Jeux incestuels dans la famille :
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Le cas Dafné.
Parmi les cas que nous avons rencontrés, le plus sensationnel qui fut résolu de façon aimable et divertissante, fut celui de la famille de Dafné, une jolie fille de 22 ans, la deuxième de trois filles d'un couple appartenant à la haute bourgeoisie. Elle avait commencé quatre ans auparavant à manifester un comportement psychotique délirant, passant par des hauts et des bas, qui l'avait désormais marginalisée de la vie scolaire et sociale. Skieuse émérite, elle se rendait quelquefois, seul réconfort, avec son père dans une localité de haute montagne où ils possédaient un chalet.
Les comportements érotiques et de dénudement apparurent inopinément chez Dafné quand ses parents, après mille objections ou hésitations, surtout de la part du père, se résolurent à disparaître le week-end. Peu après la première disparition, Dafné inaugura ses comportements érotiques, partagés également entre sa mère et son père, selon une savante bisexualité. Si elle se trouvait seule avec sa mère (une dame forte, flasque et négligée autant que son mari était élégant, propre et sportif), elle la serrait subitement dans ses bras et collait sa bouche contre la sienne en un baiser insistant et passionné. Mais ce n'était pas tout. Le comportement le plus déconcertant et embarrassant était le fait qu'elle se dénude, avec une rapidité incroyable. En deux secondes, elle se tenait là, droite et nue, ses vêtements éparpillés sur le sol. Elle s'était aussi déshabillée une fois dans la rue, où sa mère qui tenait à la faire sortir, l'avait traînée de force (par la suite, elle se garda bien d'insister). Pourtant, le fait le plus intéressant est que Dafné s'était déshabillée, à deux reprises, alors qu'elle était seule avec son père, dans son studio.
Les comportements nouveaux et déconcertants de Dafné avaient été décrits à la thérapeute par les parents lors de la séance qui suivit les disparitions du week-end. La thérapeute, en premier lieu, s'intéressa à la réaction des parents. Chacun d'eux s'était comporté de la même façon. La mère avait secoué la tête en riant, embarrassée, le père avait regardé ailleurs en commentant... qu'il ne lui paraissait pas faire si chaud !
La partie finale de cette séance fut utilisée par la thérapeute pour donner aux parents des prescriptions et des conseils sur le comportement à suivre. Les conseils sur les comportements à adopter se basèrent sur un choix de trois propositions, identiques pour les deux parents. A la mère : « Si Dafné vous embrasse sur la bouche, je vous donne trois solutions. La première consiste à échanger longuement les baisers. La deuxième, à faire ce que vous avez déjà fait, en vous protégeant avec embarras. La troisième, à lui donner une claque, la plus forte possible. » Au père : « Si Dafné se présente nue devant vous, je vous donne trois solutions. La première consiste à la prendre dans vos bras, à l'étendre sur le divan en ayant des gestes érotiques et en n'hésitant pas, si elle s'y montre disposée, à avoir un rapport sexuel. La deuxième, comme vous l'avez déjà fait, en faisant l'innocent. La troisième, à enlever une de vos chaussures et à l'en frapper sur tout le corps avec toute la force dont vous pourrez faire preuve. La prochaine fois, chacun de vous m'apportera comme d'habitude le compte rendu écrit des réactions à vos sorties. Quant à votre choix, si Dafné vous en donne l'occasion, chacun de vous me dira oralement pour lequel il aura opté. »
Lors de la séance suivante, il s'avéra que la mère n'avait pas eu à faire de choix. Elle nous a dit avoir évité avec précaution les occasions de rester seule avec sa fille. Le père fut au contraire « coincé » par Dafné. Un samedi matin, très tôt, alors qu'il chargeait la voiture pour s'en aller seul à la montagne, il vit arriver Dafné qui, froide et silencieuse comme une statue, mit ses affaires dans la voiture. Le pauvre homme s'était senti bouleversé : il n'était pas difficile de supposer que la nuit à venir serait chaude. Et elle le fut en effet.
Peu après avoir été se coucher, Dafné entra dans la chambre de son père en chemise de nuit, comme une somnambule et sans dire un mot. Arrivée à côté du lit, elle enleva sa chemise de nuit et se glissa nue sous les couvertures, sans toutefois se rapprocher de lui. Et que fit le père ? La thérapeute avait sans aucun doute imaginé qu'un joueur comme lui ne se serait jamais, au grand jamais, abaissé jusqu'à adopter l'une des solutions qu'elle lui avait proposées ! Il trouva en fait une quatrième alternative — bien plus dans son style — qui fonctionna admirablement. « Il semble que tu veuilles me faire croire, lui dit-il avec un sarcasme aristocratique, que tu n'as pas résolu ton complexe d'OEdipe. Mais je ne crois pas à de pareilles sornettes. Je pense plutôt que tu t'amuses à me ridiculiser. » Puis il indiqua la porte à Dafné qui la rejoignit en un bond et disparut de la chambre.
Le lendemain matin, la catharsis eut lieu. Alors que le père se levait et s'habillait, il entendit venir de la cuisine, en même temps qu'une bonne odeur de café, un chant joyeux qu'il n'avait pas entendu depuis des années. Dafné avait préparé un petit déjeuner sensationnel et avait mis sur la table tous les biens de Dieu. Après avoir versé le café, elle s'installa. Tout en approchant sa chaise de la table, elle dit à son père avec un beau sourire et en le regardant dans les yeux : « Je crois que le moment d'être sincère avec toi, papa, est venu. Tu m'as toujours dégoûtée physiquement. »
Après un tel éclaircissement réciproque, le jeu érotique entre eux deux cessa pour toujours. Dafné ne fit plus d'avance érotique à sa mère ni à personne. Elle eut tout le temps et tous les moyens de s'intéresser à ses propres problèmes qu'elle résolut petit à petit. Elle obtint son diplôme de moniteur de ski et se fiança avec un aimable garçon.
Pages 158 à 159 de Jeux psychotiques dans la famille, par Mara Selvini-Palazzoli, Stefano Cirillo, Matteo Selvini, Anna Marie Sorrentino, traduction ESF 1990. original 1988.
Je posterai ultérieurement le cas précédent, qui éclaire la problématique de Dafné. Je vous laisse déjà le plaisir de décortiquer ce cas.
Le cas suivant, de Giano et Gina, est plus dramatique, mais je ne le numériserai pas, vous laissant ouvrir le livre vous-mêmes.