Egypte : l'envers du décor.
Par Sophie Pommier. Editions La découverte.
Quel livre à la lecture déprimante ! Imprimé en 2008, il est à jour en 2007.
Consternante et terrifiante, la description des Frères Musulmans, avec leur impérialisme total, leur mépris total du reste du monde.
Consternante, la pratique d'incompétence et d'opacité des administrations égyptiennes.
Consternante et terrifiante, la pratique sinueuse de répressions et de promesses non tenues par le pouvoir politique.
Consternant, le rêve de démocratisation des pays arabes, par l'administration américaine (1), qui subventionne l'armée égyptienne et dirige le plus gros des orientations extérieures du régime égyptien.
Consternantes, les incessantes contradictions des semblants d'oppositions politiques, soutenant tour à tour tout et le contraire de tout d'une phase à l'autre, d'un public à l'autre. Leur excuse est qu'ils sont constamment sous le tir de la censure et de la répression de chacune de leurs activités.
Consternants, l'état de l'éducation à deux ou trois vitesses, l'état des systèmes de santé fortement ségrégés par l'argent ; consternantes, la mauvaise prévention des risques naturels, l'urbanisation sauvage dont l'assainissement ne suit pas, la qualité déplorable de l'alimentation en eau potable.
L'industrialisation touche essentiellement le Delta et la région du Caire. La haute Egypte est un pays oublié et délaissé.
Le Sinaï est contrasté, bédouins méprisés, tourisme au Sud, misère au Nord, cannabis, pavot, trafic d'armes et d'esclaves pour prostitution.
Les perspectives de l'eau douce sont sombres pour 76 millions d'habitants, et de gros conflits se préparent avec les autres riverains du Nil. Il y a déficit d'eau par rapport aux besoins, la consommation est en excès que les accords internationaux précédents, et les contentieux ne font que grossir avec les pays en amont.
Les coptes - ceux qui ont résisté à l'islamisation forcée, et sont restés au culte chrétien préexistant à la conquête arabe - demeurent sous répression, et sous menaces de guerre civile et d'extermination par les islamistes. Secret et sensible, leur nombre réel est inconnu, de l'ordre de 10 à 15 % ?
La description de la vie culturelle est intéressante.
Cela dit, je souffre de ce que l'auteure, Sophie Pommier, est politologue, et que politologue. Malgré quatre petites cartes en début de livre, partout manque l'intervention d'un généraliste indispensable : un géographe. Un géographe aurait su s'entourer des précisions préalables indispensables d'un géologue, d'un sédimentologue, d'un hydrologue, d'un pédologue, d'un agronome, et d'un économiste. Elle, elle ne sait pas.
On ne sait jamais où sont au juste les différentes industries, ni si des ressources minières (par exemple pour la sidérurgie et la métallurgie) existent, ni où. On ne sait pas où le tremblement de terre de 1992 a surtout frappé. Où est la faille qui joue ?
Moins d'une demi-page sur l'état de l'agriculture et de l'irrigation.
J'apprends avec soulagement, que les villes nouvelles autour du Caire ont été implantées de préférence sur le plateau désertique, afin de limiter les emprises sur les anciennes emblavures, déjà bien assez dramatiques comme cela. J'aimerais savoir comment et avec combien de coupures par jour leur approvisionnement en eau est fait, mais je ne sais toujours pas.
L'auteure est dans le vague complet quant à ce qu'elle nomme "la pollution". Elle n'a visiblement pas de formation scientifique, et n'a pas su faire appel à une compétence extérieure pour rédiger cette partie là.
Le commerce extérieur, et la couverture des besoins par des importations sont insuffisamment détaillés. La description des ports, de leurs spécialisations, et de leurs trafics est en dessous des besoins. La ressource halieutique est inconnue, comme les pratiques locales et leur évolution. Mais bon, on apprend quand même que l'Egypte doit importer 30 % du blé qu'elle consomme.
L'infrastructure - routes, chemins de fer, gazoducs, oléoducs, canaux, aqueducs, lignes à haute tension - est insuffisamment précisée. Etc.
Les sciences dures et la technologie, sont elles aussi très nécessaires à la compréhension de la vie des gens et des contraintes d'un pays.
(1). Administration américaine elle-même colonisée par les sionistes israéliens, notamment via des traitres à double-nationalité, très haut placés.