Le vrai scientifique est celui qui sait se mettre à la hauteur de chacun (bien que je ne le considère pas au dessus des autres) ou plutôt qui sait mettre son langage à l'accès de chacun, bref un être humain plein d'humilité qui sait partager ses connaissances en restant les pieds sur terre avec le coeur comme expression ; il y en a des grands dans ce domaine qui sage le faire, utiliser les bons termes pour que beaucoup comprennent (Hubert Reeves par exemple).
Je n'avais aucune envie de me taper la corvée, mais là je crains que je vais devoir m'y coller : expliquer à du grand public ce qu'est la science, et la distinguer de ce qu'elle n'est pas.
La tâche est rude : Pat cité plus haut s'imagine que la science c'est les vulgarisateurs qu'il voit à la TV.
Et la distance culturelle n'est pas petite : je n'ai pas vu Hubert Reeves depuis une vingtaine d'années. Je n'ai pas de TV chez moi et je n'en veux pas.
J'emprunte à Richard Feynman cette citation. Il avait expliqué l'irrespect fondateur à un parterre de professeurs de sciences :
"
La science diffère de tous les autres systèmes de transmission des connaissances par une croyance : nous croyons que les experts sont faillibles, que les traditions peuvent véhiculer toutes sortes de fables et d'erreurs, et qu'il faut vérifier, notamment par des expériences".
On sait que la science n'est pas née n'importe où ni n'importe quand. Précisément début 16e siècle, quand les doctes docteurs d'église et les livres de géographie faisant autorité se sont ramassés un échec sanglant : Cristobal Colon avait découvert, par delà la mer Océane des terres qui n'auraient pas dû y être, et ramené des "indiens" qui n'étaient pas dans les livres autorisés. Au Jubilée de la Chrétienté, à Rome en 1500, tout le monde en parlait. Un chanoine craintif s'engoufra dans la brêche : Et si l'Almageste de Ptolémée était faux, lui aussi ? Un ingénieur qui connaissait la mécanique et la résistance des matériaux s'engoufra aussi : Et si Aristote était faux ? On sait que le pape Urbain VIII tint à rappeler à Galileo que c'était lui, le pape, qui était le supérieur hiérarchique de tous les enseignants et savants. Galileo fut condamné en 1633.
Condamné à vivre en isolation campagnarde, interdit de travailler et communiquer, Galileo continua à travailler, à communiquer, à recevoir des visiteurs : la protection des princes y a pourvu.
Pas n'importe quand : en cette Renaissance où les armée permanentes devinrent la plaie permanente des peuples, les princes de la Renaissance toujours en armes et souvent en guerre, y compris contre les armées de Cesar Borgia, avaient besoin des ingénieurs et scientifiques de la Renaissance, pour leurs armes, leurs instruments d'optique (la longue-vue), leurs machines de siège, la construction de navires plus grands et plus rapides, etc.
Et dès Alexandre de Macédoine, les princes guerriers ont apprécié les ingénieurs pour construire des machines de siège.
Pas n'importe où : en Occident chrétien, là où il était admis que tout a des lois, même l'Univers astronomique (héritage du droit romain). Alors qu'en Chine, technologiquement fort en avance à cette époque sur la chrétienté, pas de lois, rien que le caprice de l'Empereur, sinon c'était la décapitation.
Donc voilà, dès les origines, est posé le lien entre la science et les princes : De tous temps, le pouvoir politique (papal ou calviniste inclusivement) a préféré tenir les enseignants et les savants pour des laquais en livrée à son service. De tous temps, les savants ont eu à ruser et manoeuvrer pour se rétablir de l'autonomie. Il n'est pas rare, notamment en sciences humaines pouvant servir à la manipulation judiciaire et aux manipulations politiques, que l'acte de fondation soit un acte de corruption, dont ensuite il faut des siècles pour se dépatouiller.
Actuellement, le plus gros des scientifiques est payé par l'argent public, par les impôts prélevés par les états, et une forte minorité est payée par les industries. Par exemple la majeure partie des rédacteurs du DSM dans ses versions successives, est payée par l'industrie pharmaceutique, qui sait les diriger pour son profit. Il arrive, je sais un cas dans l'industrie des hauts polymères, qu'un groupe industriel cache aux scientifiques académiques, donc à ses concurrents, qu'ils s'enferrent dans une fausse piste, qui stérilise une bonne partie de leurs efforts.
Pour ceux qui sont payés par l'argent des impôts, le contrat social entre eux et les contribuables, est qu'ils fournissent des informations exactes et vérifiées, des méthodes vérifiées...
Le contrat social du scientifique inclut le mandat de se piloter en exactitude : le système de production des connaissances, il est présumé le piloter en exactitude et non en traditions, ni en stratégies de pouvoir, ni en narcissisme, ni en corruption.
Quant à ce que ça se passe rigoureusement comme ça, voire !
Ça ne marche pas sans un contrôle qualité externe et incorruptible. Or justement toute clique, tout clergé vise à disqualifier, si possible zigouiller, tout contrôle qualité externe, et d'autant plus âprement qu'ils ont de l'inavouable à cacher. C'est que l'argent public ou l'argent des mécènes est rare, dur à trouver, dur à répartir entre plein de scientifiques concurrents, voire nécessiteux, les postes rares, et c'est une lutte au couteau.
Bickering and backstabbing...
A suivre.