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Auteur Sujet: L'euro pour tous et chacun pour soi : le nouveau débat interdit.  (Lu 1490 fois)

JacquesL

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L'euro pour tous et chacun pour soi : le nouveau débat interdit.

http://m.lesechos.fr/idees-et-debats/le-point-de-vue-de/l-euro-pour-tous-et-chacun-pour-soi-le-nouveau-debat-interdit-0203193619902.htm

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L'euro pour tous et chacun pour soi : le nouveau débat interdit
Le point de vue de 23/12 | 06:00 | LAURENT FAIBIS et OLIVIER PASSET

La monnaie unique était, selon ses promoteurs, porteuse du renforcement de l'Union et le préalable à un gouvernement économique européen. Il faut rappeler les composantes des politiques qui auraient dû se mettre en place : une politique de transferts et un « policy mix » efficace à échelle européenne ; une gouvernance économique favorisant la convergence sociale et fiscale ; une intensification des flux commerciaux internes, bénéficiant à tous ; la disparition du risque de change facilitant le drainage des capitaux vers les régions en retard de développement. Autrement dit, l'euro devait produire de manière presque automatique de la convergence réelle.

Que reste-t-il de cela douze ans plus tard ? Une Europe technocratique et contraignante qui se substitue à une Europe de l'incitation et de la démocratie. Les écarts de richesse se creusent de façon alarmante depuis 2005, et donc avant la crise. Tous les pays du Sud, y compris la France, voient leur PIB par habitant s'éloigner de celui de l'Allemagne, ce décrochage se doublant d'une polarisation industrielle sur l'Allemagne et les pays les plus avancés du Nord. La périphérie affronte une destruction accélérée de capacités manufacturières, dont témoignent les chutes de production industrielle depuis 2007 : - 30 % en Grèce et en Espagne, - 27 % en Italie, - 18 % en France.

Que voit-on encore ? Des disparités de taux d'intérêt réels qui aggravent la divergence puisque le coût du capital est plus élevé dans les pays les moins avancés, ceux qui ont le plus besoin d'investir ! Les taux réels à 10 ans atteignent 9,5 % en Grèce, plus de 4 % en Espagne, 3,5 % en Italie. Ils ne sont que de 0,6 % en Allemagne. Les pays du Sud se sont lancés dans une déflation salariale accélérée, qui s'est effectivement traduite par une baisse de leurs coûts unitaires et le rééquilibrage de leur commerce extérieur, au moins pour l'Italie et l'Espagne. La facture déflationniste est lourde : envolée du chômage, de la pauvreté, affaissement de la demande intérieure, contraction des marges de nombreuses entreprises. La conséquence, c'est l'effondrement d'une partie du tissu productif tourné vers le marché intérieur et la mise en orbite de pans entiers du système productif de la périphérie dans le système de sous-traitance des donneurs d'ordre, Allemagne en tête. La zone euro devient un ensemble globalement excédentaire, mercantiliste, avec un marché intérieur déprimé, à l'opposé des promesses du grand marché. Une stratégie qui, dans le contexte de guerre monétaire, entraîne une montée inexorable de l'euro, dont seuls les pays donneurs d'ordre positionnés haut de gamme s'accommodent.

Certes, l'euro a échappé au désastre. Mais en sauvant la monnaie unique, on a sacrifié l'Union. Le sauvetage monétaire est devenu une fin en soi, quitte à inverser toute la problématique qui motivait son avènement. L'économie réelle a été mise au service de l'euro, quand l'euro devait être l'instrument de l'économie réelle. Depuis sa naissance, aucune ambition industrielle commune d'envergure, aucun grand projet transnational, aucun groupe paneuropéen ne sont apparus. L'Europe de l'énergie tire à hue et à dia. A l'heure de la révolution des technologies numériques, les Européens creusent leur retard et s'avèrent incapables d'envisager une riposte commune face aux géants américains et asiatiques.

Face à cette perte de sens, l'absence en France de vrai débat ou, du moins, sa capture caricaturale pas les seuls partis populistes, est un silence dangereux. Le sujet est devenu tabou parmi les élites politiques et économiques, alors que se multiplient les expressions à voix basse d'une très grande inquiétude parmi les dirigeants d'entreprise et les économistes. La crainte d'une catastrophe économique et politique gagne les esprits, en même temps que le risque d'un éclatement de notre cohésion sociale. L'euro pour tous, mais chacun pour soi, tel est le diagnostic. Ce serait une erreur, pire une faute, d'en faire un débat interdit.

Laurent Faibis et Olivier Passet sont président et directeur des synthèses économiques de Xerfi.

Fait référence à l'article ci-dessus le suivant, de Jacques Sapir.
http://russeurope.hypotheses.org/1862

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Madame Merkel et ses “contrats”
Madame Merkel et ses “contrats”
25 décembre 2013
Par Jacques Sapir   

Il est caractéristique, et à vrai dire symptomatique, que Madame Merkel, Chancelière désormais à la tête d’un gouvernement dit « de grande coalition » en Allemagne, ait pu déclarer le 19 décembre dernier sans provoquer d’émoi particulier dans la presse au sujet de l’Euro que : «Tôt ou tard, la monnaie explosera, sans la cohésion nécessaire »[1]. Au premier abord, cette déclaration est parfaitement juste. Sans « cohésion », c’est-à-dire sans l’existence d’un système de transferts financiers extrêmement importants, l’Euro n’est pas viable. On le sait, et le calcul de ce qu’il faudrait consacrer pour que fonctionne ce système fédéral a été fait par plusieurs auteurs. Pour ma part, j’ai estimé entre 8% et 10% de son PIB le montant que l’Allemagne devrait fournir[2]. Il est parfaitement clair qu’elle ne peut le faire sans détruire son « modèle » économique et, de ce point de vue, exiger de l’Allemagne un « solidarité » avec les pays de l’Europe du sud pour des montants de 220 à 232 milliards d’euros par an (aux prix de 2010) équivaut lui demander de se suicider[3].

Mais, c’est la suite de cette déclaration qui est plus particulièrement intéressante. Madame Merkel, parfaitement consciente de ce que les pays de la zone Euro renâclent devant de nouveaux abandons de souveraineté, proposent alors des « contrats » entre ces derniers et l’Allemagne. Dans les faits, cela aboutirait à construire, à côté des institutions européennes un autre système institutionnel ou, le contrat valant loi pour les Allemands, les différents pays seraient liés à l’Allemagne de manière contraignante. On voit bien l’intérêt d’une telle formule. Madame Merkel ne se berce d’aucune illusion sur un quelconque « peuple européen ». Elle sait très bien ce qu’en pense la cour constitutionnelle de Karlsruhe qui, à ce sujet, a été très clair dans son arrêt du 30 juin 2009[4]. Il est important de comprendre que, pour la cour de Karlsruhe, l’UE reste une organisation internationale dont l’ordre est dérivé, car les Etats demeurent les maîtres des traités[5]. De ce point de vue, il est clair que l’Allemagne ne partage pas, et ne partagera pas dans un avenir proche, les fumeuses vues sur un « fédéralisme » européen. Pour les dirigeants allemands, faute de « peuple » européen, ce qui est logique au vue de la conception germanique de ce qu’est un « peuple », il ne peut y avoir d’État supra-national. Par contre, l’Union Européenne et la zone Euro peuvent exercer un pouvoir dérivé. Mais, de ce point de vue, l’Allemagne le peut tout aussi bien. Et c’est là le sens des « contrats » proposés par Madame Merkel à ses partenaires. En échange d’une garantie de souveraineté, car vous aurez « librement » accepté ces « contrats », engagez-vous à respecter certaines règles contraignantes dans une structure de contrats vous liant à l’Allemagne.

La question de l’Union bancaire, saluée récemment à grand son de trompe, confirme cette démarche. À l’automne 2012, les pays du sud de la zone Euro avaient, de concert avec la France, arrachés le principe d’une « Union bancaire » qui devait être à la fois une mécanisme de surveillance et de régulation des banques de la Zone Euro, mais aussi un mécanisme assurant une gestion concertée des crises bancaires. À peine l’encre de cet accord était-elle sèche que l’Allemagne a tout fait pour le vider de toute substance. Et, bien entendu, elle est arrivée à ses fins. L’accord qui a été signé dans la nuit du 18 au 19 décembre 2013, et qui a été salué par certains comme « un pas décisif pour l’Euro »[6], n’a strictement rien réglé[7]. Le mécanisme de supervision ne concerne que 128 banques sur les 6000 que l’on compte dans la zone Euro. Quand au fond de résolution des crises, il n’atteindra son montant de 60 milliards, somme par ailleurs ridiculement faible, qu’en…2026 !

Que conclure de tout cela ?

Tout d’abord, il est vain de continuer à mettre un quelconque espoir dans une Europe « réellement » fédérale, et il est profondément trompeur de continuer à présenter cette possibilité comme une alternative à l’UE telle qu’elle fonctionne aujourd’hui. Ce discours est profondément mensonger, et il ne peut que contribuer à nous enfoncer aujourd’hui un peu plus dans le malheur. Il n’y aura pas d’Europe fédérale parce qu’en réalité personne ne la veut réellement et personne n’est disposé à la faire. Opposer ainsi une « perspective fédérale », qui est parfaitement hypothétique et dont pour tout dire la probabilité de réalisation est moindre que celle d’un débarquement des martiens, à la situation actuelle n’a plus aucun sens, si ce n’est de tromper le chaland et de lui faire prendre des vessies pour des lanternes ! Le rêve fédéraliste s’est révélé être un cauchemar. Il convient donc de se réveiller.

Deuxièmement, l’Allemagne est parfaitement consciente de ce qu’une forme de fédéralisme est nécessaire à la survie de l’Euro, mais elle ne veut pas – et l’on peut parfaitement le comprendre – en payer le prix. Donc, ce qu’elle propose en fait à ses partenaires ce sont des « contrats » qui les conduiront à supporter la totalité des coûts d’ajustements nécessaires à la survie de l’Euro alors que, elle-même, sera la seule à tirer profit de la monnaie unique. Mais, ces « contrats » plongeront alors l’Europe du Sud et la France dans une récession historique, dont ces pays sortiront industriellement et socialement laminés. Accepter ces contrats sera la mort rapide de la France et des pays de l’Europe du Sud. Laurent Faibis et Olivier Passet viennent de publier une tribune dans Les Échos qu’il convient de lire avec attention[8]. Ils expliquent pourquoi l’Euro ne peut profiter qu’à un pays, qui s’est installé au sommet de la chaîne industrielle, et pourquoi au lieu de mettre l’Euro au service de l’économie, c’est l’économie qui est sacrifiée au profit de l’Euro. Une telle situation serait pérennisée si nous devions, par malheur, avoir un gouvernement qui accepte de passer sous les fourches caudines des « contrats » de Madame Merkel.

Troisièmement, il faut entendre le non-dit, l’implicite, dans la déclaration de Madame Merkel. Puisqu’une Europe fédérale n’est pas possible et n’est en réalité même pas concevable d’un point de vue allemand, et si une mise en « cohérence » qui ne signifie rien d’autre que d’accepter la totalité des conditions allemandes ne se fait pas, alors l’Allemagne est prête à faire son deuil de l’Euro. Madame Merkel voudrait faire de cette alternative une menace pour nous forcer à accepter l’idée de ses « contrats ». Au contraire, nous devons la prendre au mot et lui proposer au plus vite la dissolution de la zone Euro. Mais, pour cela, il faudra un autre gouvernement, et un autre Premier Ministre, que celui que nous avons.

Les déclarations de Madame Merkel sont en un sens inouïes. Pour la première fois peut-être, depuis 1945, un dirigeant allemand expose aussi crûment le projet de domination de l’Europe par l’Allemagne. Mais, ces mêmes déclarations ont cependant l’immense avantage de jeter une lumière crue sur notre situation. Nous devrions nous en souvenir et nous en en inspirer lors des prochaines élections européennes. Non pas pour obéir à Madame Merkel, mais pour la prendre au mot et lui dire que, de son Euro, nous n’en voulons plus !

[1] P. Ricard, Le Monde, 21/12/2013/ URL : http://www.lemonde.fr/acces restreint/europe/article/2013/12/21/6d68659e68686cc594676269619671_4338534_3214.html

[2] J. Sapir, « Le coût du fédéralisme dans la zone Euro », in RussEurope, 10 novembre 2012, http://russeurope.hypotheses.org/453

[3] Patrick Artus, « La solidarité avec les autres pays de la zone euro est-elle incompatible avec la stratégie fondamentale de l’Allemagne : rester compétitive au niveau mondial ? La réponse est oui », NATIXIS, Flash-Économie, n°508, 17 juillet 2012.

[4] http://etoile.touteleurope.eu/index.php/post/2009/07/02/Karlsruhe-%3A-le-peuple-europeen-nexiste-pas

[5] M-L Basilien-Gainche, L’ALLEMAGNE ET L’EUROPE. REMARQUES SUR LA DECISION DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE FEDERALE RELATIVE AU  TRAITE DE LISBONNE, CERI-CNRS, novembre 2009, http://www.sciencespo.fr/ceri/sites/sciencespo.fr.ceri/files/art_mbg.pdf

[6] Voir le ridicule et trompeur éditorial « Union bancaire : un bon accord qui corrige les failles de la zone euro » in Le Monde, du 19 décembre 2013. URL : http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/12/19/un-bon-accord-qui-corrige-les-failles-de-la-zone-euro_4337259_3232.html

[7] D. Plihon, « Union bancaire: une réforme en trompe l’œil » , La Tribune, 23 décembre 2013, http://www.latribune.fr/opinions/tribunes/20131223trib000802542/union-bancaire-une-reforme-en-trompe-l-oeil.html

[8] L. Faibis et O. Passet, « L’euro pour tous et chacun pour soi : le nouveau débat interdit »,  Les Échos, 23 décembre 2013, http://m.lesechos.fr/idees-et-debats/le-point-de-vue-de/l-euro-pour-tous-et-chacun-pour-soi-le-nouveau-debat-interdit-0203193619902.htm