Bienvenue, Invité. Merci de vous connecter ou de vous inscrire.
Avez-vous perdu votre e-mail d'activation ?

28 mars 2024, 08:58:21 pm

Login with username, password and session length

Shoutbox

Membres
Stats
  • Total des messages: 5084
  • Total des sujets: 2368
  • En ligne aujourd'hui: 15
  • Record de connexion total: 138
  • (14 novembre 2018, 09:31:35 pm)
Membres en ligne
Membres: 0
Invités: 8
Total: 8

Auteur Sujet: Georges Devereux. Psychothérapie d'un indien des plaines.  (Lu 5877 fois)

JacquesL

  • Administrateur
  • Membre Héroïque
  • *****
  • Messages: 4 595
Georges Devereux. Psychothérapie d'un indien des plaines.
Un ouvrage historique, fondateur de l'ethnopsychiatrie.

Impossible à résumer, très détaillé sur ses buts et sa méthodologie.

Citer
Psychothérapie d'un Indien des plaines (New York, 1951), premier livre de l'auteur, est d'abord un grand récit d'aventures. Celles d'un Indien Blackfoot (Pied-Noir) en proie à l'esprit de ses ancêtres et souffrant de troubles psychiques. Il vit dans une réserve, nettement acculturé mais fort mal à l'aise dans cette société américaine si peu faite pour lui et les siens. Le coeur du livre est constituée par la transcription au jour le jour des enregistrements de ce récit, autrement dit par les séances d'analyse qui se seront étendues sur plusieurs mois.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Georges_Devereux :
Citer
Georges Devereux (1908-1985) fut un psychanalyste et anthropologue franco-américain d'origine juive, né en Banat, alors en Autriche-Hongrie, aujourd'hui en Roumanie. Il fut un des parents de l'ethnopsychanalyse.


Biographie
Devereux naquit sous le nom de Gy?rgy Dobó (version hongroise du nom antérieur de ses parents juifs - Deutsch) en 1908 à Lugos = Lugoj en Transylvanie, plus exactement en Banat (dont la plus grande partie fera partie de la Roumanie). Il s'avéra très tôt polyglotte à l'exemple de ses parents. Il parlait le hongrois , l'allemand , le roumain, et le français. Il écrivait aussi des vers et avait un talent musical. Il apprit à très bien jouer du piano et composa même des mélodies.

Après le suicide de son frère plus âgé en 1926, il partit en Allemagne et en France, où il fréquenta des milieux artistiques et littéraires, apprit le métier de libraire, fit la connaissance de Klaus Mann et d'Eugène Ionesco etc. Il tenta d'étudier la physique et la chimie à Paris, sous la direction de Marie Curie et Jean Perrin, mais abandonna après un an et demi. Il continua sa formation à l'école des langues orientales (où il apprit le malais) et à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes, notamment auprès de Marcel Mauss, Paul Rivet et Lucien Levy- Bruhl, pour des études de sociologie et d'anthropologie.

Dans le cadre de ses études d'anthropologie, il se rendit en Indochine française étudier les populations Sedang Moi dont il apprît aussi la langue. Puis il partit aux États-Unis, à l'Université de Berkeley, pour apprendre l'anthropologie avec Alfred Kroeber et Robert Lowie. Dans le cadre de ses études, il ira vivre parmi les Amérindiens Mohave, apprit leurs langue et moeurs. Il fit ensuite son doctorat sur leur mentalité et leur vie sexuelle. Il dira que les Mohave lui ont mieux fait comprendre les idées de Freud.

En 1933, Gy?rgy Dobó renonça à la religion juive et se fit baptiser, prenant le nom de famille français de Devereux - ce nom pouvant toutefois rappeler le mot roumain evreu qui signifie juif (comme l'a fait remarquer Tobie Nathan texte en ligne.

Il suivit une cure psychanalytique auprès de Marc Schlumberger, écourtée après un an. Il entreprit alors une deuxième analyse auprès de Robert Jokl, et fera après cela un stage psychanalytique de quelques années à la clinique Menninger de Topeka, Kansas, où étaient admis aussi des non-médecins. Par la suite, il sera reçu membre de l'American Psychoanalytic Association ce qui lui confèrera la qualité de membre de la Société Psychanalytique de Paris lorsqu'il émigrera à Paris.

En 1963, Claude Lévi-Strauss et Roger Bastide l'aideront à rejoindre l'École pratique des hautes études.

Influences
Devereux fut un pionnier de l'ethnopsychanalyse, démontrant la nécessité de combiner plusieurs approches. Il sera proche de l'école de Chicago ainsi que de l'egopsychology. Il défend l'idée de l'universalité du complexe d'Oedipe. Il pense que l'homme ne se construit pas qu'avec sa culture. Il a une approche transculturelle et développe le courant complémentariste (entre anthropologie et psychanalyse). Il se démarque du courant culturaliste dont il fut très proche (Linton, Margaret Mead) et des approches évolutionnistes, postulant le déterminisme biologique. Selon Laplantine, Devereux est le fondateur de l'ethnopsychiatrie, celle-ci devant être perçue comme une ethnopsychanalyse.

La seconde génération de l'École de Zurich de l'ethnopsychanalyse (Mario Erdheim, Maya Nadig et d'autres) est fortement influencée par Devereux. L'un de ses élèves connus en France est Tobie Nathan qui en se détournant de la psychanalyse a développé ses propres idées.

Méthodologie
Dans De l’angoisse à la méthode (1985), Devereux suggère de reconsidérer la question des rapports entre observateur et observé dans les « sciences du comportement » (sciences humaines, zoologie,…) en s’inspirant du modèle de la cure psychanalytique.

Il y soutient la thèse suivante : le principe méthodologique classique qui commande au chercheur de tout mettre en œuvre pour considérer ce qu’il observe d’un point de vue strictement objectif est non seulement vain, mais surtout contreproductif.

Selon Devereux, l’observateur doit se replacer au cœur du processus et considérer qu’il n’observe jamais que des réactions à ses propres observations, qu’il n’y a pas de données indépendantes de son travail d’observation. Plus précisément, les seules « données » dont dispose le chercheur sont constituées par ses propres réactions – « et c’est cela que je perçois » - aux réactions qu’il suscite. Pour Devereux, l’observateur doit penser sa relation à l’observé de la même manière que le psychanalyste aborde la relation à son patient. L'analyste ne travaille que sur les réactions de transfert dont il fait l’objet et sur ses propres réactions de contre-transfert. Ce sont là les seules données pertinentes. Il doit en être de même, assure Devereux, dans toute démarche d’enquête portant sur des humains (ou des animaux). La « subjectivité » du chercheur, au lieu d’être considérée comme une source d’erreur, doit donc être envisagée comme une ressource, la seule ressource même, dont dispose celui qui entretient le projet de comprendre une activité humaine quelconque. « Par bonheur, ce qu’on appelle les « perturbations » dues à l’existence de l’observateur, lorsqu’elles sont correctement exploitées, sont les pierres angulaires d’une science du comportement authentiquement scientifique et non – comme on le croit couramment – un fâcheux contretemps dont la meilleure façon de se débarrasser est de l’escamoter » (1980, p. 30).

Ouvrages

Devereux est l'auteur de près de 400 textes. Parmi ceux-ci figurent :

    * Psychothérapie d'un indien des plaines: réalités et rêve, [1951], rééd. Fayard, 1998, ISBN 2213600244
    * Ethnopsychiatrie des indiens mohaves, Ed.: Empecheurs Penser en Rond, 1996, ISBN 2908602830
    * De l'angoisse à la méthode dans les sciences du comportement, Paris, Flammarion, 1980 [1967 pour l'édition originale en anglais], 474 p. Ed.: Aubier Montaigne, 1998, ISBN 2700721861
    * Essais d'ethnopsychiatrie générale, Paris, Gallimard, 1970 (réédité en coll. Tel, 1983, ISBN 2070282066
    * Ethnopsychanalyse complémentariste, Paris, Flammarion, 1985 [première édition 1972], 375 p.
    * Femme et Mythe, Paris, 1982, Flammarion, rééd. coll. Champs-poche: 1999, ISBN 2080811800
    * Les rêves dans la tragédie grecque, Paris, Les Belles Lettres, coll. «Vérité des mythes», 2006, 522 p. (ISBN 2251324380) Traduction de Dreams in Greek tragedy : an ethno-psycho-analytical study, Berkeley University Press, 1976.
    * Tragédie et poésie grecques, Ed.: Flammarion, 1992, ISBN 2082106454
    * Cléomène le roi fou: Études d'histoire ethnopsychanalytique, Paris, Aubier, 1998, ISBN 2700721144

http://assoc.pagespro-orange.fr/geza.roheim/html/devereux.htm :
Citer
...

Une vie singulière ... plurielle

Devereux s'est toujours déplacé, de gré ou de force, des "cases" dans lesquelles il aurait pu s'arrêter. En voici quelques exemples.

 Georges Devereux est né en Hongrie, à Lugoj, le 13 septembre 1908 : en réalité Lugoj est aujourd'hui le nom d'une petite ville de Roumanie, au bord de la rivière Timis, au pied des Carpates méridionales, plus précisément sur le coté ouest des Monts Banat. En 1908, Lugoj s'appelait Lugós, appartenait à la Hongrie et cela jusqu'au Traité de Trianon (1920) , sanctionnant la défaite de 1918, par lequel celle-ci devait céder de son territoire à la Roumanie. En 1908, Georges Devereux se nommait György Dobó. Il avait donc une dizaine d'années lorsqu'il changea de pays et de langue. Ce n'est pas cependant cet évènement historique qui modifia son patronyme, il n'eut d'incidence que sur son prénom qui devint Gheorghe.

 György Dobó se fit baptiser et devint George(s) Devereux en 1932 ou 1933 [1]. Cet épisode a suscité beaucoup de commentaires, du pressentiment des horreurs à venir au reniement de la judéité familiale. Je pense qu'il est ici nécessaire d'appliquer justement la méthode complémentariste. Du point de vue socio-historique, il faut savoir que cet effacement n’avait rien d’atypique pour la bourgeoisie juive de la Mittleuropa, entendue ici comme représentation géoculturelle, même si la singularité de chacun y imprimait (ou pas) sa propre marque. Devereux remplace Dobó mais il semble que ce dernier remplaçait déjà un patronyme juif. Georges Bloch résume bien cet état de fait : " ..(avec la "magyarisation" forcée ...des années 1880 -1890 ...) ..  Dans la population juive, surtout en voie d’assimilation, la fréquence des changements de noms est dans la logique de l’assimilation — c’est-à-dire de l’effacement des différences, l’homogénéisation aussi complète que possible. Ainsi un Weiss devenait Fehér, Klein se changeait en Kis, Fränkel était devenu Ferenci (puis Ferenczi)… des noms comme Balint, Radó, Fodor, Varga, Török, Kennedy, etc., remplacent les noms anciens. Il est vraisemblable que le nom " Dobó " soit apparu dans la même période."[2] Je doute que le processus psychologique du reniement puisse sans précaution être appliqué à des phénomènes sociaux. Qu'un ensemble conséquent de personnes modifie ses repères identitaires dans un contexte socio-historique particulier ne constitue pas en soi une forme de reniement à moins de considérer précisément les appartenances socioculturelles comme des réalités en soi. Ce point de vue, aux yeux de l'histoire et plus largement encore du raisonnement scientifique n'est pas recevable. Que de la famille de Devereux ait été juive est certain mais l'alliance d'une dynamique socioculturelle, l'évocation d'un ancêtre protestant ayant fui les persécutions en France et d'une psychologie propre peuvent aussi modifier les sentiments d'appartenance.

Des points de vues psychique et psychologique, il est bien évident que de tels phénomènes puissent entraîner de la douleur, des difficultés d'identifications, des repères instables mais la douleur ne possède pas en soi la preuve d'un reniement quelconque. Que de tout cela, Devereux en est fait un article que tous les commentateurs jugent fondamental, à savoir La renonciation à l'identité ; défense contre l'anéantissement [3], n'est pas plus un "aveu" que ne l'est le mouvement opposé qui a fait qu'un autre hongrois juif , Théodor Herzl, soit devenu le promoteur du sionisme. A ce jour, je ne connais aucun document ou témoignage permettant de penser que Devereux ait voulu précisément renier la judéité familiale. Lorsque Tobie Nathan titre sa préface Devereux, un hébreu anarchiste.[4], soit il dispose d'éléments permettant de l'affirmer, soit il s'agit d'une figure de style suscitée par un élan passionnel.


 Autre exemple ou plutôt condensation de données récurrentes : Devereux fut physicien, ethnologue, psychanalyste, helléniste etc. Oui, mais ...

Physicien. Il commence effectivement des études de sciences à son arrivée en France en 1926 mais il les interrompra un peu moins de deux ans plus tard pour suivre pendant 18 mois une formation de libraire à Leipzig . Personne n'oserait dire aujourd'hui que cela suffit pour devenir physicien, même si Marie Curie et Jean Perrin étaient les responsables de cet enseignement. Il est cependant vraisemblable que cette approche lui a permis de rencontrer et d'aborder " les écrits des épistémologues physiciens comme Jordan, Poincaré, Schrödinger, Bohr .." [FC] . Il est certain que l'influence de ces travaux sera continue, traversera toutes les dimensions de son oeuvre et particulièrement son développement du principe de complémentarité, fondement de son ethnopsychanalyse.

Ethnologue. Après Leipzig et un aller-retour en Roumanie,  Gheorghe Dobó suit des cours de malais à l'école des langues orientales puis les cours de Marcel Mauss et de Lucien Lévy-Bruhl à l'Institut d'ethnologie. La langue malaise sera la première à se rajouter aux quatre langues que le petit Gyuri parlait dès l'enfance. Sa mère, Margareta Deutsch , était germanophone et germanophile, à l'opposé (dans les conditions historiques) de son père Eugen, avocat, socialiste, francophone et francophile. Ses capacités comme étudiant en ethnologie furent rapidement décelées et dès 1933, date de son changement de patronyme, une bourse de la Fondation Rockefeller lui permit de partir en Arizona chez les Indiens hopi, chez les Mohaves au Colorado et surtout pendant 18 mois chez les Sedang dans les hauts plateaux du Centre Viêt Nam. Malgré le respect et l'admiration que j'ai pour Devereux, je ne crois pas que ses travaux ethnologiques sur la culture sedang soient du même niveau que le reste de son oeuvre. A cela, il y a certainement de nombreuses raisons. Parmi elles, je retiendrais sa relative jeunesse, il a alors à peine 25 ans, et ce qu'il exprimera lui-même, un contre-transfert très négatif vis à vis des Sedang. Devereux appelle par exemple Moï ceux qu'il étudie (et ses commentateurs continuent en 2002) or Devereux sensé parler leur langue ne peut être sans savoir que ce mot n'est pas sedang mais vietnamien (sous la forme M?i) et signifie "sauvage - barbare" avec une connotation péjorative bien plus grande que le mot de primitif utilisé dans les discours colonialiste et ethnologique de l'époque. Il suffit de lire L'image de l'enfant dans deux tribus, Mohave et Sedang [5]  pour y trouver une quasi caricature des Sedang. Nous sommes loin des travaux de Georges Condominas sur les Mnong Gar. Il est vrai que ces derniers ne s'inscrivent pas dans le même réseau culturel que les Sedang mais il n'empêche qu'ils partagent un grand nombre de points communs tels l'importance des génies, les sacrifices d'animaux, des conceptions proches de la maladie, des relations comparables à l'écosystème etc.

Il en est autrement avec Ethnopsychiatrie des indiens mohaves, dans lequel, comme l'écrit Simone Valantin dans un commentaire de cet ouvrage paru dans Carnet Psy (n°27), "se construit sous nos yeux un champ épistémologique nouveau à l'époque, appelé ethnopsychiatrie." C'est là, à notre humble avis, le noyau fondamental de l'apport de Devereux à l'ethnologie.

Psychanalyste. A ses propres dires, Devereux n'a réellement connu la psychanalyse que relativement tard. "J'ai lu Róheim quand j'étais dans la jungle indochinoise ... je me suis demandé s'il était fou ... à mon retour j'ai tout lu sauf Freud ... à partir surtout des travaux de Rivers ... ce qui m'a réellement convaincu ce sont en 38 mes travaux sur la psychiatrie mohave ... je me suis dit "mais c'est du pur Freud qu'ils me prêchent là ... je me suis alors converti à Freud."[FC] En 1938, Devereux a 30 ans, depuis 3 ans il est citoyen américain et a soutenu son doctorat (Ph.D.) sous la direction de Kroeber, celui qui en 1920 puis en 1939 s'est élevé contre les vues de Freud soutenues dans Totem et tabou.( voir notre page). Indiens Mohaves tatoués Malgré cet esprit critique, l'anthropologie anglo-saxonne avait ouvert le débat avec la psychanalyse (notre page sur Malinowski), ce que l'école française n'avait pas encore fait. Cet élan sera interrompu par la guerre à laquelle Devereux participera comme officier de liaison avec les autorités françaises en Extrême-orient. Ce ne sera donc qu'en 1946 lors d'un retour en France que Devereux commencera une analyse personnelle avec Marc Schlumberger. Devereux a alors 38 ans, a déjà publié quantité d'articles et son analyste, formé par Laforgue puis Nacht, est son aîné d'à peine 8 ans et est connu pour sa phobie de l'écriture. Nous ne saurons probablement jamais ce qui s'est passé entre les deux hommes, toujours est-il que Schlumberger mit fin à l'analyse après une année et encouragea Devereux à repartir aux Etats-Unis afin de prendre un poste offert par Karl Menninger à Topeka, au Kansas, dans un hôpital spécialisé dans le traitement des vétérans. Le problème raconté et commenté par Elisabeth Roudinesco (op.cité) est que Devereux attendra une lettre de recommandation de son analyste à Menninger, lettre qui arrivera mais semble-t-il en termes négatifs. A l'époque, aux Etats-Unis, notamment pour les non-médecins, cela est un drame pour la carrière (de psychanalyste) de Devereux. Il sera soutenu avec force par Géza Róheim, entreprendra une seconde analyse avec Robert Hans Jokl, lui aussi juif hongrois, et finira après beaucoup de difficultés par être admis à la Philadelphia Psychoanalytic Society, ce qui lui permettra plus tard, en 1964, de pouvoir être reconnu comme membre adhérent (seulement !) de la Société Psychanalytique de Paris.

Entre temps, avait été publié Psychothérapie d’un Indien des Plaines (1951), Devereux avait quitté Topeka pour Philadelphie où il enseigna l'ethnopsychiatrie à la faculté de médecine de Temple University. Il était aussi installé comme psychanalyste à New York jusqu’en 1963, année de son départ pour la France. Ce retour à Paris où il finira ses jours en 1985 est le temps fort de sa véritable reconnaissance, non pas comme psychanalyste dans le champ clinique mais comme anthropologue fondateur de l'ethnopsychiatrie et de l'ethnopsychanalyse. Son expérience de psychanalyste praticien aura duré une dizaine d'années et aura donc été essentiellement américaine.

...
« Modifié: 23 mars 2008, 09:13:54 am par Jacques »

JacquesL

  • Administrateur
  • Membre Héroïque
  • *****
  • Messages: 4 595
Casse-gueule : le mythe de la complémentarité à la Bohr...
« Réponse #1 le: 23 mars 2008, 09:31:36 am »
Casse-gueule : le mythe de la complémentarité à la Bohr...

C'est justement à cause de cet usage abusif et fallacieux des mythes de la quantique à la mode de Copenhague, que je me suis lancé dans la création de mon site personnel, et ai adapté au Net mes vieux articles de physique, et de mathématisation de la physique. Mais voyons qui a transporté ce mythe, et comment :

http://assoc.pagespro-orange.fr/geza.roheim/html/complemt.htm

Citer
Dans l'avertissement de Ethnopsychanalyse complémentariste, Devereux écrit :"Bien que des circonstances assez particulières, que je ne saurais aborder ici, aient produit chez moi une prise de conscience précoce (1924) des principaux problèmes analysés dans ce volume, je ne pus formuler l'idée générale de la solution qu'il convenait d'apporter à ces problèmes que six ans plus tard (1930)..[...]...Ce furent, en fin de compte, les soirées solitaires de mes dix-huit mois de travail sur le terrain parmi les Sedang (1933-1935) qui me permirent de situer mes vues dans le cadre de la méthode scientifique..[...]...Mais le parachèvement même de ma théorie et de ma méthode m'isola inévitablement des courants qui dominaient à l'époque les sciences de l'Homme."[1]

   Les préoccupations épistémologiques de Devereux sont remarquables eu égard à ce qui se pratiquait habituellement, et aujourd'hui encore moins, dans les sciences humaines. Ces préoccupations sont constantes et éparses dans son œuvre. Elles culminent cependant plus particulièrement dans De l'angoisse à la méthode.[2] Pour situer ses vues dans le cadre de la méthode scientifique Devereux se référera notamment à la notion de complémentarité du physicien danois Niels Bohr qui, lui-même l'a conçu dans le prolongement des travaux d'Heisenberg.

   Un petit détour s'impose. Dans le cadre de la mécanique quantique, en 1927, le physicien allemand Werner Heisenberg formula le principe d'incertitude appelé parfois aussi principe d'indétermination. Ce principe déclare impossible de déterminer avec précision et simultanément la position et la vitesse d'une particule, un électron par exemple. Il n'est peut-être pas inutile de remarquer que beaucoup considèrent l'expression principe d'incertitude comme impropre car d'une part, il ne s'agit pas d'un principe mais d'une déduction du formalisme quantique et d'autre part, le terme d'incertitude ne renvoie pas à approximatif. Dans la théorie quantique en effet les valeurs ne sont pas déterminées comme dans un système classique mais sont distribuées statistiquement. Pour le dire autrement "Il est évident qu’une forme de causalité déterministe comme celle de la physique classique exclurait toute complémentarité: celle-ci ne peut apparaître que dans le cadre plus large d’une causalité statistique."[3]

   Le principe de complémentarité en est une généralisation que Bohr a même voulu appliquer à d'autres domaines que celui de la mécanique quantique [4].Ce fut par exemple le cas dans des réflexions sur la biologie. Ce principe est plus connu que celui de destruction (Abtötungsprinzip) auquel il est pourtant lié. Complémentaire renvoie en effet à exclusif, ce qui signifie que deux niveaux d'explication (A et B) s'excluent mutuellement. Plus encore, comme y insistent Bohr et Devereux, "..toute étude trop poussée d'un phénomène..[...].. le détruit." Il le montre avec l'exemple de l'orgasme.

    "1) L'orgasme pleinement vécu produit un voilement de la conscience, ce qui rend l'auto-observation de l'orgasme imprécise.
    2) Si, afin de mieux l'observer, on fait un effort pour empêcher ce voilement de la conscience, ce que l'on observera ne sera plus un vrai orgasme, vécu dans toute son ampleur, mais simplement un spasme physiologique qui aboutit à l'éjaculation". (Not.1)

   Dans l'exemple précédent il est bien évident que la place de l'observateur est singulière mais ce qu'il démontre reste valable dans les cas d'observation les plus habituels. La présence même de l'observateur dans un protocole expérimental est une variable fondamentale. L'argument de De l'angoisse à la méthode commence ainsi : "Le point de départ de mon livre est l'une des propositions les plus fondamentales de Freud, modifiée à la lumière de la conception d'Einstein sur la source des données scientifiques. Freud a établi que le transfert est la donnée la plus fondamentale de la psychanalyse, considérée comme méthode d'investigation. A la lumière de l'idée d'Einstein selon laquelle nous ne pouvons observer que les évènements "survenus auprès de" l'observateur..[...].. j'ai fait un pas de plus sur la voie tracée par Freud. J'affirme que c'est le contre-transfert, plutôt que le transfert, qui constitue la donnée la plus cruciale de toute science du comportement..". [page 15] Nous avons ici aussi une référence à un auteur et une conception provenant de la physique. Cela s'explique en partie par la, ou plutôt, les formations de Devereux mais aussi par son constant souci épistémologique. Il est cependant utile de savoir que dans les emprunts et les références  aux auteurs et aux "sciences non-humaines", Devereux ne se soucie guère de leurs propres compatibilités. Ainsi la principe de complémentarité s'étaye en partie sur la conception de Bohr, la question du contre-transfert sur celle d'Einstein et pourtant ce dernier fut toujours critique vis à vis des principes de la théorie quantique.[5]

Nous venons de voir que la présence même de l'observateur est fondamentale. Au-delà de cette présence, et en se référant au principe de complémentarité, il y a donc aussi sa position. Cette dernière peut être définie par exemple par les niveaux explicatifs dans lesquels il se situe.

En France, le 14 février, un homme offre des fleurs à une femme.

    1/ Au niveau d'une explication psychologique, on peut avancer que :
    a) le motif opérant peut être = "Il est amoureux de cette femme..."
    b) le motif instrumental peut être = "C'est le jour de la Saint Valentin"

    2/ Au niveau d'une explication sociologique, on peut avancer que :
    a) le motif opérant peut être = "C'est le jour de la Saint Valentin"
    b) le motif instrumental peut être = "Il est amoureux de cette femme..."

   On constate que ces deux niveaux sont bien complémentaires et exclusifs. Le jour de la St Valentin a beau être le jour des amoureux, il y a des quantités d'hommes qui ne le sont pas et inversement des quantités d'hommes sont amoureux en dehors de ce jour. Nous avons proposé comme motif opérant de l'explication psychologique l'amour d'un homme pour une femme mais bien entendu d'autres propositions auraient été possibles sans que la démonstration en soit invalidée. Par exemple cet homme aurait pu faire cela par une sorte de besoin de conformité ou ce qui n'est pas tout à fait invraisemblable parce qu'il est amoureux mais sans savoir que c'est la St Valentin. Dans ce dernier cas il faudrait alors hypothéquer un autre motif instrumental.

   Une autre question, soulevée d'ailleurs par Devereux, est celle des frontières. Entre les explications psychologique et sociologique où est la "ligne de démarcation" ? Une telle ligne définit nécessairement des espaces : "si l'on observe un individu, ce qui, pour le psychologue, est "en-dedans" de cet individu est "en-dehors" de lui lorsque le sociologue le considère en tant que membre de l'ensemble dont il fait partie." [p.17-Réf.1] . Le débat est bien complexe si l'on considère les situations "réelles". Mais, ne serait-ce que dans notre exemple, "l'état d'être amoureux" et le "offrir des fleurs" n'appartiennent-ils qu'à un en-dedans pour l'un et un en-dehors pour l'autre ? Un historien (des sentiments) et un éthologue (des parades sexuelles) ne pourraient-ils pas inverser ces appartenances ? C'est ici qu'il est certainement intéressant de rappeler les réserves d'Einstein : peut-on écarter dogmatiquement l'existence d'un "champ" inconnu ou inexploré qui pourrait inclure  des faits et des théories jusque là séparés ?

   Une autre question est celle que nous qualifierons momentanément des correspondances. "Si les ethnologues dressaient l'inventaire exhaustif de tous les types connus de comportement culturel, cette liste coïnciderait point par point avec une liste également complète des pulsions, désirs, fantasmes, etc., obtenue par les psychanalystes en milieu clinique, démontrant par là simultanément, et par des moyens identiques, l'unité psychique de l'humanité et la validité des interprétations psychanalytiques de la culture..." [6]. Cette thèse formelle de Devereux implique logiquement des phénomènes relevant de la causalité classique (et non plus probabiliste comme dans la mécanique quantique). Elle laisse ouverte le questionnement d'une interface entre psychisme et culture alors que le principe de complémentarité pourrait faire croire ce questionnement illusoire. Comme le conclut Georges Devereux, si cela reste possible c'est parce que "...le complémentarisme n'est pas une "théorie", mais une généralisation méthodologique. Le complémentarisme n'exclut aucune méthode, aucune théorie valable - il les coordonne." [P.27 - réf.1]


Association Géza Róheim

Bon, tout bien relu, tel que l'énonçait Devereux, cet énoncé de la complémentarité méthodologique est correct : toute étude trop poussée d'un phénomène humain, le détruit. Ce qui ne l'est guère, c'est la filiation depuis l'esprit de Bohr.
« Modifié: 25 mars 2008, 03:27:46 am par Jacques »