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Auteur Sujet: L'UE détruit l'agriculture française  (Lu 818 fois)

JacquesL

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L'UE détruit l'agriculture française
« le: 09 août 2018, 06:32:29 am »
Lettre ouverte d'un agronome à Jean-Claude Juncker, Président de la
Commission européenne
 
Monsieur le Président,
 
Pour aider le président Trump engagé dans un bras de fer commercial avec
la Chine, vous souhaitez que l'Union européenne importe plus de soja en
provenance des États-Unis. Cela nous replonge dans le cauchemar de
l'accord oléagineux de Blair House de 1993, préalable à la capitulation
de l'agriculture européenne aux accords de l'OMC de Marrakech. Depuis 25
ans le monde a changé. L'agriculture de l'oncle Sam a perdu son
leadership.

L'Amérique latine domine le marché du soja, la Russie exporte plus de
blé que les États-Unis et l'Ukraine est le pays le plus compétitif en
maïs. Les « farmers » américains ont largement contribué à l'élection de
Donald Trump, un président qui défend aussi bien l'industrie que
l'agriculture américaine. Les autres grands pays comme le Brésil, l'Inde
ou la Chine protègent également leurs marchés agricoles pour soutenir
leurs agricultures et leurs paysans.
 
Protéines végétales, les carences de la PAC
Le soja est une plante oléoprotéagineuse, elle fournit de l'huile
végétale et surtout des protéines végétales. L'Union européenne n'est
autosuffisante qu'à hauteur de 35% de ses besoins en protéines végétales
et 39 % pour les huiles végétales. Elle dépend donc très fortement des
importations pour assurer la sécurité alimentaire de sa population.
Les cultures d'oléoprotéagineux représentent moins de 20 % de la surface
des grandes cultures de l'UE – dominées par le blé – alors qu'aux
États-Unis ce taux est de près de 40 % et en Argentine ou au Brésil de
plus de 60 %. Cette amplitude de différences est anormale sur les plans
agronomique et stratégique, elle est un symptôme révélateur des dégâts
produits par le libre-échange sur les agricultures mondiales.
 
Soja toxique et indésirable

Le soja que nous importons ne répond pas à nos modèles agricoles et
alimentaires pour au moins 3 raisons :
• si vous traversez l'Illinois vous ne verrez que 2 cultures : maïs et
soja. Dans le cadre du verdissement, la PAC impose aux agriculteurs
européens l'obligation de présence d'un minimum de 3 espèces de cultures
arables annuelles différentes. Les productions américaines et
brésiliennes ne remplissent donc pas ces conditions ;
• le soja américain est à 95 % OGM, ces variétés sont interdites à la
culture en Europe en raison d'un risque environnemental et sanitaire ;
• les graines de soja importées sont issues de variétés « Roundup ready
» dont les cultures ont été pulvérisées plusieurs fois au glyphosate en
végétation. Le tourteau qui en est issu est, avec les légumes secs
importés également du continent américain, un des aliments qui contient
le plus de résidus de glyphosate.

Il est surprenant que l'Europe projette d'interdire l'utilisation du
glyphosate alors que ses productions agricoles en sont majoritairement
exemptes et que l'on laisse ouvert un boulevard à des produits importés
dont on sait pertinemment qu'ils sont contaminés à un niveau élevé.
Pour protéger les consommateurs il y a bien, dans l'attitude de la
Commission européenne, 2 poids, 2 mesures. Vous n'hésitez pas à imposer
des nombreuses contraintes, voire des brimades, aux paysans européens
mais quand il s'agit du commerce international, pratiqué par les géants
du grain, tout est permis au nom du libre-échange !
 
Septicémie de notre agriculture
Les importations de soja déstructurent toute l'agriculture européenne.
Les surfaces que nous devrions consacrer aux oléoprotéagineux et aux
plantes fourragères protéiques comme la luzerne sont, par défaut,
cultivées en blé. Résultat, l'UE est devenue artificiellement
excédentaire en blé alors qu'elle est globalement déficitaire dans le
secteur des grains.

Pour écouler ce blé, nous devons le vendre à bas prix sur le marché
mondial. En 30 ans, cette dérive a divisé par 3, en monnaie constante,
le prix européen du blé. Or, le prix du blé est à l'ensemble des
productions agricoles ce que le diapason est à l'orchestre.

À commencer par les légumes dont les prix des contrats sont calés sur
les cours des céréales. Ensuite, toutes les autres petites productions
végétales comme les fruits rouges ou les asperges sont plus ou moins
développées pour compléter le revenu qui n'est plus obtenu avec les
grandes cultures : quand leurs surfaces augmentent, leurs cours
baissent.

Les productions animales sont également liées au cours des céréales.
Quand un éleveur de porcs ou de volailles engraisse ses animaux avec des
céréales à bas prix et des tourteaux importés à des prix de dumping par
rapport à leurs coûts européens de production, il crée, malgré lui, des
distorsions de concurrence avec les éleveurs de vaches allaitantes qui
eux nourrissent leurs Charolaises avec l'herbe qu'ils produisent dans
leurs fermes.

Vous déclarez de manière simpliste qu'en signant un accord avec les
Américains sur les importations de soja, vous souhaitez aider certains
éleveurs à s'approvisionner en aliments du bétail à bas prix. En réalité
vous déstabilisez un équilibre et vous portez préjudice aux éleveurs des
zones d'herbages. De plus quand vous signez des accords de libre-échange
tels que le Ceta, le Tafta ou le Mercosur pour importer de la viande,
aidez-vous nos éleveurs ?
 
Vous n'ignorez pas que ces importations de soja découragent les
agriculteurs européens à développer des cultures protéiques sous forme
de fourrages ou de grains et qu'ensuite vous les condamnez au titre du
verdissement parce qu'ils n'ont pas des cultures assez diversifiées !
C'est la double peine que vous infligez à nos paysans !
 
Agriculture, culture et santé : les remèdes sont en dehors de l'OMC
L'agriculture est régie par l'agronomie, une science du vivant aussi
complexe que la médecine. Toutes les productions agricoles sont
connectées les unes aux autres comme les organes d'un corps humain. Tels
des agents pathogènes, ces importations de soja nuisent profondément à
l'agriculture européenne.

Si notre PAC avait une bonne prophylaxie, vous pourriez quasiment
supprimer tout son budget qui n'est utilisé actuellement que pour
soigner maladroitement ses dérives. L'écologie, via le verdissement, est
aussi inefficace pour soigner les dégâts du libre-échange qu'un
antibiotique contre un virus ! Et les agriculteurs européens finissent
par mourir écartelés entre ces deux idéologies.
 
Je vous prie d'agréer, Monsieur le Président, l'expression de mes
salutations distinguées.
 
Nicolas Jaquet
Paysan, ingénieur agronome,
Président de l'Organisation des producteurs de grains (OPG).

Signalé par Philippe RAI.