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Auteur Sujet: 7 juin 1940 : cinq marins bombardent Berlin, en Farman F.223.4.  (Lu 2950 fois)

JacquesL

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7 juin 1940 : cinq marins bombardent Berlin, en Farman F.223.4.

http://ammacdufumelois.free.fr/memo-marins_bombardent_berlin.htm
http://ammacdufumelois.free.fr/pdf/derniers_avions_farman.pdf pages 13 et 14.

L'héroïsme de cet équipage est difficile à appréhender : l'avion volait à 200 km/h, et était équipé d'une unique mitrailleuse des plus incommodes.

Citer
Mais le
temps presse. La bataille de France fait rage. Le
front belge est sur le point de céder. Le 6 juin
1940, dans un acte presque désespéré, la France
décide de bombarder Berlin.
Une telle mission paraît alors totalement impossible.
Située au coeur de l’Allemagne, la ville
est défendue par une formidable Flak (tubes antiaériens
de 40 mm, canons de 88 et 128 mm), et
se trouve protégée au nord et à l’ouest par plusieurs
lignes de défense anti-aérienne et surtout
par la chasse allemande.
Les autres NC 2234 n’étant pas terminés,
« Jules » doit voler seul. Aucun chasseur ne
l’accompagne. Chargé d’essence et de bombes (80
bombes incendiaires et explosives de 10 kg), le
« bombardier » (qui n’a pas de soute, les bombes
sont larguées à la main par la porte latérale) se
traîne à tout juste 200 km/h, devenant une cible
idéale pour la chasse allemande. Ce jour-là, heureusement,
elle ne vole pas la nuit. Le trajet passant
par la mer du Nord oblige à parcourir une
route de plus de 2 000 kilomètres, une mission
qui peut durer des heures au cours de laquelle de
mauvaises rencontres sont possibles. Qu’une
seule balle explosive de la Flak, d’un fort ou de la
chasse touche et l’avion exploserait en l’air.

Dans la soirée du 7 juin 1940, le « Jules » décolle
péniblement de Mérignac, sous la pluie, et
remonte vers le nord la côté atlantique. A Brest,
l’avion bifurque vers l’est. Le Pas-de-Calais est
franchi touts feux éteints et l’avion remonte la
mer du Nord, vers Ostende, comme prévu. Après
un cap au nord-est, à travers la mer du Nord, la
traversée du Danemark, la mer Baltique, le
« Jules » oblique au sud vers Berlin. Il faut arriver
sur Berlin par une voie improbable. Les Allemands
savent que si la Belgique et la Hollande
sont anéantis, la France et l’Angleterre disposent
de bombardiers, mais personne croit qu’un raid
aussi long soit possible. C’est la chance du
« Jules » : il est inconnu des militaires.

Vers minuit, Tempelhof, l’aérodrome de Berlin,
entièrement éclairé, est survolé. Daillière demande
à Yonnet de faire une présentation
d’atterrissage, de manière à passer pour un appareil
allemand, puis d’effacer la piste. Berlin a la
réputation d’être entouré de ballons de protection
dont les câbles d’acier peuvent sectionner
une aile du NC 2234. Effectuant un passage à
faible altitude, 100 m, et grande vitesse, 350
km/h, le « Jules » lâche ses bombes. Comme soufflant
une chandelle, Berlin éteint ses feux. La Flak
se déchaîne, mais les projecteurs n’ont pas encore
accroché le quadrimoteur français.
Le « Jules » reprend de la hauteur ; il est maintenant
à portée des affûts anti-aériens de 40 mm,
mais Corneillet et Deschamps n’ont pas balancé
toutes les bombes ; Daillière décide de refaire un
passage. Le tir de barrage de l’artillerie allemande
est cette fois d’une densité incroyable. Le « Jules »
se fraie un passage quand il est accroché par les
projecteurs. L’appareil s’éloigne. Le commandant
demande à son pilote des changements de cap
pour dérouter la chasse de nuit, alertée.
La route de retour est aussi dangereuse que
celle de l’aller. La mission étant secrète, il faut se
méfier au-dessus du sol français de la DCA et de
la chasse. A Chartres, le « Jules » fait une halte
pour prendre de l’essence. La Bretagne, trop éloignée,
l’avion se pose le 8 juin au matin à Orly,
avant de regagner Brest. C’est ainsi qu’entre le 13
mai et le 16 juin, le « Jules » accomplit huit raids
sur l’Allemagne au départ du Poulmic et quatre
au départ de Mérignac. A ce moment, les deux
autres NC 2234 sont prêts et portent la robe
noire des bombardiers nocturnes. La capitulation
du 19 juin 1940 met fin à leurs exploits
Les Britanniques risquent un raid sur Berlin
en septembre 1940, désastreux pour leur aviation.
En 1941, quelques Short Stirling s’aventurent à
bombarder Berlin de nuit, sans résultat sinon la
destruction totale de leurs équipages et avions.
Les alliés devront attendre mars 1944 pour tenter
un raid aérien destructeur sur Berlin.

Citer
- Début 40, des travaux sont entrepris pour transformer le "Jules Verne" en bombardier.; l'appareil est construit pour monter à 8.000 mètres et parcourir 8.000 kilomètres. Il est propulsé par 4 Hispano de 880 CV en tandem deux par deux. Il fait 23 mètres de long, 34 mètres d'envergure et entre ses deux roues (qui arrivent à hauteur d'épaule) il y a 5,60 mètres... Outre ses 14.000 litres d'essence (à 85 d'octane), il peut emporter une charge de 1,500 tonne de fret. Pesant 9 tonnes à vide, il atteint 24 tonnes en charge et vole à 280 kilomètres à l'heure... en version civile.

- Pour en faire un bombardier, il lui faut un nez vitré et un viseur.; ce qui est fait rapidement. Il lui faut une soute à bombes.: là, impossible, tout le ventre est occupé par les réservoirs à carburant... donc on installe des lance-bombes, sous ce ventre, ce qui amène les ailettes des deux bombes de 250 kilos les plus en arrière à 20 centimètres du sol.! "Aucune importance dit Daillière, on fera attention..."

- Question combustible, si le but est lointain, 14.000 litres risquent d'être un peu justes... On rajoute donc dans la carlingue quelques réservoirs qui ne laissent plus qu'un étroit couloir de l'avant à l'arrière mais on dispose ainsi de 4.000 litres d'essence supplémentaires.; le mécanicien n'aura jamais que 32 jauges et autres manos à surveiller...

- Ainsi gréé, le "Jules" peut emporter au choix huit bombes de 250 kilos, ou deux de 500 kilos, ou des mines.

- En défense, on lui octroie une mitrailleuse Darne de 7,5 mm, à "fromages" qu'il faut fixer, dans l'ouverture de la porte, par des écrous à oreilles...

- Et voilà, le tour est joué, le 5 juin 1940, l'avion est prêt. On sait qu'il tiendra le, coup, car c'est construit robuste, mais sa vitesse ne dépassera plus les 200 kilomètres à l'heure... ce qui, vu son armement défensif, en fait quand même une belle proie pour les chasseurs allemands.!

- Ajoutons qu'il va aller tellement loin qu'aucun protecteur ne pourrait accompagner cette citerne volante...

- Il ne lui restera donc pour survivre que la discrétion, la surprise, frapper fort et se dérober... d'où son surnom de "corsaire".

- Le 6 juin, le "Jules Verne" quitte Le Poulmic pour rejoindre Mérignac, près de Bordeaux, car la piste cimentée y est bien plus longue... ce qui semblerait signifier un décollage pleine charge, donc un voyage longue distance... Yonnet, puis tout le reste de l'équipage, devinent cela rapidement.

- En effet, dès le 7 au matin les préparatifs à un raid lointain commencent.; pleins complets, 18.000 litres à bord.

- Hormis le commandant, qui est aux "opérations" tout le monde est là.:
• l'Enseigne de Vaisseau Comet, qui a quitté les gros hydravions "Latecoère" avec lesquels il traversait l'Atlantique dans la "civile" rappelé dans la "navale".: navigateur.;
• Maître Principal Yonnet.: pilote.;
• Maître Corneillet.: mécanicien.;
• Maître Scour.: radiotélégraphiste.;
• Second Maître Deschamps.: mitrailleur-bombardier.

- Ultime raffinement, le "Jules Verne" a vu sa belle robe "aluminium", qui le faisait tellement briller aux feux des projecteurs... recouverte d'une couche de peinture noirâtre du plus bel effet. Seul son nom apparaît encore, et deux belles cocardes ornent ses flancs. Il a maintenant l'air très militaire, très guerrier avec ses grands lance-bombes, vraiment bombardier de nuit tel qu'en auront, dans quelques années, les escadres alliées.

- A 14 heures, le tracteur arrive avec les chariots où reposent les 8 bombes de 250 kilos qui sont couvertes de dessins et messages personnels genre "M... pour Hitler.!". Elles sont promptement fixées sous le ventre du "Jules".

- Puis c'est le tour d'un armurier qui apporte 80 bombes de 10 kilos et informe l'équipage.: "elles sont mi-explosives et mi-incendiaires.; ça marche au poil ces engins là, vu que, grâce à leur fusée instantanée elles éclatent dès le premier choc, cassent tout ce qu'elles peuvent et calcinent ce qui pourrait rester.!" Comme il faut les empiler dans les moindres recoins libres, étant donné l'absence de soute, inutile de décrire les touchantes attentions dont elles font l'objet.! Dans quelques heures, le mitrailleur et le mécanicien les traiteront avec moins de respect en les envoyant par quatre dans l'ouverture béante de la porte...

- Le processus est enclenché, bien réglée, bien rodé, des questions, réponses, informations incessantes, qui va durer aussi longtemps que le vol et en faire une œuvre commune parfaite, à l'image d'un orchestre de musiciens chevronnés exécutant de la grande musique.

- Henri Yonnet est au manche, donnons lui la parole.:
"En bout de piste, l'appareil vibre, et lorsque je lâche les freins il me semble s'écraser un peu plus que d'habitude en commençant son parcours. La surcharge se fait drôlement sentir.
"Nous roulons depuis un bon bout de piste et ce bon Dieu de piège ne veut rien savoir pour décoller.; j'ai beau tirer sur le manche comme un perdu, il reste au sol décidé à se transformer en camion ou en tank...
"Je sens le "Jules" coller au terrain, et, malgré les moteurs à pleine gomme, je vois arriver les grands pins qui se dressent en bout de piste. Je me demande si nous n'allons pas nous vomir dessus. Ça fera un beau feu d'artifice avec nos bombes incendiaires et les milliers de litres d'essence que nous avons dans le ventre.
- "Je pèse encore sur le manche et le "Jules" se décide, d'un coup, comme une ventouse qui lâche. Les pins passant si près au-dessous de nous que j'ai l'impression de les entendre siffler sous les plans. Lentement je prends de l'altitude et amorce mon virage avec précaution…"

- C'est gagné, il est 15.h.30, le "Jules" est en l'air.

- Le commandant Daillière ouvre son enveloppe et annonce "Ça y est Yonnet, nous allons sur Berlin".

- Maintenant, c'est au navigateur de faire montre de son savoir, mais quel navigateur.! Paul Comet a tellement parcouru l'Atlantique, avec ses gros "Laté" qu'il est capable d'une navigation au poil de mouche. Il va le prouver, une fois de plus. Oh, dira-t-il plus tard, avec de bons documents... écoutons-le.:
- "Nos objectifs étaient toujours fixés par l'État-Major. Avant chaque mission, le commandant revenait de l'Amirauté avec une serviette pleine de documents, probablement rassemblés par les services secrets. Nous avions des dossiers très complets sur les objectifs principaux et secondaires, avec des photos aériennes sous divers éclairages, environ une cinquantaine par mission - En outre, nous avions des cartes françaises et allemandes à diverses échelles... Nous apprenions les dossiers d'objectifs absolument par cœur, de sorte qu'en les survolant nous avions l'impression d'être en pays déjà connu".

- Les consignes étaient strictes.: défense de bombarder la ville.; seules des usines situées en banlieue devaient être détruites.

- L'heure de décollage avait été fixée pour que la nuit soit faite à l'arrivée sur le Danemark.

- Le "Jules" monte vers le nord, survole Le Poulmic, la Manche en ligne droite et entre en mer du Nord avec le déclin du jour, cap sur Esbjerg, au Danemark. Il fait nuit quand il coupe la presqu'île du Jutland, cap à l'Est vers la Fionie. Puis il abat vers le sud-est, retrouve le miroir de la mer dans le golfe de Kiel et entre en Allemagne à l'ouest de Rostock.

- La navigation de Comet les a amenés exactement où il le fallait.; les chronos sont enclenchés.; de la côte à Berlin il reste quarante minutes de vol.

- La nuit est noire, mais les Allemands sont si sûrs d'eux que de nombreuses lumières sont visibles et Berlin trouvé sans difficulté, malgré les 5 à 6 dixièmes de cumulus aux abords de la ville que le "Jules" survole à 1.000 mètres d'altitude.

- L'arrivée par le Nord a vraiment trompé l'ennemi.; quelques projecteurs se sont allumés, un court instant, sans grande conviction car aucune pièce de D.C.A. ne s'est manifestée. Le "Jules" est bien pris pour un patrouilleur allemand retour de mission, comme il l'espérait.

- A Tempelhof, l'aérodrome berlinois la piste, balisage allumé, se voit de loin. Dès qu'il l'aperçoit, Daillière ordonne "Aux postes de combat" puis, se tournant vers le pilote.: "Descendez faire une présentation d'atterrissage sur la piste.!". Yonnet s'exécute, écoutons-le raconter.:
- "Je fais un tour de piste, jouant avec les manettes des gaz pour donner l'impression d'être en difficulté, et la ruse prend, personne au sol ne s'inquiète.; j'arrive au-dessus de la piste, à une dizaine de mètres du sol, quand le commandant ordonne.: "Effacez la piste.!", je remets la gomme, reprends de la hauteur, comme quelqu'un qui a raté son atterrissage... et me retrouve au-dessus de Berlin. Tous voient les rues tranquillement illuminées, les phares des automobiles... et essaient de ne pas penser aux ballons de protection qui ceinturent la ville... le gros bombardier est à cent mètres d'altitude.!".

- Les manœuvres prévues sont alors exécutées, qui consistent à survoler plusieurs fois la même zone en désynchronisant les moteurs pour donner l'impression d'une escadre entière.

- Les usines de banlieue repérées, Daillière lâche cinq bombes au premier passage et le "Jules" se soulève.; à l'arrière, le mitrailleur et le mécanicien jettent par la porte béante les incendiaires, le plus vite qu'ils peuvent.!

- Du coup en bas, c'est le réveil, d'autant plus brutal qu'impensable, puisque MM. Goering et Goebbels avaient juré que cela n'arriverait jamais.!

- Toutes les lumières s'éteignent, remplacées par les projecteurs et la D.C.A. qui se déchaîne. Il reste trois bombes, sous le ventre du "Jules".; Yonnet, se guidant sur les incendies, fait un 360 degrés se représente, bien dans l'axe et les dernières grosses sont larguées, pendant qu'à l'arrière la mitrailleuse tire tout ce qu'elle peut sur les projecteurs. Yonnet nous livre ses pensées du moment.:
- "Les petits copains qui ont écrit de si belles vacheries pour Hitler vont être contents, leurs compliments ont été livrés à domicile... Je tiens ma ligne de vol en serrant les dents et transpire comme un bœuf sous ma combinaison... au-dessous de nous des choses brûlent... Je suis transporté par une jubilation profonde.; enfin, pour une fois, pour la première fois même de son histoire, Berlin vient d'en prendre une bonne pincée, et c'est un avion français, ce brave "Jules", le nôtre, qui lui a fait cette distribution.!..."

- Les éclatements de la Flack et les traçantes des mitrailleuses lourdes entourent maintenant le "Jules Verne" de toutes parts et le suivent, comme une meute qui a enfin trouvé son gibier.; Yonnet manœuvre le lourd appareil en tous sens, piqués, virages serrés, changements de cap imprévisibles, et tous se retrouvent sains et saufs hors de cet enfer.



- Le "Jules" reprend de l'altitude et, par une route en dents de scie pour échapper aux chasseurs de nuit (lesquels, heureusement, n'ont pas encore de radar de bord.!...) revient vers la France.

- Le retour sera calme, hormis un dernier barrage de D.C.A. aux abords du Rhin qui est franchi au sud de Cologne.

- Il est 5.h.10 quand les roues du "Jules" touchent l'herbe du terrain de Chartres.; il y a 13 heures et 40 minutes qu'il volait... Les réservoirs sont à sec et il charge juste le carburant nécessaire à regagner Le Poulmic.

- Il s'est à peine éloigné que les Allemands bombardent le terrain, comme ils viennent de le faire à Orly où il fait une courte escale avant de regagner Brest.

- Dans la journée, un avion de reconnaissance allemand survolera à plusieurs reprises Le Poulmic, canonné à chaque fois par notre grand "Richelieu".: heureusement le "Jules" est dans son hangar.!

- Si les Allemands ne l'ont pas trouvé, ce n'est pas faute de ne pas l'avoir cherché.!

- Deux bonnes nouvelles attendaient nos pingouins, à leur retour au bercail.: la première, c'est une double citation à l'ordre de l'Armée de l'Air et l'ordre de l'Armée de Mer.

- La seconde, c'est la lecture d'un communiqué officiel déclarant.: "Une formation de l'Aéronautique Navale a bombardé Berlin avec succès. Tous les appareils ont regagné leur base"...

- Ce qui fera dire au mécanicien Corneillet, arrosant la nouvelle au poste des maîtres.: "Vous parlez s'ils ont du pot.! Si on s'était fait descendre, toute la formation était foutue.!!".
...

Les détails laissent pantois : une audace quasi-suicidaire.