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Auteur Sujet: L’électorat d’Emmanuel Macron nous rejoue la Bataille des Arginuses  (Lu 1307 fois)

JacquesL

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L’électorat d’Emmanuel Macron nous rejoue la Bataille des Arginuses
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/l-electorat-d-emmanuel-macron-nous-193849
L'auteur : http://www.agoravox.fr/auteur/le-crooner-du-concept

Citer
La démocratie occidentale est habitée d'une pulsion suicidaire et antipatriotique : on le sait depuis ses origines, dans l'Antiquité grecque.


Nous sommes en 406 av. J.-C. La Guerre du Péloponnèse (431-404 av. J.-C.) s’éternise, ou plutôt elle touche à sa fin. C’est un conflit fratricide entre Grecs, qui oppose la thalassocratie de l’époque, Athènes, une superpuissance d’ores et déjà très affaiblie par l’enlisement dans un affrontement interminable, et une puissance de moindre importance, sévère et rustique, une ville du sud et de l’intérieur des terres : Sparte.

C’est aussi l’affrontement de deux modèles culturels bien différents :

La démocratie d’un côté, où, quelques années auparavant, l’argent des comptoirs commerciaux des côtes médiques coulait à flot, où Périclès embellissait les rues, où les esclaves (affranchis) étaient parfois riches, où les libertés en matière de comportements frisaient souvent l’anarchie, où des élections assez comparables aux nôtres rythmaient la vie politique dans une ambiance de démagogie omniprésente (laquelle fut très souvent fustigée par un contemporain de l’époque : le philosophe Socrate) ;

et, de l’autre côté, une tellurocratie rustique, sévère, austère, pas très belle, totalitaire et militariste, aux mœurs parfois cruelles.

Athènes contre Sparte, c’était un peu la démocratie contre l’autoritarisme, les espaces fluides contre les espaces durs, la marine contre l’armée de terre, la société ouverte contre le patriotisme intransigeant, la bougeotte constructiviste contre l’immobilisme ancestral, la réforme permanente contre le culte des morts.

Notons que la véritable origine du conflit réside surtout, selon Thucydide, dans les visées impérialistes du stratège athénien Périclès (mort au début de la guerre, en 429 av. J.-C.). Contrairement à ce que croient nombre de bien-pensants, ce sont souvent les « démocraties » qui attaquent ou menacent les « dictatures », un peu comme lorsque la puissance étasunienne, il y a peu, prétendait imposer les droits de l’homme à coup de bombes en Irak.

Sans compter qu’Athènes et Sparte étaient alliées autrefois contre les Perses (ou plus exactement contre les Mèdes) et que Sparte n’avait pas peu contribué à la puissance athénienne. La Guerre du Péloponnèse nous apparaît encore aujourd’hui comme un vaste gâchis, peut-être évitable comme toutes les guerres offensives, mais pas évité.



En 406 av. J.-C., la ville-État d’Athènes connaît sans doute l’épisode le plus sordide et le plus grotesque de son histoire, ce genre d’événements très oubliés des professeurs d’aujourd’hui, mais d’une importance historique et philosophique capitale, si dérisoire et si tragique à la fois qu’on hésite à en rire ou à en pleurer. Il s’agit de la crise des Arginuses, qui suit immédiatement la bataille du même nom.

Cette bataille navale eut lieu près des Îles Arginuses, entre la grosse île de Lesbos et ces côtes orientales, jadis médiques et hellénisées, qui sont aujourd’hui celles de la Turquie. La région appartenait autrefois aux Athéniens, qui la défendirent vaillamment et repoussèrent les bateaux spartiates au prix d’un nombre effrayant de morts des deux côtés.

Théoriquement, et conformément aux lois athéniennes, les généraux victorieux des Arginuses auraient dû prendre le temps de ramasser les cadavres de leurs soldats afin de les ramener aux familles – mais ils en furent empêchés par une tempête. Ce coup de malchance – qui constituait portant un cas de force majeure – eut des conséquences incroyables.



Voici que rentrent nos généraux victorieux, qui s’attendent à être acclamés et récompensés, comme il se doit, de leurs mérites. Malheureusement, Athènes est une démocratie, et les politiciens sont très attentifs aux mouvements de foules, même et surtout lorsque la foule se trompe. Et les familles éplorées commencent à crier qu’il faut exécuter ces généraux qui n’ont pas rapatrié les cadavres.

Les militaires ont beau plaider leur cause, ils ont beau arguer que la tempête allait les engloutir alors qu’il faut conserver des forces et des hommes la guerre n’étant pas terminée, rien n’y fait. Dans ce climat de campagne électorale permanente, les démagogues de tout poil, les politiciens véreux et corrompus « surfent sur la vague » comme on dit aujourd’hui, et il faut très peu de temps pour que les autorités athéniennes décident l’un de ces fabuleux procès démocratiques destinés à satisfaire la masse, où l’on peut voir tout un peuple se suicider au nom du Bien.

Les généraux victorieux sont tous sans exception condamnés à mort pour non-rapatriement de cadavres. Socrate et Xénophon protestent ; en vain. La foule est satisfaite. Conséquence prévisible : la ville d’Athènes, privé de ses meilleurs militaires, perd lamentablement la Guerre du Péloponnèse moins de deux ans plus tard. Athènes est assiégée par les Spartiates.



Athènes ne se remit jamais de ce conflit avec Sparte. Elle connut durant huit mois un régime impitoyable de collaboration avec l’ennemi appelé la Tyrannie des Trente. Puis ce régime fut renversé par un général athénien qui avait eu la bonne idée de s’exiler et se cacher à la campagne durant la crise des Arginuses, le temps de constituer une petite armée. Thrasybule renversa les Trente, rétablit la démocratie et la souveraineté de la ville, mais Athènes n’était plus que l’ombre d’elle-même.

Privée de toutes ses possessions coloniales, elle devint une ville modeste et sans ambition (sauf en ce qui concerne le rayonnement culturel de ses écoles philosophiques), sans revenus importants, sans armée digne de ce nom, et totalement livrée aux politicards, aux démagogues et aux sophistes. Du reste, elle fut avalée quelques décennies plus tard par les Macédoniens, un peuple impérialiste du nord de la Grèce dirigé par Philippe, puis par Alexandre le Grand.

Les dernières années de l’indépendance d’Athènes furent pitoyables : le philosophe et dissident Socrate, qui avait connu le siècle de Périclès, puis la guerre et l’après-guerre, qui s’était battu comme un lion, qui avait même bravé le pouvoir sanguinaire des Trente... se voit récompensé de ses mérites par un procès digne de ceux que la France actuelle intente aux gens qui disent la vérité devant la sinistre XVIIe chambre correctionnelle du TGI de Paris.

Sous les prétextes d’impiété et de corruption de la jeunesse, on reprochait en réalité à l’ancien combattant Socrate d’avoir été un citoyen exemplaire, d’avoir aimé son pays au point d’en critiquer systématiquement les élites stupides ou corrompues, d’avoir dit tout haut ce que d’autres pensaient tout bas... On connaît la suite : il dut boire une coupe de ciguë à l’âge de 70 ans ; son plus brillant disciple, Platon, s’en souvint en nous dépeignant avec une hargne jubilatoire la démocratie comme le pire, ou presque, des régimes (relire le Livre VIII de la République).



Si l’Histoire ne se répète jamais vraiment, elle présente néanmoins de troublantes similitudes. Il y a dans l’électorat Macron un peu de cette masse athénienne prompte à condamner des patriotes, à éliminer de grands lucides. Faire barrage au fascisme (pourtant mort en 1945), c’est le sempiternel sophisme destiné à justifier la soumission pleine et entière à l’open society des Karl Popper et des Georges Soros, le mondialisme en un mot, avec toutes ses conséquences morales et matérielles qu’il est inutile de décrire tant elles sont patentes.

Une société qui condamne ceux qui font leur devoir est entièrement pénétrée par la servitude volontaire, c’est-à-dire, en définitive, par la pulsion de mort. Une société qui choisit comme magistrats ou comme dignitaires des hommes qui font penser aux pâles successeurs de Périclès ou aux piteux accusateurs de Socrate – des hommes dont l’Histoire retient à peine le nom – est une société suicidaire. Une société qui outrage la vertu en permanence et ne présente plus que des exemples d’usurpation (notamment d’usurpation intellectuelle) n’en a plus bien longtemps.

L’électorat Macron pense avoir sauvé la France en suivant les consignes de vote à peine voilées des pseudo-savants et des faux observateurs médiatiques. Grand bien lui fasse à l’électorat Macron : on va voir à l’usage !