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Auteur Sujet: Réédition du coup des "Irlandais de Vincennes".  (Lu 5424 fois)

JacquesL

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Réédition du coup des "Irlandais de Vincennes".
« le: 18 avril 2009, 10:56:42 pm »
Sur ce coup-ci, m'Amie (aussi connue sur ce forum, mais hélas peu active) a été bien plus rapide que moi : elle a immédiatement reconnu dans l'affaire Coupat une réédition du coup des "Irlandais de Vincennes", une manipulation politico-policière montée de toutes pièces.

Le journal Libération est arrivé à la même conclusion, après une enquête qui semble complète :
http://info.france2.fr/france/53488939-fr.php
http://www.liberation.fr/societe/0101562270-sept-mois-de-traque-d-une-cellule-invisible
http://www.liberation.fr/societe/0101562266-la-fabrique-d-un-presume-coupable
http://www.arretsurimages.net/vite.php?id=4067

A quand l'incendie du Reichstag ?

JacquesL

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L'interview de Julien Coupat.
« Réponse #1 le: 25 mai 2009, 08:33:50 pm »
Il faut lire pendant que c'est libre, cet interview de Julien Coupat, à http://www.lemonde.fr/web/imprimer_element/0,40-0@2-3224,50-1197456,0.html

J'hésite à en prendre des extraits à copier ici.
Je suis partagé. Bien sûr qu'il a toute ma sympathie pour l'injustice de l'accusation et de la détention sur prétextes bidonnés, confectionnés de toutes pièces.

Bien sûr que je suis admiratif devant la brillance des analyses.

Citation de: Julien Coupat
Nous vivons actuellement, en France, la fin d'une période de gel historique dont l'acte fondateur fut l'accord passé entre gaullistes et staliniens en 1945 pour désarmer le peuple sous prétexte d'"éviter une guerre civile". Les termes de ce pacte pourraient se formuler ainsi pour faire vite : tandis que la droite renonçait à ses accents ouvertement fascistes, la gauche abandonnait entre soi toute perspective sérieuse de révolution. L'avantage dont joue et jouit, depuis quatre ans, la clique sarkozyste, est d'avoir pris l'initiative, unilatéralement, de rompre ce pacte en renouant "sans complexe" avec les classiques de la réaction pure – sur les fous, la religion, l'Occident, l'Afrique, le travail, l'histoire de France, ou l'identité nationale.

Face à ce pouvoir en guerre qui ose penser stratégiquement et partager le monde en amis, ennemis et quantités négligeables, la gauche reste tétanisée. Elle est trop lâche, trop compromise, et pour tout dire, trop discréditée pour opposer la moindre résistance à un pouvoir qu'elle n'ose pas, elle, traiter en ennemi et qui lui ravit un à un les plus malins d'entre ses éléments. Quant à l'extrême gauche à-la-Besancenot, quels que soient ses scores électoraux, et même sortie de l'état groupusculaire où elle végète depuis toujours, elle n'a pas de perspective plus désirable à offrir que la grisaille soviétique à peine retouchée sur Photoshop. Son destin est de décevoir.

Mais je suis très très mal à l'aise devant les impasses mystiques de cette intelligence, néo-Mao-spontex, mythifiant le génie des masses, rebaptisée ici "la rue". Le ton général est terriblement paranoïde, la pensée strictement bipôlaire : le monde est clivé entre les bons et les méchants.

Evidemment que sa violence verbale, dont je demeure persuadé qu'elle ne débouchera que sur de l'impuissance politique, me met en cause dans ma propre inefficacité politique d'écrivain marginal.

Je suis atterré par la symétrie et l'escalade symétrique entre Coupat et ses accusateurs. Paranoïas symétriques, comme furent symétrisés l'Okhrana de Nicolas II et Joseph Djougachvili dit Staline, modelé par la répression et la clandestinité...

Coupat s'imagine que les bourdes et les délits accumulés par la cour du petit roi Nic le hutin vont déboucher sur une victoire de "la rue" : "Chaque pas qu'ils font vers le contrôle de tout les rapproche de leur perte." et toute sa force de projection le fait projeter vers une rue ou des banlieues messianisées. Politisé à l'extrême et peu averti des réalités économiques, il exagère l'avenir des U.S.A. comme il exagère sans doute notre propre avenir de nation française.

Une élite aveuglée et délinquante peut ne pas conduire à la victoire du pays profond sur ses élites, elle peut bien déboucher sur une défaite totale du pays, au profit d'un vainqueur extérieur. Cela lui échappe, comme lui échappe la délocalisation du capitalisme, qui ne réside plus guère là où on pourrait l'atteindre.

Pour prendre un exemple local à l'Europe, le déclenchement de la première guerre mondiale. Aucun des pays belligérants n'avait de buts de guerre. Les marxistes ont prétendu qu'il s'agissait de la guerre des marchés industriels. C'est faux, cette guerre-là, l'Allemagne l'avait déjà gagnée. Celui qui avait mobilisé le premier et tout déclenché, Nicolas II, n'avait aucun but de guerre, juste le mobile de la fierté blessée d'avoir été écrasé en 1905 par les japonais. En revanche, les classes dirigeantes des nations d'Europe qui se sont ainsi jetées les unes sur les autres avaient un but de guerre civile : saigner et mater leurs classes ouvrières dont elles avaient peur, et leurs paysanneries. Voilà pourquoi elles les ont envoyé mourir au champ d'horreur.
Et qui fut le vainqueur économique de cette guerre mondiale ? Les Etats Unis.
Le Japon dans une moindre mesure.

Les élites pourries ne servent pas leurs pays, ne préparent pas la victoire de l'avant-garde révolutionnaire, elles préparent l'écrasement de leur pays par des ennemis extérieurs. Le défi qui se pose à l'opposition, est d'éviter cet écrasement économique, voire militaire par surcroît. Malgré le prestige que lui vaudra l'injustice et l'emprisonnement, Coupat n'est pas la personne qu'il faut pour cela.


Premier compte-rendu du scandale de ce montage de l'affaire Tarnac :
http://deonto-famille.org/citoyens/debattre/index.php?topic=896.0
« Modifié: 26 mai 2009, 07:53:47 pm par Jacques »

Mateo

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Re : L'interview de Julien Coupat.
« Réponse #2 le: 29 mai 2009, 07:53:48 pm »
Michel m'a envoyé ce dessin :

« Modifié: 29 mai 2009, 07:58:26 pm par Mateo »
Mateo
Axiomatique de collège : http://www.mathemagique.com

JacquesL

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Re : L'interview de Julien Coupat.
« Réponse #3 le: 30 mai 2009, 12:23:38 pm »
Une réaction d'un lecteur du Monde :
Citer

François k. :
  Ce que je déplore dans le texte de M Coupat, c’est la faiblesse éthique de sa pensée. ... Il serait souhaitable que ces jeunes intellos se réclament non seulement des valeurs fondatrices de la République mais des valeurs morales tout court. Et qu’ils s’interrogent sur ce qu’est l’homme, ce qu’il doit faire ou ne pas faire, ce qu’il lui est permis d’espérer.
Mais le discours du pouvoir est aussi indigent à cet égard. 

Mateo

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Re : L'interview de Julien Coupat.
« Réponse #4 le: 03 juin 2009, 04:38:26 pm »
Une critique des héritiers du Situationisme de Guy Debord, par la revue Le Tigre :

http://www.le-tigre.net/Heritiers-situationnistes.html
Mateo
Axiomatique de collège : http://www.mathemagique.com

JacquesL

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L'héritage des situationnistes.
« Réponse #5 le: 03 juin 2009, 04:58:07 pm »
Une critique des héritiers du Situationisme de Guy Debord, par la revue Le Tigre :

http://www.le-tigre.net/Heritiers-situationnistes.html


Merci et bravo pour le lien et la qualité de l'analyse qu'on y trouve.

Il est évident que les citations de Simone Weil m'interpellent.
[15] Simone Weil, « Réflexions pour déplaire » (1936), repris dans ses Œuvres, Gallimard, 1999, p. 401.

[16] Simone Weil, « Réflexions sur la guerre » (1933), ibidem, p. 459.

J'avais abouti, en moins grand, à la même conclusion en août 1968.

Je ne discerne pas du tout qui est cet Agamben qui est mentionné plusieurs fois.


Je vais encore me répéter, mais aussi bien ce lien sur l'héritage situationniste que l'interview de Coupat, ou une brève plongée sur tel forum troskyste, tout cela me confirme qu'il faut prendre la peine et le risque d'exposer noir sur blanc, par écrit, ses valeurs. Les exposer au feu de la critique et du débat. Se contenter de l'ironie, de la dérision, des allusions, du talent de polémiste, ne peut conduire qu'à des dérives graves.
« Modifié: 03 juin 2009, 11:20:32 pm par Jacques »

Mateo

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Re : L'interview de Julien Coupat.
« Réponse #6 le: 04 juin 2009, 07:42:32 pm »
Une analyse de l'interview de Coupat par Jean-Jacques (avec son accord) :
Citer
En préalable :
1/ je m'excuse par avance auprès de nos lecteurs de la longueur de ce
courrier,
2/ j'extrait quelques passages du texte de Coupat et je répond en dessous
pour la lisibilité : évidemment ce choix n'est pas anodin et fait partie de
mon analyse...


Citer
Extrait 1 :

Comment vivez-vous votre détention ?

Très bien merci. Tractions, course à pied, lecture.

Cela sent fort le déni... Deux personnes proches de moi ont fait un séjour
en prison, aucune n'en est sorti indemne mentalement.

Citer
Pouvez-nous nous rappeler les circonstances de votre arrestation ?
Une bande de jeunes cagoulés et armés jusqu'aux dents s'est introduite chez
nous par effraction. Ils nous ont menacés, menottés, et emmenés non sans
avoir préalablement tout fracassé. Ils nous ont enlevés à bord de puissants
bolides roulant à plus de 170 km/h en moyenne sur les autoroutes. Dans leurs
conversations, revenait souvent un certain M. Marion [ancien patron de la
police antiterroriste] dont les exploits virils les amusaient beaucoup comme
celui consistant à gifler dans la bonne humeur un de ses collègues au beau
milieu d'un pot de départ. Ils nous ont séquestrés pendant quatre jours dans
une de leurs "prisons du peuple" en nous assommant de questions où
l'absurde le disputait à l'obscène.
Celui qui semblait être le cerveau de l'opération s'excusait vaguement de
tout ce cirque expliquant que c'était de la faute des "services", là-haut,
où s'agitaient toutes sortes de gens qui nous en voulaient beaucoup. A ce
jour, mes ravisseurs courent toujours. Certains faits divers récents
attesteraient même qu'ils continuent de sévir en toute impunité.

Discours classique de renversement : les forces de police sont assimilées à
une bande de malfaiteurs, ce qui blanchit automatiquement Coupat qui se voit
comme une victime...

Citer
Extrait n°2

Vous reconnaissez-vous dans les qualifications de "mouvance
anarcho-autonome" et d'"ultragauche"?


Laissez-moi reprendre d'un peu haut. Nous vivons actuellement, en France,
la fin d'une période de gel historique dont l'acte fondateur fut l'accord
passé entre gaullistes et staliniens en 1945 pour désarmer le peuple sous
prétexte d'"éviter une guerre civile". Les termes de ce pacte pourraient se
formuler ainsi pour faire vite : tandis que la droite renonçait à ses
accents ouvertement fascistes, la gauche abandonnait entre soi toute
perspective sérieuse de révolution. L'avantage dont joue et jouit, depuis
quatre ans, la clique sarkozyste, est d'avoir pris l'initiative,
unilatéralement, de rompre ce pacte en renouant "sans complexe" avec les
classiques de la réaction pure – sur les fous, la religion, l'Occident,
l'Afrique, le travail, l'histoire de France, ou l'identité nationale.

Analyse fantaisiste qui fait fi de tout ce qui s'est passé entre 45 et
maintenant. Evidemment, c'est plus simple comme cela et permet de justifier
ce qui va suivre. Donc, pétition de principe....

Citer
Face à ce pouvoir en guerre qui ose penser stratégiquement et partager le
monde en amis, ennemis et quantités négligeables, la gauche reste tétanisée.
Elle est trop lâche, trop compromise, et pour tout dire, trop discréditée
pour opposer la moindre résistance à un pouvoir qu'elle n'ose pas, elle,
traiter en ennemi et qui lui ravit un à un les plus malins d'entre ses
éléments. Quant à l'extrême gauche à-la-Besancenot, quels que soient ses
scores électoraux, et même sortie de l'état groupusculaire où elle végète
depuis toujours, elle n'a pas de perspective plus désirable à offrir que la
grisaille soviétique à peine retouchée sur Photoshop. Son destin est de
décevoir.

Grossière erreur encore concernant l'extrême gauche à la Besancenot qui n'a
jamais prétendu exercer le pouvoir.
Par ailleurs, on notera le recours systématique au vocabulaire militaire qui
tranche avec la description du début. Assez révélateur des pulsions
refoulées de ce genre de personnes...

Citer
Dans la sphère de la représentation politique, le pouvoir en place n'a donc
rien à craindre, de personne. Et ce ne sont certainement pas les
bureaucraties syndicales, plus vendues que jamais, qui vont l'importuner,
elles qui depuis deux ans dansent avec le gouvernement un ballet si obscène.
Dans ces conditions, la seule force qui soit à même de faire pièce au gang
sarkozyste, son seul ennemi réel dans ce pays, c'est la rue, la rue et ses
vieux penchants révolutionnaires. Elle seule, en fait, dans les émeutes qui
ont suivi le second tour du rituel plébiscitaire de mai 2007, a su se hisser
un instant à la hauteur de la situation. Elle seule, aux Antilles ou dans
les récentes occupations d'entreprises ou de facs, a su faire entendre une
autre parole.


Thème ultra classique de la mouvance d'extrême gauche qui oublie
systématiquement que "la rue" n'est ni uniforme sur ses revendications
(immenses manifs de défense de l'école libre il y a quelques décennies,
entre autres...), ni sur ses modalités d'action (les émeutiers sont
soigneusement rejetés dans les cortèges par les services d'ordre).

Citer
Cette analyse sommaire du théâtre des opérations a dû s'imposer assez tôt
puisque les renseignements généraux faisaient paraître dès juin 2007, sous
la plume de journalistes aux ordres (et notamment dans Le Monde) les
premiers articles dévoilant le terrible péril que feraient peser sur toute
vie sociale les "anarcho-autonomes". On leur prêtait, pour commencer,
l'organisation des émeutes spontanées, qui ont, dans tant de villes, salué
le "triomphe électoral" du nouveau président.

Journalistes aux ordres : sympa pour Le Monde qui a diffusé l'article et là
encore formule archi rebattue sans fondement véritable...

Citer
Avec cette fable des "anarcho-autonomes", on a dessiné le profil de la
menace auquel la ministre de l'intérieur s'est docilement employée,
d'arrestations ciblées en rafles médiatiques, à donner un peu de chair et
quelques visages. Quand on ne parvient plus à contenir ce qui déborde, on
peut encore lui assigner une case et l'y incarcérer. Or celle de "casseur"
où se croisent désormais pêle-mêle les ouvriers de Clairoix, les gamins de
cités, les étudiants bloqueurs et les manifestants des contre-sommets,
certes toujours efficace dans la gestion courante de la pacification
sociale, permet de criminaliser des actes, non des existences. Et il est
bien dans l'intention du nouveau pouvoir de s'attaquer à l'ennemi, en tant
que tel, sans attendre qu'il s'exprime. Telle est la vocation des nouvelles
catégories de la répression.

Aucune espèce d'argumentation là dedans et toujours ce même langage
guerrier. Et cette propension à attribuer à l'autre des intentions
malfaisantes : théorie du complot, etc...

Citer
Il importe peu, finalement, qu'il ne se trouve personne en France pour se
reconnaître "anarcho-autonome" ni que l'ultra-gauche soit un courant
politique qui eut son heure de gloire dans les années 1920 et qui n'a, par
la suite, jamais produit autre chose que d'inoffensifs volumes de
marxologie. Au reste, la récente fortune du terme "ultragauche" qui a
permis à certains journalistes pressés de cataloguer sans coup férir les
émeutiers grecs de décembre dernier doit beaucoup au fait que nul ne sache
ce que fut l'ultragauche, ni même qu'elle ait jamais existé.

Il faudrait que Coupat révise son histoire, il est très flou sur le sujet et
oublie de rappeler les racines véridiques du mouvement auquel il
appartient...

Citer
Extrait n°3 :

La police vous considère comme le chef d'un groupe sur le point de
basculer dans le terrorisme. Qu'en pensez-vous?


Une si pathétique allégation ne peut être le fait que d'un régime sur le
point de basculer dans le néant.

Ce qui est pathétique, c'est ce genre de réponse creuse, si caractéristique
de la rhétorique qu'affectionne l'extrême gauche et qu'elle partage
d'ailleurs avec les gouvernements totalitaires. Il suffit de se rappeler le
vocabulaire délirant des dirigeants chinois pendant la révolution
culturelle...

Citer
Que signifie pour vous le mot terrorisme ?

Rien ne permet d'expliquer que le département du renseignement et de la
sécurité algérien suspecté d'avoir orchestré, au su de la DST, la vague
d'attentats de 1995 ne soit pas classé parmi les organisations terroristes
internationales. Rien ne permet d'expliquer non plus la soudaine
transmutation du "terroriste" en héros à la Libération, en partenaire
fréquentable pour les accords d'Evian, en policier irakien ou en "taliban
modéré" de nos jours, au gré des derniers revirements de la doctrine
stratégique américaine.

A partir de là, on rentre dans la démonstration dont le seul but semble être
de se disculper ou de légitimer les actes violents.

Citer
Rien, sinon la souveraineté. Est souverain, en ce monde, qui désigne le
terroriste. Qui refuse d'avoir part à cette souveraineté se gardera bien de
répondre à votre question. Qui en convoitera quelques miettes s'exécutera
avec promptitude. Qui n'étouffe pas de mauvaise foi trouvera un peu
instructif le cas de ces deux ex – "terroristes" devenus l'un premier
ministre d'Israël, l'autre président de l'Autorité palestinienne, et ayant
tous deux reçus, pour comble, le Prix Nobel de la paix.

Formidable tour de passe-passe langagier. En fait, Coupat est entrain de
dire qu'il refuse de répondre à cette question tout en y répondant sans y
répondre... Il place son interlocuteur dans une double-contrainte. C'est une
forme de communication paradoxale très prisée dans ce milieu. On retrouve ce
genre de discours dans bien des sectes. Ce serait presque amusant si ce
monsieur ne se prenait pas au sérieux !

Citer
Le flou qui entoure la qualification de "terrorisme", l'impossibilité
manifeste de le définir ne tiennent pas à quelque provisoire lacune de la
législation française : ils sont au principe de cette chose que l'on peut,
elle, très bien définir : l'antiterrorisme dont ils forment plutôt la
condition de fonctionnement. L'antiterrorisme est une technique de
gouvernement qui plonge ses racines dans le vieil art de la
contre-insurrection, de la guerre dite "psychologique", pour rester poli.

Ici, il s'embrouille lui-même ! Il est entrain de définir l'antiterrorisme
et ne se rend pas comte que du coup, il dit ce qu'est le terrorisme.

Citer
L'antiterrorisme, contrairement à ce que voudrait insinuer le terme, n'est
pas un moyen de lutter contre le terrorisme, c'est la méthode par quoi l'on
produit, positivement, l'ennemi politique en tant que terroriste. Il
s'agit, par tout un luxe de provocations, d'infiltrations, de surveillance,
d'intimidation et de propagande, par toute une science de la manipulation
médiatique, de l'"action psychologique", de la fabrication de preuves et de
crimes, par la fusion aussi du policier et du judiciaire, d'anéantir la
"menace subversive" en associant, au sein de la population, l'ennemi
intérieur, l'ennemi politique à l'affect de la terreur.

Et là, c'est le sommet, la clef de voute du discours : le pouvoir crée le
terrorisme pour pouvoir l'anéantir. On est en plein dans le délire auto
référent. Si Coupat n'est pas lui-même hors du sillon, dans le sens
psychiatrique du terme, il cherche délibérément à vous perdre dans ce
raisonnement. Et une fois de plus, il vous place dans la double-contrainte.
Vous n'avez plus le choix, vous ne pouvez qu'adhérer.

Citer
L'essentiel, dans la guerre moderne, est cette "bataille des cœurs et des
esprits" où tous les coups sont permis. Le procédé élémentaire, ici, est
invariable : individuer l'ennemi afin de le couper du peuple et de la
raison commune, l'exposer sous les atours du monstre, le diffamer,
l'humilier publiquement, inciter les plus vils à l'accabler de leurs
crachats, les encourager à la haine. "La loi doit être utilisée comme
simplement une autre arme dans l'arsenal du gouvernement et dans ce cas ne
représente rien de plus qu'une couverture de propagande pour se débarrasser
de membres indésirables du public. Pour la meilleure efficacité, il
conviendra que les activités des services judiciaires soient liées à
l'effort de guerre de la façon la plus discrète possible", conseillait
déjà, en 1971, le brigadier Frank Kitson [ancien général de l'armée
britannique, théoricien de la guerre contre-insurrectionelle], qui en
savait quelque chose.

On notera ici encore la montée en puissance du vocabulaire : Coupat crache
son venin, sa haine déborde dans chaque phrase... Quant au fond, associer
"le peuple et la raison commune", c'est déifier une classe à laquelle il
voudrait sans doute appartenir mais qui n'existe pas en tant que telle. Et
puis, comment ne pas ressentir dans cette violence verbale toute la
problématique oedipienne qui le taraude sans cesse ? Papa est à détruire...
lui qui m'a séparé du grand tout indistinct de la mère...

Citer
Extrait n°3 :

Vous êtes issu d'un milieu très aisé qui aurait pu vous orienter dans une
autre direction…


"Il y a de la plèbe dans toutes les classes" (Hegel).

Fantastique...il se considère comme un "élu" ! Il a besoin de se voir comme
sous le regard d'un dieu...C'est grandissime et touchant !

Citer
Pourquoi Tarnac ?

Allez-y, vous comprendrez. Si vous ne comprenez pas, nul ne pourra vous
l'expliquer, je le crains.

Et quelle suffisance ! Genre : ce petit journaleux n'a même pas les moyens
intellectuels de comprendre ce que je pourrais lui dire. Ou bien Tarnac,
c'est indicible, au-delà des mots. Curieux pour quelqu'un qui ne manque pas
de mots pour exprimer des idées et qui se retrouve muet pour exprimer ce qui
relève de la nature, du vivant...

Citer
Vous définissez-vous comme un intellectuel ? Un philosophe ?

La philosophie naît comme deuil bavard de la sagesse originaire. Platon
entend déjà la parole d'Héraclite comme échappée d'un monde révolu. A
l'heure de l'intellectualité diffuse, on ne voit pas ce qui pourrait
spécifier "l'intellectuel", sinon l'étendue du fossé qui sépare, chez lui,
la faculté de penser de l'aptitude à vivre. Tristes titres, en vérité, que
cela. Mais, pour qui, au juste, faudrait-il se définir?

Cet être est clivé. Comment pourrait-il se définir ? Il s'en tire donc par
une pirouette.


Citer
Etes-vous l'auteur du livre L'insurrection qui vient ?

C'est l'aspect le plus formidable de cette procédure : un livre versé
intégralement au dossier d'instruction, des interrogatoires où l'on essaie
de vous faire dire que vous vivez comme il est écrit dans L'insurrection
qui vient, que vous manifestez comme le préconise L'insurrection qui vient,
que vous sabotez des lignes de train pour commémorer le coup d'Etat
bolchevique d'octobre 1917, puisqu'il est mentionné dans, un éditeur
convoqué par les services antiterroristes. (L'insurrection qui vient)
De mémoire française, il ne s'était pas vu depuis bien longtemps que le
pouvoir prenne peur à cause d'un livre. On avait plutôt coutume de
considérer que, tant que les gauchistes étaient occupés à écrire, au moins
ils ne faisaient pas la révolution. Les temps changent, assurément. Le
sérieux historique revient.

Et oui, ça redevient sérieux... Puisqu'on commence à le prendre au sérieux.
Bon, c'est pas lui qui l'a écrit, mais il aimerait beaucoup l'avoir fait
quand même.

Citer
Ce qui fonde l'accusation de terrorisme, nous concernant, c'est le soupçon
de la coïncidence d'une pensée et d'une vie; ce qui fait l'association de
malfaiteurs, c'est le soupçon que cette coïncidence ne serait pas laissée à
l'héroïsme individuel, mais serait l'objet d'une attention commune.
Négativement, cela signifie que l'on ne suspecte aucun de ceux qui signent
de leur nom tant de farouches critiques du système en place de mettre en
pratique la moindre de leurs fermes résolutions; l'injure est de taille.
Malheureusement, je ne suis pas l'auteur de L'insurrection qui vient – et
toute cette affaire devrait plutôt achever de nous convaincre du caractère
essentiellement policier de la fonction auteur.

Nous y voilà, malheureusement, ça n'est pas lui l'auteur. Et le voilà
empêtré encore dans un complexe inextricable : il voudrait bien être
l'auteur, mais être auteur, c'est faire fonction de policier. Au secours Dr
Freud !!!

Citer
J'en suis, en revanche, un lecteur. Le relisant, pas plus tard que la
semaine dernière, j'ai mieux compris la hargne hystérique que l'on met, en
haut lieu, à en pourchasser les auteurs présumés. Le scandale de ce livre,
c'est que tout ce qui y figure est rigoureusement, catastrophiquement vrai,
et ne cesse de s'avérer chaque jour un peu plus. Car ce qui s'avère, sous
les dehors d'une "crise économique", d'un "effondrement de la confiance",
d'un "rejet massif des classes dirigeantes", c'est bien la fin d'une
civilisation, l'implosion d'un paradigme : celui du gouvernement, qui
réglait tout en Occident – le rapport des êtres à eux-mêmes non moins que
l'ordre politique, la religion ou l'organisation des entreprises. Il y a, à
tous les échelons du présent, une gigantesque perte de maîtrise à quoi
aucun maraboutage policier n'offrira de remède.

Et c'est reparti pour un tour de langage hystérique. Et sur le fond, il y a
encore une erreur historique à considérer que le gouvernement réglerait tout
en Occident, et puis d'ailleurs pourquoi en Occident seulement ?

Citer
Ce n'est pas en nous transperçant de peines de prison, de surveillance
tatillonne, de contrôles judiciaires, et d'interdictions de communiquer au
motif que nous serions les auteurs de ce constat lucide, que l'on fera
s'évanouir ce qui est constaté. Le propre des vérités est d'échapper, à
peine énoncées, à ceux qui les formulent. Gouvernants, il ne vous aura
servi de rien de nous assigner en justice, tout au contraire.

Les gouvernants n'ont qu'à bien se tenir, Coupat les aura prévenus....On est
dans le langage messianique là....

Citer
Vous lisez "Surveiller et punir" de Michel Foucault. Cette analyse vous
paraît-elle encore pertinente ?


La prison est bien le sale petit secret de la société française, la clé, et
non la marge des rapports sociaux les plus présentables. Ce qui se concentre
ici en un tout compact, ce n'est pas un tas de barbares ensauvagés comme on
se plaît à le faire croire, mais bien l'ensemble des disciplines qui
trament, au-dehors, l'existence dite "normale". Surveillants, cantine,
parties de foot dans la cour, emploi du temps, divisions, camaraderie,
baston, laideur des architectures : il faut avoir séjourné en prison pour
prendre la pleine mesure de ce que l'école, l'innocente école de la
République, contient, par exemple, de carcéral.


Ca jure un peu avec ce qu'il a dit de sa propre expérience de
l'incarcération... Et puis il nous ressert le discours archi usé de l'école
caserne, n'importe quoi, il devrait venir un peu dans un lycée de banlieue
et passer une demi-journée avec nous !

Citer
Envisagée sous cet angle imprenable, ce n'est pas la prison qui serait un
repaire pour les ratés de la société, mais la société présente qui fait
l'effet d'une prison ratée. La même organisation de la séparation, la même
administration de la misère par le shit, la télé, le sport, et le porno
règne partout ailleurs avec certes moins de méthode. Pour finir, ces hauts
murs ne dérobent aux regards que cette vérité d'une banalité explosive : ce
sont des vies et des âmes en tout point semblables qui se traînent de part
et d'autre des barbelés et à cause d'eux.
Si l'on traque avec tant d'avidité les témoignages "de l'intérieur" qui
exposeraient enfin les secrets que la prison recèle, c'est pour mieux
occulter le secret qu'elle est : celui de votre servitude, à vous qui êtes
réputés libres tandis que sa menace pèse invisiblement sur chacun de vos
gestes.

Nous y revoilà : vous n'êtes pas libres vous qui croyez l'être. On est en
plein dans le délire paranoïde.

Citer
Extrait n°4 :

Le partage ne passe donc pas, comme le voudrait la fiction judiciaire,
entre le légal et l'illégal, entre les innocents et les criminels, mais
entre les criminels que l'on juge opportun de poursuivre et ceux qu'on
laisse en paix comme le requiert la police générale de la société. La race
des innocents est éteinte depuis longtemps, et la peine n'est pas à ce à
quoi vous condamne la justice : la peine, c'est la justice elle-même, il
n'est donc pas question pour mes camarades et moi de "clamer notre
innocence", ainsi que la presse s'est rituellement laissée aller à l'écrire,
mais de mettre en déroute l'hasardeuse offensive politique que constitue
toute cette infecte procédure. Voilà quelques-unes des conclusions
auxquelles l'esprit est porté à relire Surveiller et punir depuis la Santé.
On ne saurait trop suggérer, au vu de ce que les Foucaliens font, depuis
vingt ans, des travaux de Foucault, de les expédier en pension, quelque
temps, par ici.


Ce faisant, Coupat est entrain de nous montrer qu'il appartient à une autre
classe, il se place ailleurs... à un endroit où il est intouchable. Habile !

Citer
Comment analysez-vous ce qui vous arrive ?

Détrompez-vous : ce qui nous arrive, à mes camarades et à moi, vous arrive
aussi bien. C'est d'ailleurs, ici, la première mystification du pouvoir :
neuf personnes seraient poursuivies dans le cadre d'une procédure
judiciaire "d'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise
terroriste", et devraient se sentir particulièrement concernées par cette
grave accusation. Mais il n'y a pas d'"affaire de Tarnac" pas plus que
d'"affaire Coupat", ou d'"affaire Hazan" [éditeur de L'insurrection qui
vient]. Ce qu'il y a, c'est une oligarchie vacillante sous tous rapports, et
qui devient féroce comme tout pouvoir devient féroce lorsqu'il se sent
réellement menacé. Le Prince n'a plus d'autre soutien que la peur qu'il
inspire quand sa vue n'excite plus dans le peuple que la haine et le
mépris.


Coupat a-t-il conscience de la férocité qui l'habite ? Et qu'il projette en
permanence sur tout ce qui peut ressembler de près ou de loin à l'image du
père ? Probablement pas... Le jour où il va décompenser, ce sera dur pour
lui !

Citer
Extrait n°5 :

Nous ne sommes, mes camarades et moi, qu'une variable de cet ajustement-là.
On nous suspecte comme tant d'autres, comme tant de "jeunes", comme tant de
"bandes", de nous désolidariser d'un monde qui s'effondre. Sur ce seul
point, on ne ment pas. Heureusement, le ramassis d'escrocs, d'imposteurs,
d'industriels, de financiers et de filles, toute cette cour de Mazarin sous
neuroleptiques, de Louis Napoléon en version Disney, de Fouché du dimanche
qui pour l'heure tient le pays, manque du plus élémentaire sens
dialectique. Chaque pas qu'ils font vers le contrôle de tout les rapproche
de leur perte. Chaque nouvelle "victoire" dont ils se flattent répand un
peu plus vastement le désir de les voir à leur tour vaincus. Chaque manœuvre
par quoi ils se figurent conforter leur pouvoir achève de le rendre
haïssable. En d'autres termes : la situation est excellente. Ce n'est pas le
moment de perdre courage
.

Au fond, il n'y a rien à faire qu'à attendre que tout implose et ce, grâce
entre autres à la variable d'ajustement Coupat. Magnifique !
En fin de compte, dans cette logorrhée, bien peu d'arguments construits à
partir de la dialectique situationniste, juste une position, une attitude.
Et en ce sens, c'est du situationnisme... (smile)

Qui peut adhérer à cela aujourd'hui ?

En tous cas, il faudrait que l'on nous explique en quoi nous sommes les
héritiers du situationnisme.
Je ne parle pas de Coupat, bien sûr... qui en tant que personne n'a aucun
intérêt si ce n'est de la compassion pour un être visiblement névrosé, voire
davantage.

Amicalement,

Jean-Jacques
« Modifié: 08 juin 2009, 08:56:09 pm par Mateo »
Mateo
Axiomatique de collège : http://www.mathemagique.com

JacquesL

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L'imposture freudienne est un très très mauvais allié.
« Réponse #7 le: 08 juin 2009, 08:11:45 pm »
Les opinions sont libres, et la réponse aussi.
Apparemment personne ne conteste le fonctionnement paranoïde de Coupat.
Mais la critique de Jean-Jacques est fort perfectible, ce qui implique "critiquable".

A mes yeux, l'imposture freudienne est un très très mauvais allié.
Citation de: Jean-Jacques
comment ne pas ressentir dans cette violence verbale toute la problématique oedipienne qui le taraude sans cesse ? Papa est à détruire... Lui qui m'a séparé du grand tout indistinct de la mère...

Au secours Dr Freud !!!

... qu'il projette en permanence sur tout ce qui peut ressembler de près ou de loin à l'image du père ?

Il n'est pas acceptable de se contenter de renvoyer Coupat à la seule pathologie individuelle et familiale, et encore moins à le faire au nom du freudisme.

Citation de: Jean-Jacques
On notera ici encore la montée en puissance du vocabulaire : Coupat crache
son venin, sa haine déborde dans chaque phrase...
Cela et la suite, c'est une méthode de débat inacceptable. Coupat est complètement méprisé et haï par Jean-Jacques.

Le devoir d'un éditeur de site est de rappeler Jean-Jacques à plus de discipline de respect des autres. Nous lit-il ici ?

Peut-être aussi renvoyer Jean-jacques à lui-même :
Qu'est-ce qui ne va pas en toi, qui fait que le Coupat te dérange à ce point ?

Là encore, il faut prendre le risque d'exposer aux vents de la critique et du débat, les valeurs au nom desquelles on critique autrui, voire déteste autrui.
« Modifié: 08 juin 2009, 11:25:51 pm par Jacques »

JacquesL

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Re : Réédition du coup des "Irlandais de Vincennes". La suite.
« Réponse #8 le: 19 novembre 2012, 11:59:18 pm »
Il est bien confirmé qu'il s'agissait là d'une falsification policière maximale, exactement ce qu'on pouvait attendre de l'ex-ministre de la police qui détenait le palais de l'Elysée. Ce qui est nouveau en France, mais connu au Royaume Uni depuis au moins février 2011, voire depuis 2010.

http://www.lemonde.fr/societe/article/2012/11/08/l-espion-anglais-qui-a-piege-le-groupe-de-tarnac_1787480_3224.html
http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/11/14/le-secret-le-mieux-garde-de-l-affaire-de-tarnac_1790316_3232.html

Il s'agit de l'agent britannique Mark Kennedy, chargé de provoquer les altermondialistes pour organiser leurs arrestations. Pervers et largement mythomane.

Citer
Finalement, il y avait bien un homme qui vivait dans la "clandestinité" dans l'affaire de Tarnac. Mais il ne s'agissait pas d'un des jeunes gens interpellés le 11 novembre 2008 en Corrèze, à Rouen et à Paris, contrairement à ce que les rapports de police décrivaient. C'était Mark Kennedy. Son métier : policier britannique infiltré dans la mouvance altermondialiste de 2003 à 2010.

Mardi 6 novembre, comme l'a révélé Rue89, Me William Bourdon, avocat de Yildune Lévy, mise en examen pour "participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme", a demandé à la juge d'instruction chargée du dossier, Jeanne Duyé, la communication de "l'entier dossier de renseignement" dont sa cliente a fait l'objet avec son mari, Julien Coupat, également mis en examen.
...
Mark Kennedy, 42 ans, a passé sept ans sous le nom de Mark Stone à parcourir  le monde, de manifestations antiracistes en happenings écologistes, sans oublier  les réunions anti-G20. Il travaillait pour le National Public Order Intelligence Unit (NPOUI), un organisme britannique de lutte contre le terrorisme "intérieur".

En 2009, il participe à l'organisation de l'occupation d'une centrale à charbon à Ratcliffe-on-Soar (Royaume-Uni). Tous les participants sont interpellés, sauf lui. Le doute s'installe parmi ses proches. Le 20 octobre 2010, une confrontation est organisée par les militants, et il se découvre. L'affaire est révélée par le quotidien The Guardian. Le scandale provoque la disparition du NPOUI.

"STRUCTURE CLANDESTINE"

Dans le dossier de Tarnac, Mark Kennedy n'apparaît (presque) nulle part. Un "Mark" a été griffonné dans les carnets de Julien Coupat. Pourtant, il est partout, dès le début. Car l'enquête sur les militants français n'a pas commencé en novembre 2008, après les sabotages de lignes SNCF, mais le 11 avril, lorsque le patron de la sous-direction antiterroriste de la police judiciaire demande au parquet de Paris d'ouvrir une enquête préliminaire sur "une structure clandestine anarcho-autonome (...) projetant de commettre des actions violentes", sur la base d'"informations communiquées par la direction centrale des renseignements généraux".

Parmi ces éléments, un fait concret : l'interpellation de Julien Coupat et Yildune Lévy par la police canadienne, le 31 janvier 2008, alors qu'ils franchissent clandestinement la frontière américano-canadienne.

Mais aussi des détails plus flous issus de surveillances ou de sources internes au mouvement : la participation du couple "à une réunion d'anarchistes américains à New York", du 10 au 15 janvier, et "des relations étroites avec des activistes européens (...) notamment en Pologne, en Espagne, en Grèce, en Italie, en Suisse, en Allemagne et au Royaume-Uni". Un rapport confidentiel rédigé en juin 2008 par la direction centrale des renseignements généraux – publié en mars 2012 par Mediapart – est plus précis encore sur les dates et les participants aux réunions européennes, mais il n'a jamais été joint à la procédure...
...

Citer

C'est en février 2011 que parut la première brève sur le sujet : "Ce fut longtemps le secret le mieux gardé de l'"affaire de Tarnac" : un agent britannique, infiltré au coeur des mouvements altermondialistes et environnementalistes européens, a joué un rôle important dans cette enquête" (L'Express). La nouvelle est longtemps restée sans suite, orpheline. Les scandales ne s'importent pas comme n'importe quelle autre marchandise.

Leur naissance doit trop à la conformation morale du pays où ils éclatent. "L'affaire Mark Kennedy", en Angleterre, a nourri les tabloïds et les émissions à sensation pendant des mois. Elle a conduit à la dissolution de l'unité "d'élite" des services secrets pour laquelle il travaillait, au déclenchement d'une kyrielle d'enquêtes sur les méthodes d'infiltration de la police anglaise, à la démission d'un procureur, au non-lieu de toutes les procédures impliquant de près ou de loin Mark Kennedy, et même à l'annulation de jugements déjà rendus.

Mais le fond du scandale était éthique : il tenait à l'incompatibilité du stupre et du lucre avec l'ethos puritain anglais. Peut-on, dans le cadre de son travail d'officier de renseignement, coucher avec des dizaines de charmantes jeunes anarchistes ? Est-il permis de dépenser plus de 2 millions d'euros, sept ans durant, pour financer les soirées techno, les beuveries, les vacances, les montres-espions à 7 000 euros d'un James Bond piercé et tatoué de l'anarchie, et tout ça pour un peu d'information sur les activités des écologistes radicaux, des antifascistes, des militants antiglobalisation ? La sensibilité nationale répondait sans hésitation "non" à ces questions superflues. D'où l'ampleur et la durée du scandale. En Allemagne, où l'on est, semble-t-il, d'abord soucieux des procédures et du sol national, l'affaire Mark Kennedy porta plutôt sur la légalité ou non de l'usage d'un agent étranger sur le territoire allemand.

On peut dresser de l'affaire de Tarnac plusieurs généalogies également scandaleuses, et presque également barbouzardes, mais la plus significative politiquement est celle qui part de Mark Kennedy : car c'est elle qui en dit le plus long sur les arcanes de notre temps. Mark Kennedy travaillait officiellement pour la National Public Order Intelligence Unit, un service de renseignement britannique créé en 1999 afin de combattre le retour de la contestation écologiste et antiglobalisation au Royaume-Uni.

Le déploiement massif d'agents infiltrés dans ces mouvements traduit "sur le terrain" le lancement d'une nouvelle doctrine policière qui se nomme en anglais "intelligence-led policing" et en français, sous licence d'importation déposée par Alain Bauer et Xavier Raufer, le "décèlement précoce". C'est dans les années 2000 que le Royaume-Uni s'attache, au travers de sa présidence de l'Union européenne, à la diffuser et à la faire adopter par ses partenaires européens ; ce en quoi les autorités britanniques ont réussi, comme elles s'en flattent publiquement : car, avec la doctrine, c'est un ensemble de services, de techniques et d'informations qui pourront être échangés et vendus aux partenaires en question.

Des "informations" sorties de l'imagination fertile de Mark Kennedy, par exemple. La nouvelle doctrine dit ceci : l'engagement politique, dès qu'il dépasse le cadre inoffensif de la manifestation ou de l'interpellation des "dirigeants", sort du cadre démocratique pour entrer dans le domaine criminel, dans le "préterrorisme". Ceux qui sont susceptibles de sortir de ce cadre sont repérables à l'avance. Plutôt que d'attendre qu'ils commettent un crime, comme occuper une centrale à charbon ou bloquer un sommet européen ou un G8, il suffit de les arrêter dès qu'ils en forment le projet, quitte à susciter soi-même le projet.

Les techniques de surveillance humaine comme l'électronique à disposition doivent être suffisamment étendues, sophistiquées et partagées. Et comme ces techniques "préventives" ne sont elles-mêmes guère compatibles avec l'ordre réputé démocratique, il faut s'organiser en marge de celui-ci. C'est d'ailleurs en toute franchise ce que répondit le chef du BKA allemand (équivalent local de la direction centrale du renseignement intérieur, DCRI) lorsqu'une commission d'enquête parlementaire s'avisa de l'interroger sur l'affaire Kennedy : "Contre les euro-anarchistes, contre ceux qui s'organisent conspirativement et internationalement, nous devons nous organiser tout aussi conspirativement et tout aussi internationalement." "Il faut agir en partisan partout où il y a des partisans", disait Napoléon dans une formule que Carl Schmitt se plaisait tant à citer.

Il ne fait aucun doute que le début des ennuis pour les gens de Tarnac vient d'informations, fabriquées pour certaines, volontairement gonflées pour d'autres, émanant de Mark Kennedy : il fallait bien qu'il justifie son salaire, et ses employeurs, leurs crédits. Des réseaux franco-britanniques de l'ombre auront assuré leur transmission discrète à la DCRI, qui s'est trouvée ainsi piégée, elle, bien plus que ceux de Tarnac. Telle est donc la véritable signification, et le véritable skandalon, de l'affaire de Tarnac. Ce qui se cache sous l'apparence d'un fiasco judiciaire français, c'est la constitution d'une conspiration policière mondiale revendiquée dont Mark Kennedy, officiellement actif dans onze pays, de l'Europe aux Etats-Unis en passant par l'Islande, n'est à ce jour que le plus fameux pion.

Comme toujours, la prose policière ne contient de vérité qu'à condition de l'inverser terme à terme : lorsque la police dit : "Les euro-anarchistes sont en train de tisser un réseau pré-terroriste européen pour attaquer les institutions", il faut évidemment lire : "Nous, policiers, sommes en train de doubler les institutions par une vaste organisation européenne informelle afin d'attaquer les mouvements qui nous échappent." Le ministre de l'intérieur, Manuel Valls, a déclaré à Rome que, face aux "processus de radicalisation dans de nombreux pays", il importait d'accentuer la coopération au sein d'Interpol contre les "formes de violence provenant de l'ultra-gauche, de mouvements anarchistes ou d'autonomes".

Or ce qui se passe en ce moment en Europe, en Espagne, au Portugal, en Grèce, en Italie, au Royaume-Uni, ce n'est pas que surgissent ex nihilo des groupes radicaux venus menacer la quiétude de la "population", mais que les peuples eux-mêmes se radicalisent devant l'évident scandale qu'est l'ordre présent des choses. Le seul tort de ceux qui, comme les gens de Tarnac, sont issus du mouvement antiglobalisation et de la lutte contre la dévastation du monde, c'est d'avoir formé un signe avant-coureur d'une prise de conscience désormais générale.

Au train où vont les choses, il se pourrait bien qu'un jour le refus de l'identification biométrique, aux frontières comme dans la vie, devienne une pratique diffuse. Ce qui constitue la plus lourde menace sur la vie des gens, ce ne sont pas de chimériques "groupes terroristes", mais l'organisation effective de la souveraineté policière à l'échelle mondiale, et ses coups tordus. L'Histoire nous rappelle que les intrigues de l'Okhrana, la police secrète russe, n'ont guère porté bonheur au régime tsariste. "Il n'est pas de force au monde qui puisse endiguer le flot révolutionnaire quand il monte, et toutes les polices du monde, quels que soient leur machiavélisme, leurs sciences et leurs crimes, sont à peu près impuissantes", notait l'écrivain Victor Serge. Il délivrait aussi ce conseil dans Ce que tout révolutionnaire doit savoir sur la répression, 1926 : "Si l'accusation se base sur un faux, ne pas s'en indigner : la laisser plutôt s'enferrer avant de la réduire à néant."

Giorgio Agamben, philosophe et Yildune Lévy, mise en examen dans l'affaire de Tarnac

JacquesL

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Tarnac, la suite en 2015 par Manuel Valls :
« Réponse #9 le: 23 mai 2015, 11:36:27 pm »