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Auteur Sujet: Le pastiche de Sokal est lisible en ligne !  (Lu 2652 fois)

JacquesL

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Le pastiche de Sokal est lisible en ligne !
« le: 20 août 2007, 06:36:45 pm »
"Transgressing the Boundaries: Towards a Transformative Hermeneutics of Quantum Gravity". Bien que couvert par le copyright, le pastiche de Sokal est en ligne. Délectez-vous :
http://www.physics.nyu.edu/faculty/sokal/transgress_v2/transgress_v2_singlefile.html
Prenez-en vite une copie sur votre disque pendant que c'est possible !
Imprimer ? Heu, ça fait 82 pages...
http://www.physics.nyu.edu/faculty/sokal/lingua_franca_v4/lingua_franca_v4.html
http://www.physics.nyu.edu/faculty/sokal/afterword_v1a/afterword_v1a_singlefile.html

Quelques débats à http://www.union-rationaliste.org/Affaire_Sokal.html
http://www.union-rationaliste.org/AS-Apres.html

Enjoy !

JacquesL

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Qu’est-ce que le matérialisme scientifique ?
« Réponse #1 le: 20 août 2007, 07:10:51 pm »
http://dogma.free.fr/txt/JB-MatSc.htm

Qu’est-ce que le matérialisme scientifique ?

Jean Bricmont

Citer
  En général, les dogmes matérialistes n’ont pas été édifiés par des gens qui aimaient les dogmes, mais par des gens qui pensaient que rien de moins net ne leur permettrait de combattre les dogmes qu’ils n’aimaient pas. Ils étaient dans la situation de gens qui lèvent des armées pour défendre la paix (1).

    Bertrand Russell

1. Le matérialisme : oui, mais lequel ?

Lorsque La Raison a rendu compte de notre livre en disant que Sokal et Bricmont défendaient le matérialisme scientifique (2), j’étais à la fois surpris, content et perplexe. Surpris parce que nous n’utilisons pas ce terme ; content parce qu’il était, sous la plume de l’auteur du compte-rendu, clairement approbatif ; et perplexe parce que je ne crois pas que tout le monde désigne la même chose par l’expression " matérialisme scientifique " . Mon but ici sera d’essayer d’expliquer les différents sens qu’on peut attribuer à cette expression et lequel me semble devoir être défendu (tout en reconnaissant que ce problème est fort compliqué et que je ne prétends pas avoir la seule solution satisfaisante). Tout d’abord le mot " matérialisme ", sans l’adjectif " scientifique ", a été utilisé dans des sens divers au cours de l’histoire : matérialisme antique, matérialisme des Lumières, ou matérialisme historique et dialectique que les marxistes ont opposé à ce qu’ils ont appelé le matérialisme " mécaniste ". Pour y voir plus clair, commençons par ce qu’être " matérialiste " peut signifier pour le sens commun (au-delà de l’image du jouisseur cupide) : quelqu’un qui ne croit ni aux dieux, ni aux diables, ni à la vie après la mort, ni aux sorcières, astrologues et autres charlatans. Mais cette définition, purement négative, ne satisfera pas un esprit un tant soit peu philosophique : Diderot, Engels, Freud, Russell, Monod et Sartre étaient tous " matérialistes " dans ce sens-là (3) et clairement pas mal de choses les séparent.

2. Un dogme anti-dogmatique ?


Pour aller plus loin, observons d’abord que le matérialisme moderne s’est développé en grande partie en réaction aux dogmes religieux. En particulier à deux idées que la religion a propagées : 1. L’homme est au centre de l’univers, le sommet de la création (4). 2. Il existe des mystères inaccessibles à la raison humaine ; celle-ci doit s’effacer devant la foi ou devant la parole du clergé. Il n’échappera à personne qu’il y a comme une tension entre ces deux idées : si Dieu a fait une telle place à l’homme, pourquoi n’a-t-il pas rendu sa raison un peu plus puissante ? Nouveau mystère. Malheureusement, la réaction scientifique-matérialiste prend souvent le contre-pied des deux thèses à la fois : 1’. Loin d’être le centre de l’univers, l’homme est, métaphoriquement parlant, un peu de moisissure perdue sur une planète quelque part dans l’univers (Galilée), et que la pression de la sélection naturelle a muni d’un cerveau (Darwin). 2’. Il n’y a pas de mystères pour la raison humaine. De nouveau, il y a une tension entre ces deux thèses : si l’homme est un être naturel, pourquoi sa raison, produite par un organe particulier, le cerveau, n’est-elle pas limitée dans ses capacités comme le sont ses autres organes ainsi que les cerveaux des autres animaux ? Et pourquoi n’appellerait-on pas mystères les problèmes que la raison est incapable de résoudre ? On rencontre parfois des matérialistes qui ont de curieuses angoisses : ils n’aiment pas le Big Bang parce que cela ressemble trop au récit de la Genèse. Parfois, ils ont du mal à accepter l’indéterminisme quantique. D’autres veulent nier la spécificité de la conscience parce qu’ils craignent que celle-ci ne soit pas " réductible " à de la matière. D’autres enfin redoutent que, si quelque aspect de notre nature ne s’explique pas par la sélection naturelle, alors on risque de devoir invoquer l’action d’une divinité(5). Mais tous ces problèmes, à supposer qu’ils soient réels, peuvent simplement refléter les limites de notre capacité à comprendre le monde. La peur d’admettre qu’il existe des limites à la raison est facile à comprendre ; très souvent le discours religieux procède de la façon suivante : on part de problèmes qui ne sont pas résolus par la science, mettons l’origine de la conscience ou les fondements de la mécanique quantique et on en " déduit " qu’il y a du transcendant(6). C’est ce que les anglo-saxons appellent le " dieu des trous ". Il y des trous dans nos connaissances, donc il y a du divin. Mais c’est justement ce saut qu’il faut refuser, plutôt que de tenter de nier notre ignorance. La démarche religieuse revient à réifier l’ignorance. Une fois que cette démarche est mise au clair, son illogisme est flagrant. Les chiens, pour prendre un autre animal que l’homme, ne comprennent pas les lois de la mécanique céleste. Mais ça ne prouve nullement qu’il y a une transcendance. Le discours religieux ne doit pas s’appuyer seulement sur les " limites de la science ", mais sur des arguments qui le justifient. Et cela, il ne le fait pas. Bien entendu, il ne faut pas se résigner devant les " mystères ", et il faut chercher à aller aussi loin que possible dans l’explication scientifique ; mais il faut surtout éviter différentes dérives dogmatiques qui consistent à affirmer plus que ce que l’on sait réellement. Il faut combiner l’optimisme de la volonté, magnifiquement exprimé par Sénèque(7) :  " Le jour viendra que, par une étude suivie de plusieurs siècles, les choses cachées paraîtront avec évidence, et la postérité s’étonnera que des vérités si claires nous aient échappé " ; et le pessimisme de la raison qui, depuis Darwin, nous rappelle que nous ne sommes que des parvenus de l’évolution et qui nous murmure : " oui, mais peut-être, ce jour ne viendra-t-il jamais ".

3. Le matérialisme : une métaphysique ?

Avant de tenter de préciser ce que j’entends par " matérialisme scientifique ", il me faut discuter brièvement ce qu’on pourrait appeler le " matérialisme métaphysique " ou " ontologique ", qui se résume souvent par la formule : " seule existe la matière en mouvement". Cette idée soulève immédiatement la question : qu’est-ce que la " matière " ? Est-ce que les nombres, l’information, les sensations, le concept de cheval, le neutrino ou la fonction d’onde (en physique quantique) font partie de la matière ? Si on répond " oui ", le concept tend à se dissoudre dans une tautologie (8). Si on répond " non , mais on peut les réduire ou ramener à de la matière ", il faut expliquer comment on procède et quel concept de matière (et de réduction) on met en jeu. Prenons par exemple une thèse typiquement matérialiste, à savoir que les états mentaux (les sensations etc.) sont réductibles à des états physiques (du cerveau). D’une part, il semble évident qu’une description physique du cerveau, en termes de neurones ou de connexions entre ceux-ci, aussi détaillée soit-elle, ne nous dit pas ce qu’est la douleur ou les autres sensations et qu’on ne les connaît qu’en les ressentant, de l’intérieur d’une certaine façon. D’autre part, il n’est pas douteux qu’il existe une corrélation entre états mentaux et états physiques. Si l’on veut, on peut décrire cette situation en disant que le mental se réduit au physique, mais il faut se rendre compte qu’en disant cela, on ne fait que définir implicitement ce qu’on entend par " réduction ". Un certain matérialisme peut malheureusement être un obstacle au progrès scientifique lorsqu’il reste une pure philosophie, c’est-à-dire une approche a priori, spéculative et non empirique de la réalité. En effet, il existe un concept de matière qui est en général celui auquel on pense intuitivement, et qui pourrait être appelé un " automate cartésien " : des boules de billards qui s’entrechoquent ou un système de boutons et de leviers. C’est-à-dire un mécanisme, une machine, telle que nous pouvons l’imaginer de façon claire et intuitive. Mais, en fait, la physique s’est développée en s’éloignant de ce modèle " mécaniste " de la réalité et il est futile d’essayer de tout faire rentrer dans ce cadre (par exemple, la physique quantique) (9). Bien sûr, les explications scientifiques se font, si on veut, en terme de " matière", mais il n’existe pas de concept précis de matière, donné une fois pour toutes, auquel les explications scientifiques doivent se plier. La matière, au sens scientifique du terme, peut inclure des actions à distance (chez Newton), des ondes électromagnétiques qui se " propagent dans le vide " ou des particules sans masse. La nature n’a nullement l’obligation d’être aimable à notre égard et, en particulier, de se laisser comprendre par ce petit animal qu’est l’homme en des termes qui lui sont accessibles intuitivement (10). Il est vrai qu’on n’introduit pas de concepts tels que Dieu ou l’âme dans les théories scientifiques, mais ce n’est pas tant parce qu’ils sont " immatériels " que parce qu’ils sont trop mal définis pour qu’on sache même de quoi on parle(11).

4. En fin de compte : qu’est-ce que le matérialisme scientifique ?

C’est ici qu’on se rend compte que la critique est aisée mais l’art difficile. Probablement que le mieux qu’on puisse faire, c’est de dire que ce que nous comprenons bien, nous le comprenons par des méthodes qui ne sont pas très différentes des méthodes scientifiques. Bien sûr, la " méthode scientifique ", pas plus que la matière, n’est définissable a priori. Notre compréhension de cette méthode évolue aussi au cours de l’histoire. Néanmoins, depuis trois siècles, on a appris à distinguer entre l’approche scientifique et d’autres approches, telles que l’introspection, l’intuition, la révélation, l’argument d’autorité ou l’étude de textes sacrés(12). Le matérialisme scientifique se réduit sans doute à cela : comprendre et défendre l’approche scientifique de la réalité à tous les niveaux, qu’il s’agisse des étoiles, des animaux ou des hommes et de leur sociétés. Peut-être faudrait-il parler de " monisme méthodologique ". Sur ce dernier point, il faut souligner que certains secteurs des sciences humaines sont dominés par l’idée que l’homme est à ce point différent du reste de la nature que seules des méthodes radicalement non scientifiques peuvent permettre de le comprendre(13). On peut d’ailleurs remarquer que la plupart des attaques relativistes et postmodernes cherchent principalement à mettre en doute ou à minimiser la spécificité de la démarche scientifique. Il est vrai que différentes tentatives de codifier cette démarche (positivisme logique) ou de trouver un critère précis de démarcation entre science et pseudo-science (Popper) ont plus ou moins échoué ; mais le fait qu’on ne trouve pas de critères nets ne signifie pas qu’il n’y a pas de critères du tout. Dans la vie, la plupart des choses intéressantes ont quelque chose de flou. Ces idées ont été bien exprimées par Bertrand Russell, un des penseurs les plus lucides de ce siècle (et qui est singulièrement méconnu en France) ; parlant des philosophes tels que lui, il écrit : " Ils admettent volontiers que l’intellect humain est incapable de trouver des réponses définitives à de nombreuses questions fort importantes pour l’humanité, mais ils refusent de croire qu’il existe une " plus haute " façon de connaître, grâce à laquelle nous pouvons découvrir des vérités cachées à la science et à l’intellect " (14).  

 

NOTES

1) The Basic Writings of Bertrand Russell, p. 241 (Routledge, Londres,1992).

2) Impostures Intellectuelles ; première édition : Odile Jacob (1997) ; deuxième édition revue : Le Livre de Poche (1999) ; voir La Raison, Décembre 1997, p. 17-19.

3) Ainsi que moi-même, évidemment.

4) En fait, le plus remarquable dans la religion n’est sans doute pas tant le discours sur Dieu, mais la place que celle-ci attribue à l’homme.

5) Ce deux derniers réflexes sont très présents chez le philosophe américain Daniel Dennett et, dans une moindre mesure, chez le biologiste anglais Richard Dawkins.

6) L’Université Interdisciplinaire de Paris s’est spécialisée dans ce genre de démarche.

7) Il parlait des comètes.

8) Par exemple, Lénine définissait le matérialisme en attribuant comme seule propriété à la matière d’être une réalité objective ; c’est vrai qu’il voulait combattre le subjectivisme et que, contre cela, l’idée avait une certaine force, mais le pape pense sans doute que Dieu est une réalité objective et Descartes pensait la même chose pour l’âme ; il est néanmoins difficile de les considérer comme matérialistes.

9) Loin de moi l’idée que " la matière disparaît " ou qu’on ne sait plus ce que c’est ; au contraire, on la connaît de mieux en mieux. Simplement, il se fait que, plus l’image qu’on en a est précise, moins elle coïncide avec nos intuitions.

10) Probablement que ce que nous appelons intuition est le résultat d’une adaptation à un environnement nécessairement macroscopique et que, lorsque nous essayons de comprendre ce qui se passe à un niveau plus fondamental, microscopique, cette aspect de notre esprit s’avère inadéquat.

11) Imaginons qu’un physicien découvre une nouvelle particule qu’il appelle, pour plaisanter, dieu ou l’âme. Du coup, ces choses-là " existent ". On dira sans doute que ce n’est pas ce que ces mots-là veulent dire. Mais précisément un des problèmes des doctrines religieuses est que le sens qu’elles donnent à ces mots est loin d’être clair.

12) Soulignons le fait que des textes qui ne sont pas religieux au sens habituel du terme peuvent très bien fonctionner comme textes sacrés.

13) Ce qui est lié à l’extraordinaire résistance offerte par ces mêmes secteurs face à toute approche biologique de l’être humain, du moins lorsqu’il s’agit de la psychologie et de la société, c’est-à-dire de l’étude de l’homme au-dessus du cou.

14) The Basic Writings of Bertrand Russell, p. 306-307 (Routledge, Londres,1992).

« Modifié: 19 février 2012, 08:41:28 pm par JacquesL »

JacquesL

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Impostures intellectuelles
« Réponse #2 le: 20 août 2007, 11:01:00 pm »
Autres très bons débats à l'Union Rationaliste :
http://www.union-rationaliste.org/AS-Impostures.html

Impostures intellectuelles
Jean Bricmont