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Auteur Sujet: Les coptes victimes de la crise politique égyptienne  (Lu 1528 fois)

JacquesL

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Les coptes victimes de la crise politique égyptienne
« le: 15 août 2013, 11:22:25 am »
Les coptes victimes de la crise politique égyptienne

http://www.lemonde.fr/international/article/2013/08/12/les-coptes-victimes-de-la-crise-politique-egyptienne_3460207_3210.html

Citer


Reportage. Une chanson a suffi à déchaîner une vague de violence contre les chrétiens coptes et anglicans de Bani Ahmad. Une chanson, mais laquelle ? Les multiples versions des événements du samedi 3 août de cette ville le long du Nil, à 260 km au sud du Caire, alimentent tous les fantasmes, dans cette Egypte profondément divisée après la déposition du président Morsi par l'armée le 3 juillet.
L'inspecteur de police dépêché sur place le lendemain est formel. Son rapport, repris par toute la presse égyptienne, affirme qu'un jeune client chrétien d'un petit café, à l'entrée de la partie orientale de la ville – 10 000 habitants dont une écrasante majorité chrétienne –, passait en boucle sur son smartphone le chant Bénies soient tes mains, armée de mon pays, composé en juillet 2013 par Mostafa Kamel et chanté par une dizaine de stars égyptiennes en hommage à l'intervention militaire contre le président issu des Frères musulmans. Le fils du patron du café, un musulman qui jouait aux dominos avec ce client mélomane, lui aurait demandé de faire taire son téléphone. Refus de l'intéressé : les deux jeunes gens en seraient venus aux mains.

Un commerçant, dans son magasin pillé et incendié après les violences, le 3 août, contre les chrétiens de Bani Ahmad.

 

Les témoignages concordants des voisins du café, dans cette rue de Bani Ahmad-Est désormais occupée par les forces de sécurité, jonchée de carcasses de véhicules calcinés, aux boutiques pillées et aux murs noircis, permettent de comprendre que cette version est mensongère. Elle a sans doute pour objectif de rejeter la responsabilité sur les Frères musulmans qui, retranchés dans leurs camps improvisés au Caire et dans les grandes villes du pays, défient les nouvelles autorités.

"DITES AU MONDE QUE L'EGYPTE EST ISLAMIQUE"

Pour le pharmacien, le boucher et leurs cousins, la chanson, c'était Islameya, un hymne à la charia (loi islamique) et au président Morsi, composé par les Frères musulmans après leur chute du pouvoir et que diffusent sans arrêt les chaînes islamistes. "Egypte islamique, Egypte islamique, dites au monde que l'Egypte est islamique, pas séculière, pas séculière." Le patron du café, un certain Abdou Moneim Radi, avait réglé le volume de son téléviseur au maximum. Un jeune chrétien de 19 ans, Hanna Dos, qui achetait du matériel agricole dans la boutique voisine, lui a demandé de baisser le son. "Il lui a parlé avec arrogance", regrettent pudiquement ses coreligionnaires. Chérif, le fils du patron du café, l'a alors empoigné par la chemise, bientôt aidé par son père. Les passants s'en sont mêlés, cela a duré quinze minutes. Il était 17 heures.

Deux heures plus tard, une rumeur a parcouru les mosquées de Bani Ahmad-Ouest – 50 000 habitants, à majorité musulmane –, de l'autre côté de la route nationale : les chrétiens de l'est auraient incendié une mosquée et tué 70 fidèles. Quelques centaines de musulmans se sont alors précipités à l'est, rejoints par les habitants d'autres villages plus au sud. Les chrétiens, qui avaient été prévenus, avaient fermé leurs boutiques, préparé des cocktails Molotov, armé leurs fusils de chevrotine, monté à la hâte une barricade et attendaient leurs adversaires postés sur les toits.

Les attaquants, bien équipés, ont tiré dans les réservoirs des camions garés à l'entrée du village, lesquels sont partis en flammes. Ils ont fait sauter les cadenas de la pharmacie, de la boucherie et de sept autres boutiques pour les piller. Identifier les boutiques appartenant à des chrétiens n'a pas été difficile : la nuit, à Bani Ahmad comme dans toute la région, des inconnus tracent des croix sur les rideaux de fer des échoppes chrétiennes et des "Allah Akbar" sur les musulmanes. Les assaillants auraient probablement pénétré plus en avant dans le village sans l'intervention, tardive mais massive, de la police. Les jours suivants, une quinzaine de personnes des deux communautés ont été arrêtées.

"ILS VEULENT TOUS NOUS ÉGORGER"

"Ils ont mis en prison nos enfants les plus beaux, ceux qui faisaient du fitness", pleure une mère en ouvrant, pour la première fois depuis une semaine, la porte de l'église évangélique du Messager. Chez les chrétiens, c'est la théorie du complot qui l'emporte. "Ils avaient préparé leur attaque de longue date, poursuit-elle. Ils avaient évacué les femmes et les enfants de leurs propres villages avant de venir ici. Ils veulent tous nous égorger."

Arrive le pasteur, avec un discours plus conciliant. Faouzi Ibrahim Bolis, 75 ans, fait partie de la délégation de dix sages chrétiens du village qui ont négocié toute la nuit du vendredi 9 au samedi 10 août un accord de réconciliation avec dix sages côté musulman. "Tout cela est de la faute de nos jeunes, des deux côtés, qui sont excités. Nous, les aînés, sommes tombés d'accord pour reprendre les choses en main." De source bien informée, la négociation avait mal commencé. Les musulmans ont posé comme condition l'abandon de toute plainte et de toute demande de compensation pour les dégâts, en affirmant que les chrétiens avaient intérêt à accepter parce que d'autres attaques pourraient se produire.

Dans cette région de Haute-Egypte, les chrétiens, surtout coptes orthodoxes mais aussi protestants, représentent une part importante de la population (alors qu'ils ne représentent que 5 % à 10 % des 83 millions d'Egyptiens). Ici, leurs terres sont plus vastes et plus fertiles que celles des musulmans. A ces vieilles jalousies s'est ajoutée, le 3 juillet, la présence du pape copte Tawadros II aux côtés du général Sissi (et du grand cheikh de l'université islamique d'Al-Azhar) lors de l'annonce de la destitution du président Morsi. Depuis, des attaques contre les coptes ont eu lieu dans le Sinaï, au Caire ou à Louxor, faisant une douzaine de morts. Si bien que Tawadros a annulé le 8 août les messes de la cathédrale Saint-Marc de la capitale, non loin de l'endroit où Jessica Boulos, une fillette copte de 10 ans, a été abattue d'une balle dans le coeur deux jours auparavant.

Pas de compensation ? Pour le pharmacien, Georges Mounir, qui a perdu tout son inventaire ainsi que son ordinateur, ou le boucher, Eshak Fenous Abd El-Malek, également propriétaire d'un restaurant dévasté, la pilule est amère. Ni l'un ni l'autre ne savent comment ils pourront reprendre leur activité. "La compensation, c'est la paix, reprend le pasteur Faouzi Ibrahim Bolis. La compensation, c'est Dieu qui nous la donnera. Heureusement qu'il n'y a pas eu de morts, nous n'aurions pas pu régler tout cela si facilement."

"TOUT EST DE LA FAUTE DES AMÉRICAINS"

De fait, il y a eu un mort, mais tout le monde fait semblant de l'oublier. Le lendemain de l'attaque, le corps d'un homme a été retrouvé le long de la route nationale. Comme il ne venait pas de la commune, Bani Ahmad l'a passé par pertes et profits et se complaît désormais, côté chrétien, dans une épaisse langue de bois sur la fraternité et la sérénité retrouvées. Ainsi, Azmi Mahrous Bilates, marchand de blé à la retraite, reçoit chez lui une délégation politique qu'il s'emploie à rassurer. "Tout est de la faute des Américains", lance l'un de ses visiteurs, membre du mouvement Tamarrod ("rébellion") ayant réclamé et obtenu la destitution du président Morsi. "C'est eux qui soutiennent ces terroristes de Frères musulmans et leur livrent des armes en provenance de Libye", ajoute un de ses collègues.

Un petit tour à Bani Ahmad-Ouest permet de relativiser cet optimisme. Bien sûr, personne ne connaît quiconque ayant participé à l'attaque : "Ce n'était même pas une attaque, raconte un homme devant un restaurant de rue, juste une petite bagarre entre deux jeunes." Personne ne sait pourquoi neuf boutiques du côté est ont brûlé : "Ils ont sans doute mis le feu à leur propre boutique, pour mieux nous accuser", avance un autre client, qui mange du poulet.

L'animosité reste entière : "Les chrétiens veulent toujours brûler nos mosquées et violer nos femmes", affirme un troisième, qui porte une longue djellaba bleue. "Ils étaient tous armés, et pas nous. Il y a beaucoup de terroristes chez les chrétiens", reprend le second, qui a terminé son poulet. "Pour l'instant, nos chefs sont au Caire, dans les camps de Rabiya et de Nahda, pour réclamer le retour du président Morsi, conclut l'homme à la djellaba. Nous attendons leur retour pour savoir comment répondre à toutes ces provocations des chrétiens.

Serge Michel (Bani Ahmad (Egypte), envoyé spécial )

Mon lien avec l'Egypte est des plus ténus : C'était en 1951, au temps de Farouk. Mais ce qui leur arrive continue de me toucher personnellement.