En duvet, ou en succédané de qualité toujours en progrès, le sac de couchage demeure pour presque tous les randonneurs une pièce d'équipement principale, s'ils partent pour plusieurs jours, sans le secours de refuges et chalets équipés.
Le propos du jour est de réfuter cette conviction, avec des expériences sur neige, à skis.
On m'a amplement précédé dans cette démonstration, les
survivors se font une joie d'en apporter les preuves plusieurs fois par an chacun. Une photo est particulièrement célèbre, celle de "Lepapat", dormant en manteau militaire, quand dehors il fait - 8°C :
Lien mort.
Sauf qu'il n'est pas exactement "
dehors par -8°C" : il est devant un feu de bois, dont le rayonnement lui est renvoyé derrière par une couverture réflectorisée, et devant par une bâche en coton ignifugé. De plus, ces
survivors ont fait d'importants prélèvements dans la forêt, de rames de sapin pour reposer dessus, isolés de la neige. L'extrapolation de ces prélèvements vers l'ensemble des randonneurs est à déconseiller chaudement.
Cet exemple prouve déjà qu'il faut distinguer deux micro-climats que nous avons besoin de nous aménager :
a. Le micro-climat autour de la peau. Génétiquement nous sommes des animaux de climat tropical, et les vêtements permettent de conserver un climat tropical autour de la plus grande partie du corps. Appelons-le le "micro-climat intérieur".
b. Le micro-climat où l'on respire, soit typiquement l'intérieur de la tente, ou de la cabane. Appelons-le le "micro-climat extérieur".
Ici, l'organisation des
survivors optimisait le microclimat extérieur, ce qui leur permettait d'expérimenter sur les moyens plus frustes que de coutume pour préserver aussi le micro-climat intérieur.
Que reprocher au merveilleux sac de couchage en duvet ?C'est une pièce d'équipement hautement spécialisée, qui intègre de plus en plus de raffinements. Toutefois ses exigences sont élevées :
- Il exige une assiette horizontale. Presque tous ont le fond mince et glissant. Exception: voici douze ans, G* Sp*rt en avait un à fond renforcé et antidérapant (Tyin ?). Jamais revu depuis : ce sont des grammes en plus, tant décriés par les
coupeurs-de-grammes-en-quatre.
- Il exige une assiette sèche et propre, non abrasive, non coupante. Sinon vous ne ramenez qu'une épave chez vous.
- Le problème du drap de duvet, pour pouvoir espacer les nettoyages, n'a jamais été correctement résolu. Plus c'est léger, par exemple en soie, plus les contorsions seront compliquées pour tout ramener à son poste, notamment autour de la tête, dont le cuir produit le plus de suint. Seuls des systèmes militaires prévoient des amarrages haut et bas entre les divers composants. Dans le civil, rien de ce genre n'a jamais existé.
- Il faut le sanctuariser contre la pluie et la neige, et les flaques, durant l'usage. Le rôle du sursac est fréquemment sous-évalué. La variété des variantes prouve que ça n'est toujours pas une technologie mature.
- Il faut le sanctuariser contre la pluie et la neige, et les bains forcés, durant le transport. Sinon, on n'aura plus qu'un chaton mouillé, poids aussi mort qu'un rouleau de PQ mouillé... Mission souvent impossible sans un sac étanche individuel, que presque personne n'aura su prévoir (et moi non plus, hélas). Confère le cas de ce randonneur de début d'automne en Ecosse, surpris par les crues des rivières sous de grosses pluies. Il s'est fait culbuter par le courant en traversant un premier bras, a pu atteindre l'îlot entre les deux bras de rivière, et menacé de périr par hypothermie avec son équipement trempé, a appelé les secours, qui n'ont pu le secourir que par hélicoptère. Personnellement, je trouve choquant d'en arriver à être à ce point dépendant des secours. Depuis plusieurs millions d'années nous sommes des explorateurs à la curiosité insatiable, et pendant ces millions d'années, il n'y a jamais eu le moindre secours à attendre. Moi aussi en Suède et en Norvège, j'ai souvent éprouvé que les gués sont les passages les plus dangereux.
- Il faut aussi le sanctuariser durant les transitions : quand on y entre, quand on en sort, y compris à chaque sortie-pipi nocturne, et à chaque fois qu'il y a quelque intervention à faire sur le campement.
- Les réparations sont atrocement compliquées.
- Cette protection thermique si élaborée ne sert à rien durant toutes les phases d'établissement du campement, ni d'un cabanage d'urgence par mauvais temps. Elle ne sert que quand nous sommes couchés et abrités pour la phase de repos, après avoir trouvé des vêtements secs à enfiler. Et en les laissant où, les vêtements mouillés ?
Bref, le beau sac de couchage si cher et si performant ne sert guère que dans un environnement fortement artificialisé et humanisé. Les prairies horizontales, moelleuses et non inondées, où l'on aura réussi à faire tenir des piquets de tente, sont rares en altitude. Le chalet, on ne l'atteint pas toujours à temps.
En revanche, les sophistications et le prix du duvet sont très utiles pour affirmer le rang des coqs de village en compétition à qui sera le plus beau.
La combinaison d'un pied d'éléphant et d'une doudoune est une solution partielle.C'est souvent une solution des alpinistes.
Avantages : on garde l'usage de ses bras et de ses mains. S'il faut sortir, on n'expose que le bas du corps au froid.
Inconvénient : il faut des moufles ou des gants bien thermiques.
La doudoune en duvet aussi pose les mêmes problèmes de protection en usage, et protection au transport.
Seule une très très petite minorité des anoraks-cagoule ont le capuchon assez enveloppant, et le col assez large pour enrober et protéger la doudoune de la neige. Les autres nécessitent une longue intervention chirurgicale au
découvite puis en couture. Les exceptions à cagoule large et enveloppante sont rarement civiles, mais militaires (et ne sont même pas majoritaires selon les pays).
Ni la doudoune ni le pied d'éléphant en bon duvet ne sont mieux résilients à la dégradation des conditions.
Les mêmes sursacs imper-respirants qui protègent un sac de couchage protègent aussi le dormeur en doudoune et pied d'éléphant s'ils sont assez larges. Or en pratique seuls ceux qui sont d'origine militaire sont assez larges du haut.
Solution proposée : les multiples pelures d'oignon compatibles entre elles, et toutes fortement résilientes à la dégradation des conditions.La mauvaise surprise qui m'attendait, est que la fidèle doudoune de montagne se prête mal à l'insertion dans un système de pelures d'oignon, et modifier la largeur du col est hors de portée.
Exit la doudoune. Ne reste que le pied d'éléphant. La suite a prouvé que si le pied d'éléphant est efficace et apprécié en camp sec par -5°C environ, il n'est ni nécessaire ni souhaitable de l'exposer, en tranchée d'urgence en conditions de tempête de neige, en température proche de 0°C, tandis que la lutte contre l'eau est la priorité.
La lutte contre l'eau et pour le micro-climat extérieur est la priorité.Autrement dit, dans les arbitrages, mieux vaut emporter un kilogramme de tente qu'un kilogramme de duvet.
La tente utilisée est
le tipi de chez Appy Trails, avec déjà six modifications, en attendant la septième, que le vent a prouvée indispensable. Poids : environ 1440 g avec changements de sardines.
La protection contre l'eau a été excellente, y compris en bivouac en tranchée dans un bouquet d'épicéas : plusieurs poches d'eau au matin, et aucune n'a rien laissé percer.
J'eusse dû prendre le tapis de sol que je lui ai coupé, mais j'ai préféré prendre une tente intérieure en soie, sauvée de la benne par mon esprit récupérateur. Cette tente intérieure n'a été utilisée que la première nuit, sur neige, et ne sera pas reprise ultérieurement (sauf peut-être en amoureux ?) : vraiment très petite.
A l'avenir et pour des conditions engagées, avec danger météo, il sera préférable de prendre le Zdarski modifié que j'ai commencé à couper, plutôt que l'AT qui n'est vraiment pas faite pour les tempêtes. Il y aura gain de poids, gain de solidité, et perte de place.
Alors quoi a tenu lieu de tapis de sol, à la place de celui de la tente intérieure non redéployée ?
Le sac-à-vent élaboré depuis une base Vaude. Oui, c'est un sous-emploi...
Le choix du/des surpantalonsDéjà commencer par choisir un pantalon, voire un collant par dessous.
Le défaut principal du pantalon d'alpinisme choisi pour les conditions chaudes et clémentes des trois premiers jours, ce sont les genoux : souples, extensibles, avec intérieur en jersey, ils prennent trop l'eau. Or le skieur avec pulka a souvent à bricoler quelque chose à genoux dans la neige. Une meilleure solution reste bien soit un pantalon de chasse comme D4 en propose de bons, soit un BDU (BD = Battle Dress, U = ?) qui sera siliconé du bas jusqu'au rabat des poches de cuisses, et au fond de culotte.
Maint skieur dans la profonde hivernale a été confronté au dilemme : comment enfiler ou retirer un surpantalon avec des skis ? Si je déchausse, je m'enfonce jusqu'à mi-cuisse, si je ne déchausse pas, je ne peux rien faire...
D4 propose un surpantalon imper, avec zips intégraux sur les cuisses. L'armée française a aussi élaboré un surpantalon increvable en Gore-Tex, ouvrant intégralement, guêtres intégrées comprises (mais il pèse un kilogramme). Pas bien bonne solution néanmoins : l'ouverture intégrale qui s'engrène en commençant par le bas implique de tout traîner par terre, et de mouiller de neige le filet intérieur du D4. De plus le surpantalon D4 n'a pas de braguette. Fausse bonne idée au final.
Solution éprouvée : Cuissard ouvrant par l'intérieur, agraffable devant comme une jupe.
http://deontologic.org/deonto-famille/citoyens/debattre/index.php/topic,1696.msg3554.html#msg3554En revanche, je n'ai que du bien à dire des surpantalons Gore-Tex à bretelles de la BW. Bien respirants, bien protecteurs, avec braguettes et zips d'accès aux poches, ils peuvent servir jour et nuit. Juste prévoir deux tailles correctement étagées, pour la protection thermique nocturne. Au départ par mauvais temps, vous enfilerez préventivement la petite taille. Au bivouac vous rajouterez la grande taille. Pas d'ouverture intégrale, juste la largeur du bas qui est resserrable par zip pour en diminuer l'ampleur. Le confort des bretelles n'est plus à souligner. Oui, il faut gérer les bretelles pour faire
la grosse commission...
500 g pièce, entre 8 et 24 € selon l'approvisionnement, neuf ou occasion, avec ou sans réparations à faire.
Choix des bivies imper-respirants.Hé oui : des sursacs, au pluriel, sinon vous n'aurez pas la thermicité requise, notamment pour les mains.
Pour le sursac externe, simple, seuls les militaires que vous trouverez en surplus ont la largeur indispensable, un mètre, et la robustesse indispensable.
Les britanniques modèle guerre des Malouines, sont les plus simples et les plus légers, 865 g pour un exemplaire déjà réparé, donc alourdi d'un placard. C'est une simple chaussette en trilaminé, et l'on referme l'entrée par un cordon. On referme mal et difficilement.
Les sursacs allemands sont hyper-élaborés, avec fort zip double sens et velcros de rabat en soufflet, mais dépassent le kilogramme. La fermeture est intégrale et ne prévoit pas de trou de visage et respiration, un choix discutable.
Pour le sursac interne qui travaille dans des conditions mécaniques bien moins sévères, un modèle du commerce civil est envisageable.
Vous connaissez la loi de Murphy ?
Tout fil coupé à la bonne longueur est trop court. Tout fer à souder qui glisse de l'établi est rattrapé par la panne...On peut poursuivre :
Tout sursac civil conçu trop étroit, et que vous élargissez pour le mettre à la largeur convenable, est encore trop étroit, il lui manque encore 20 cm de circonférence...
Tout matelas de mousse qui a un côté lisse et réflectorisé, aura ce côté lisse de façon à ce que tout glisse dessus dans le sens de la pente, le dormeur inclusivement.
Tout velcro accroche et arrache tous les trophées qui passent à sa portée...Ici le sursac intérieur était un Hayler, fait en tissu Hipora avec une enduction blanche et molle. Oui c'était au départ un sévère loupé de conception, conçu par Harpagon. Oui, il va falloir une seconde rallarge de l'autre côté. Oui, dans la pente de la tranchée, il a glissé péniblement sur le matelas de mousse aluminisé qui séparait les deux
bivies. Oui les velcros de mes mitaines-moufles lui ont arraché plein de fils. Mais il n'a jamais condensé. Mission accomplie, pour l'essentiel.
Préparer la séquence des vêtements superposables du haut.Les tailles doivent être strictement étagées, les cols et capuchons doivent être tous compatibles entre eux dans le bon ordre, aucune couche ne doit être accueillante aux flocons de neige, toutes les couches sauf deux des trois ultimes doivent être perméables à la vapeur d'eau, ne pas aller au delà de la qualité coupe-vent.
Si au lieu de rechercher la meilleure qualité du marché, on se contente de ce que fournissent les grandes surfaces au grand public, en finissant chaque couche par un blouson de nylon tissé serré minimal, on garde une belle performance fonctionnelle d'un bout à l'autre, sans aucune dépense élitiste.
Je commence par la couche ultime :
Au pire du pire de tout, mais en conservant toute la mobilité, la
pélerine à bosse et manches de D4 (Forclaz 1500 Air), corrigée de ses fautes de conception. Elle a servi lors de l'établissement du campement de fortune sous le bouquet d'épicéas, travail de pelle, accrochages de la toile de tente à ce que ça peut, etc. En route, elle abrite le sac à dos. A l'arrêt, elle permet de fouiller le sac tout en le préservant de la pluie ou de la neige. N'est pas portée la nuit dans les
bivies.
25 €, 525 g.
En dessous, la parka de pluie en Gore-Tex de la BW, taille 56-58 Extra-Gross (celle qui abriterait la doudoune de montagne, si je l'avais emportée).
19 €, 720 g siliconée.
En dessous, parka polaire D4 Arpenaz 365 gris clair, taille XL. Tissu imper, mais fentes d'aération.
199,95 F (30 €), 1050 g siliconée.
En dessous, parka Gore-Tex BW, taille 52-54. Cette taille fut une erreur, car mal compatible avec la parka Arpenaz 365. Vérifier si la taille 48-50 serait compatible avec les couches inférieures.
14 €, 660 g siliconée.
En dessous, couche composée d'une doudoune Quechua taille L, et d'un coupe-vent Kalenji XXL, tous deux non impers et sans capuchon. C'est ce qu'on enfile vite le soir pour établir le camp dans le vent frais.
Total 15 €, 681 g.
En dessous, couche composée d'une
soft-shell vendue par Lidl sous la marque Crivit, avec capuchon mais mal accessoirisée (poches ouvertes à la neige), et du blouson Mossant de 1968, plusieurs fois modifié. Ses poches contenaient les papiers du véhicule et mon porte-feuille. Défaut : ces poches principales sont trop basses, d'où nombre de bleus sur l'intérieur des cuisses. A revoir ou remplacer. C'est la couche qui permet de continuer la route quand le Soleil est caché et que le vent est de la partie. La casquette hivernale trouve place sous ces capuchons (à l'avenir, éviter celle qui a des velcros, aux crocs redoutables).
Coût : 14 € en 2010. En 1968 au BHV ? Pour mémoire...
725 g le tout.
En dessous, couche composée d'une chemise de marin en tissu
soft-shell, marque Tribord, qui pourrait être redoublée (mais ne l'a généralement pas été) d'un coupe-vent cycliste hyper-léger d'origine Lidl, 98 g, marque Crivit.
Total : 17 €, 538 g.
En dessous ? Sous-vêtements largement respirants. OK en plein effort sous le Soleil.
Total 8 €.
Merci de m'expliquer où est l'équipement élitiste dans cette séquence de pelures d'oignon.
Hin hin ! "
Pas assez cher ! Mon fils !"
Les couches étant chacune un coupe-vent à elle seule, il n'y a pas de zones froides ni de zone chaude la nuit, lors du sommeil, la répartition horizontale est excellente.
Non mentionnées dans la liste : casquette hivernale molletonnée, mitaines-moufles combinées, aux velcros hélas ravageurs.
Améliorations à envisager ?Aucune innovation dans la gestion des chaussures : on se déchausse. Point.
OK en camp raisonnablement confortable, pas bon en conditions de survie sévère sous précipitation battante.
Un
bivanorak se referme ultimement autour des chaussures. Idée à creuser et adapter, mais en tissu respirant, contrairement au
bivanorak de Hilleberg.