel Courtois. Le témoignage du professeur Charpentier "ne fait que corroborer ce que nous savions déjà sur le Mediator", a-t-il déclaré. "Qu'il y ait eu tromperie, j'en suis persuadé depuis le premier jour."

Une audience de fixation aura lieu fin septembre pour déterminer la date du procès qui, selon les avocats de victimes, devrait se tenir au printemps 2012.

"DIRE LA VÉRITÉ UNE BONNE FOIS POUR TOUTES"

Dans un communiqué, Eva Joly, candidate d'Europe Ecologie-Les Verts (EELV) à la présidentielle, se "félicite" de cette "probable mise en examen" du laboratoire Servier, affirmant que "les victimes du Mediator ont droit à la vérité et à la justice". Cette mise en examen "doit permettre de faire toute la lumière sur les conflits d'intérêts qui minent la confiance des Français et des Européens dans leur système de santé", estime Mme Joly, pour qui il s'agit "de rénover notre démocratie".

Arnaud Robinet, député UMP de la Marne et rapporteur du projet de loi sur le renforcement de la sécurité sanitaire du médicament, appelle dans un communiqué le laboratoire Servier "à dire la vérité une bonne fois pour toutes".

"Nous avons attendu trente-trois ans pour prendre conscience de la catastrophe sanitaire du Mediator, nous ne pouvons perdre de temps ! Il en va de la refonte de la chaîne du médicament en France", clame M. Robinet, qui exhorte Servier "à faire réellement preuve de transparence et à prendre clairement part à la moralisation du système du médicament".
Le Monde.fr
« Modifié: 09 septembre 2011, 01:41:16 pm par JacquesL »

JacquesL

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Avec le Protelos, Servier s'expose à un nouveau scandale :
« Réponse #12 le: 09 septembre 2011, 01:47:21 pm »
http://www.lemonde.fr/societe/article/2011/09/07/avec-le-protelos-servier-s-expose-a-un-nouveau-scandale_1568750_3224.html

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Comme pour le Mediator, Servier aurait falsifié des documents relatifs à un autre médicament, le Protelos, qui serait, là encore, plus dangereux que ce que le laboratoire laissait entendre.

    * Le Protelos, qu'est-ce que c'est ?

Produit par le laboratoire Servier, le Protelos est un médicament à base de ranélate de strontium, qui lutte contre l'ostéoporose, une maladie qui fragilise les os. Il est essentiellement prescrit pour les femmes ménopausées, pour réduire les risques de fractures vertébrales ou de la hanche. Le médicament se prend sur plusieurs années.

Le Protelos est commercialisé en 2004. A cette époque, l'Agence européenne des médicaments (EMA) estime que "les bénéfices du Protelos [sont] supérieurs aux risques du traitement de l'ostéoporose chez les femmes ménopausées".

Le résumé des caractéristiques du Protelos de l'Afssaps  (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) liste plusieurs effets secondaires : des "affections du système nerveux"  (troubles de la conscience, pertes de mémoire, crises convulsives) aux "affections gastro-intestinales" (nausées et diarrhées), en passant par des "affections de la peau et du tissus sous-cutané". En 2007, l'Afssaps avait ajouté que le Protelos pouvait entraîner un syndrome d’hypersensibilité médicamenteux ou "syndrome Dress" : il s'agit d'une allergie grave caractérisée par une éruption cutanée et qui peut atteindre  le foie, les reins ou les poumons. Dans deux cas, les patientes qui avaient developpé ce syndrome après avoir  pris du Protelos sont mortes.

...

Ce résumé par l'AFSSAPS :
http://www.afssaps.fr/var/afssaps_site/storage/original/application/3a98cc4c71931e7d12a9cc6ddebf0e8f.pdf

D'un lecteur :
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Nicolas Sarkozy, ancien avocat d'affaire de Servier, déclarait en lui remettant la Légion d'Honneur:"vous avez été souvent sévère à l'endroit de l'administration française. Vous critiquez l'empilement des mesures, des normes, des structures et vous avez raison". Bien sûr, NS ne savait rien du volet scientifique, mais c'est l'état d'esprit révélé par cette phrase qui est instructif. Voir tout le discours de NS : http://www.lepost.fr/article/2011/01/18/2375330
« Modifié: 09 septembre 2011, 01:48:56 pm par JacquesL »

JacquesL

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Mediator : Servier serait intervenu pour faire corriger un rapport du Sénat
« Réponse #13 le: 13 septembre 2011, 10:53:26 pm »
Mediator : Servier serait intervenu pour faire corriger un rapport du Sénat

Révélation par les écoutes téléphoniques :

http://www.lemonde.fr/societe/article/2011/09/13/mediator-servier-serait-intervenu-pour-faire-corriger-un-rapport-du-senat_1571840_3224.html

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Les laboratoires Servier seraient intervenus en juin pour qu'un rapport du Sénat sur le Mediator minimise sa responsabilité et insiste sur celle de l'Agence du médicament, affirme, mardi 13 septembre, Le Figaro, qui cite des extraits d'écoutes téléphoniques versées au dossier d'instruction. L'auteure du rapport, la sénatrice UMP Marie-Thérèse Hermange, a catégoriquement démenti ces affirmations.

Les écoutes relatent une conversation entre le directeur opérationnel du groupe Servier, Jean-Philippe Seta, et Claude Griscelli, ancien membre du Conseil d'Etat, professeur de pédiatrie et de génétique, qui fut directeur général de l'Inserm. M. Griscelli déclare au dirigeant de Servier que la rapporteure du Sénat, Mme Hermange, lui "a demandé d'aller travailler avec elle pour le Sénat". "Je me suis fichu des choses nulles qui n'avaient pas d'importance, mais bien sûr j'ai regardé des phrases clés, importantes qui euh.. qui concernaient la responsabilité de Servier", dit le Pr Griscelli au dirigeant de Servier. "Et donc, j'ai fait changer pas mal de choses", ajoute Claude Griscelli.

Selon Le Figaro, le professeur de pédiatrie et de génétique a "beaucoup insisté" auprès de la sénatrice pour expliquer que l'étude évaluant à au moins cinq cents le nombre de morts liées au médicament "n'était pas scientifiquement valable". "C'est le plus important parce que j'ai, par contre, accentué beaucoup les reproches que l'on peut faire à l'Afssaps", l'agence du médicament, ajoute M. Griscelli.

"QUARANTE ANNÉES DE RELATIONS TRÈS ÉTROITES"

Ces écoutes téléphoniques ont été réalisées dans le cadre de l'enquête conduite à Paris pour "tromperie aggravée", "prise illégale d'intérêt par personne exerçant une fonction publique" et "participation illégale d'un fonctionnaire dans une entreprise contrôlée". Le rapport du Sénat intitulé "La réforme du système du médicament, enfin", publié le 28 juin, propose notamment de refondre le système de mise sur le marché des médicaments.

De son côté, l'avocat d'une des associations de victimes (AVIM), Me Jean-Cristophe Coubris a dit ne "pas être étonné" par ces révélations "qui témoignent de quarante années de relations très étroites entre Servier et les politiques".


JacquesL

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Mediator : le Dr Dukan condamné
« Réponse #14 le: 20 septembre 2011, 11:50:29 pm »
Mediator : le Dr Dukan condamné

http://info.sfr.fr/france/articles/mediator-dr-dukan-condamne,728521/

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La justice lui demande de fournir le dossier médical d'une de ses patientes. Ce qu'il refusait jusque-là.

Ce jugement pourrait inquiéter plus d’un médecin. La justice vient de condamner l’un d’entre eux dans le cadre de l’affaire Mediator. Et pas n’importe lequel puisqu’il s’agit du célèbre nutritionniste Dr Dukan, auteur du régime hyper-protéiné portant le même nom.

Contraint de fournier le dossier médical

Assigné en référé par l’une de ses patientes devant le tribunal correctionnel de Toulon, le Dr Dukan a été condamné par la juge des référés du tribunal de grande instance de Toulon à fournir à un médecin expert le dossier médical de Marie-Claude Benkemoun . Ce qu’il refusait de faire.

Cette Varoise de 68 ans s’était vu prescrire du Mediator comme coupe-faim, "pendant plusieurs années, deux fois par jour, un matin et le soir", par le célèbre nutritionniste. Aujourd’hui, elle souffre d'une valvulopathie aortique, une pathologie fréquente chez les personnes ayant pris cet antidiabétique des laboratoires Servier, prescrit comme coupe-faim.

Sans son dossier médical, cette patiente ne pouvait envisager être indemnisée par l' Office national d'indemnisation des accidents médicaux , qui gère les demandes d'indemnisation dans le cadre de cette affaire. Pour cela, il faut qu'un préjudice et un lien de causalité soient établis avec la prise du Mediator, après examen de son dossier médical.

L'avocate de la plaignante, Me Christine Ravaz, s’est félicitée de cette décision, espérant "que le Dr Dukan assistera à l'expertise contradictoire".

Deux autres médecins condamnés

Le Dr Dukan n’est pas le seul médecin pour lequel le tribunal a ordonné de communiquer le dossier médical à ses patients. Un cardiologue et un généraliste ont également été visés. Dans son ordonnance, la première vice-présidente du TGI a aussi fixé à 1.500 euros la provision que les laboratoires Servier devront consigner pour financer l'expertise. Un délai de deux mois a été donné au médecin expert pour accomplir sa mission et déposer son rapport.

Une plainte au pénal a été également déposée à l’encontre du nutritionniste, indique Le Nouvel Observateur. Et ce, pour mise en danger de la vie d’autrui, administration de substances nuisibles et non déclaration d’effets indésirables.

Et parmi les SPAMs que je reçois, il y en a pour le dit "régime Dukan".