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Auteur Sujet: Neuf thèses sur la guerre dans laquelle nous sommes engagés  (Lu 914 fois)

JacquesL

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Neuf thèses sur la guerre dans laquelle nous sommes engagés
http://lesakerfrancophone.fr/neuf-theses-sur-la-guerre-dans-laquelle-nous-sommes-engages

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Neuf thèses sur la guerre dans laquelle nous sommes engagés
Rostislav Ichtchenko

Par Rostislav Ichtchenko – Le 2 mai 2016 – Source thesaker.is

Les 27 et 28 avril, le ministère russe de la Défense a tenu une conférence internationale sur la sécurité. Je participe à un groupe débattant des révolutions de couleur.

Le temps accordé aux intervenants (5 minutes) et aux participants au débat (1 minute) était trop bref pour présenter la totalité du concept des révolutions de couleur dans la politique moderne et leur impact sur la sécurité générale et militaire de l’État touché. Par conséquent, je présenterai mes vues sur la question sous forme de points. Je serai succinct, parce qu’on peut écrire une étude en plusieurs volumes sur les révolutions de couleur et la guerre hybride en général, et même alors le sujet pourrait ne pas être traité complètement.

Thèse 1. Le fait même que les militaires étaient intéressés par ce sujet (en fait des représentants de plusieurs douzaines de ministères de la Défense de divers pays ont participé à la discussion) montre que les révolutions de couleur sont considérées par les États modernes non pas comme une menace intérieure (où la police et les services spéciaux seraient intéressés), mais comme une menace extérieure. Elle a les caractéristiques d’une agression militaire, donc la contre-attaque relève de l’armée.

Thèse 2. Les coups d’État colorés, qui sont un élément de la guerre hybride moderne, ne sont pas apparus seulement parce qu’un conflit direct entre deux puissances nucléaires est devenu impossible en raison de leur destruction mutuelle certaine. Différents scénarios d’une guerre nucléaire limitée ou d’un conflit armé entre les superpuissances n’utilisant que des armes non nucléaires ont été et sont examinés. Toutefois, si des pays détiennent des armes nucléaires, un conflit militaire où celles-ci seraient utilisées est possible, et les états-majors généraux doivent avoir des plans pour cette éventualité.

Les coups d’État colorés étaient une réponse à cette impasse politique qui a surgi comme résultat de la formation, à la fois dans les pays civilisés et au niveau du droit international, de l’idée selon laquelle la guerre n’est pas un outil admissible pour résoudre des problèmes politiques. Ainsi, les coûts politiques et moraux pour un État qui ouvre les hostilités, même si un énorme avantage en termes de forces permet une victoire rapide avec des pertes minimes, sont devenus plus élevés que les avantages matériels et politiques du contrôle sur le territoire ennemi. Un blitzkrieg, et encore plus une campagne militaire prolongée, sont devenus non rentables.

Thèse 3. Un coup d’État de couleur n’est pas perpétré lorsque la situation est mûre pour un changement de régime (situation révolutionnaire classique), mais lorsqu’une force extérieure est intéressée à prendre le contrôle sur l’État victime.

Un coup d’État coloré est impossible sans ingérence extérieure. Lorsque le mécanisme du coup d’État est lancé dans un pays, cela signifie que celui-ci est attaqué par un agresseur.

L’identification de cet agresseur est généralement aisée. Prouver ses intentions agressives, si évidentes soient-elles, est toutefois habituellement impossible sur la base du droit international. L’agresseur expliquera toujours son ingérence dans les affaires intérieures de l’État victime en recourant à des excuses humanitaires et à la protection des droits humains.

Je vous rappellerai que selon les accords de Helsinki (qui sont maintenant les règles de l’OSCE et de l’ONU), la défense des droits humains ne peut être exclusivement l’affaire intérieure d’un État.

Thèse 4. Pourtant un agresseur a besoin de légitimer ses actions aux yeux de la communauté internationale. Par conséquent, en règle générale, il tente d’obtenir un mandat de l’ONU ou de l’OSCE pour intervenir ou, au moins, pour former une coalition internationale formelle de plusieurs douzaines de pays dans le but de masquer son agression, la décrivant comme visant à contraindre un régime dictatorial à respecter les normes internationales.

Thèse 5. Cela limite le genre de pays en mesure d’utiliser le mécanisme des coups d’État de couleur. Le pays agresseur doit non seulement disposer d’une immense supériorité militaire sur le pays victime (c’est souhaitable, mais pas absolument nécessaire). Il doit avoir un poids politique et diplomatique suffisant pour assurer une couverture légale à son ingérence.

Thèse 6. Comme n’importe quelle guerre ou opération militaire, le coup d’État de couleur est soigneusement planifié et préparé. En général, plusieurs plans sont élaborés, qui dépendent du degré de résistance du pays victime.

Le scénario idéal comprend la capitulation ou la trahison des élites nationales. C’est l’option la moins chère. Dans ce cas, toutes les ressources du pays victime, y compris le système politique et la structure administrative, peuvent être immédiatement utilisés par l’agresseur pour ses fins politiques.

Lorsque les élites nationales ne capitulent pas, la méthode des manifestations de rue pacifiques est utilisée. L’élite qui résiste est contrainte, sous la pression des manifestations de rue, de remettre son pouvoir à ses collègues les plus souples. Il lui est, en substance, donné à choisir entre la capitulation volontaire et une tentative de réprimer les manifestations, au risque de provoquer des victimes accidentelles, ce qui fournit le prétexte de décréter le régime répressif et dictatorial, de l’accuser de brutalités policières et de déclarer qu’il a perdu toute légitimité.

Si ce genre de pression pacifique ne fonctionne pas, au cours des semaines ou des mois qui suivent (cela dépend de la situation et de la résilience du régime du pays victime), on passe à l’insurrection armée. Dans ce cas, le régime est forcé de choisir entre la capitulation et les inévitables victimes d’une confrontation armée, qui se compteraient en douzaines ou même en centaines.

Parallèlement à l’incitation aux manifestations pacifiques ou au soulèvement armé, le pays agresseur organise l’isolement politique et diplomatique du pays victime.

Si le soulèvement armé dans la capitale ne se produit pas ou ne débouche pas sur un changement de régime, le scénario suivant est la guerre civile. Dans ce cas, le pays agresseur déclare que le pouvoir est illégitime, il reconnaît l’opposition et lui fournit un soutien politique, diplomatique, financier puis militaire.

Enfin, si les résultats de la guerre civile débouchent sur une impasse, ou si l’opposition est en train de perdre, une agression directe (sous un prétexte humanitaire) est possible. La version plus douce est la mise en œuvre de zones d’exclusion aériennes et la fourniture massive d’armes, y compris des armes lourdes, aux rebelles. La version plus sévère implique l’invasion directe par des troupes étrangères, en règle générale déguisées en volontaires, ou par des forces spéciales.

Thèse 7. Comme on le voit, en dépit du caractère ostensiblement pacifique ou informationnel du coup d’État de couleur, son succès est garanti par la présence, derrière les diplomates et les journalistes, d’une force armée qui peut supprimer, si nécessaire, la résistance de l’élite nationale, même si celle-ci décide de se battre jusqu’au bout.

Cette variante a été utilisée en Irak, en Serbie et en Libye. Jusqu’à présent, elle n’a échoué qu’en Syrie. Mais en Syrie, il y avait une nouvelle composante importante. Les ressources, y compris militaires, d’une autre superpuissance étaient engagées dans le soutien au gouvernement légitime. La situation a changé, passant d’un coup d’État de couleur à une confrontation directe des deux superpuissances, comme dans les guerres de Corée et du Vietnam.

Ainsi, une condition nécessaire pour tout scénario de coup d’État de couleur était éliminée : la supériorité absolue, politique, diplomatique, économique, financière et militaire du pays agresseur sur le pays victime.

Cela nous amène à la thèse 8. Un coup d’État de couleur ne peut être stoppé ni par la consolidation de l’élite nationale (il ne ferait que progresser vers le scénario suivant), ni par la préparation de son armée à combattre (elle finira par s’épuiser), ni par un travail efficace de la presse nationale (elle sera submergée par les capacités technologiques de l’agresseur).

La préparation du pays victime à résister est une condition nécessaire mais non suffisante pour bloquer les mécanismes du coup d’État de couleur.

Seul le soutien des autorités légitimes du pays victime par une autre superpuissance en mesure d’affronter le pays agresseur avec une force égale, de toutes les manières et par tous les moyens, peut stopper une agression colorée.

Enfin, la thèse 9 et la conclusion. Les coups d’État de couleur d’aujourd’hui sont des opérations locales au sein de la confrontation mondiale des superpuissances. Tout comme les guerres de Corée, du Vietnam et d’autres encore, dans les années 1950 à 1990, n’étaient souvent que des guerres par procuration entre l’URSS et les États-Unis sur le territoire de quelqu’un d’autre, les coups d’État de couleur modernes, qui sont l’une des formes de la guerre hybride, sont aussi des éléments de la confrontation entre la Russie et les États-Unis.

C’est la guerre. Une nouvelle sorte de guerre. Pas la guerre comme continuation de la politique par d’autres moyens (pour reprendre l’expression de Clausewitz), mais la technologie colorée comme extension de la guerre par d’autres moyens.

Nous nous sommes engagés dans cette guerre avant de réaliser que nous étions en guerre. Comme cela arrive souvent avec la Russie, nous avons commencé par les défaites des années 1990, ensuite nous avons repris nos esprits, appris à combattre et nous avons combattu avec succès ces deux dernières années.

Article original paru sur e-news.su

Traduit du russe en anglais par Seva.

Traduit de l’anglais par Diane, vérifié par Wayan, relu par Diane pour le Saker francophone